Avec
This Is the End,
Seth Rogen et
Evan Goldberg signent leur première réalisation, un effort commun adaptant l’élusif court-métrage
Jay and Seth versus the Apocalypse (2007) – dont la version bande-annonce fut un bref phénomène viral sans que personne n’ait eu la chance de voir le court-métrage pilote dans son intégralité. Sous sa forme achevée,
Jay and Seth devient
This Is the End, se penchant tel que promis sur l'amitié de
Jay Baruchel et
Seth Rogen tout en y incorporant leur cercle de fréquentations pour un maximum de possibilités comiques: une véritable orgie apocalyptique de comédiens réunis en un seul lieu et dont le nom n’est plus à faire.
De ce fait,
The Is the End s’avère une comédie drôlement efficace, opérant sur deux plans : un « gimmick » privilégiant une lecture au niveau du jeu de ses acteurs – persona et personnages des interprètes délibérément confuses – et de nouvelles possibilités humoristiques que cette confusion engendre. Rogen et Goldberg s’en servent cependant pour camoufler leurs francs élans scénaristiques, car le véritable concept de leur film, voire même l'attrait, est dissimulé par l’alléchante idée d’un film d’acteurs où tous ces comédiens que l’on aime tant se joueraient eux-mêmes tandis qu’une fin du monde prématurée prend d’assaut Los Angeles. L’impact de cette comédie réflexive se veut similaire à un bon vieux
Abbot & Costello Meet… duquel on aurait gardé le monstre en mystère. En effet, on s’y précipitera pour ses têtes d’affiche moins que pour sa trame narrative dans laquelle Jay Baruchel rend visite à son ami de longue date Seth Rogen pour se retrouver prisonnier de la nouvelle villa de
James Franco en plein temps d'apocalypse en compagnie de
Jonah Hill,
Danny McBride et
Craig Robinson.
This Is the End se révèle, dans les faits, n’être qu’une simple comédie typique de la troupe Goldberg (également dans la lignée des films réalisés par
Judd Apatow ou
David Gordon Green dans les dernières années)... Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, car comme la plupart de ces précédentes productions,
This Is the End diverti, n’essouffle pas ses gags et fait bon usage de la dynamique unique de ses comédiens. Cela devient particulièrement intéressant lorsqu’on considère que la simple différence ici, est que Goldberg et Rogen n’aient pas pris la peine de se créer des personnages que Baruchel, Franco et compagnie auraient probablement incarnés de manière essentiellement identique. Se libérant d’une contrainte supplémentaire, ils se permettent d’ajouter tout un second niveau de minutions humoristiques où l'aura de ces comédiens est déconstruite sous nos yeux (
Michael Cera, dans un caméo inspiré, jouant tout le contraire de ce qu’on attend de lui habituellement par exemple) ou encore parodiée (Jonah Hill, en dandy de Los Angeles, incarne en l’ennemi juré de Jay Baruchel) ou simplement utilisée à bon escient (tel est le cas pour Baruchel, Rogen, Franco, McBride et Robinson, tous excellents sans pour autant surprendre). Voilà un film sur l’amitié entre acteurs qui se développe, un film sur la camaraderie que l’on sent enfin plus tangible que fictive et qui sera paradoxalement mise à l’épreuve dans un manège évoquant une étrange télé-réalité à laquelle on aurait intégré un apocalypse spectaculaire d’images de synthèse pour divertir doublement.
La teneur symbolique de ce titre n’est pas sans intérêt non plus,
This Is the End se voulant peut-être (espérons le contraire) la fin naturelle d’une certaine démarche et d’une panoplie de « personnages » que ces acteurs auraient épuisés, dépassés ou écartés au fil des ans. Franco qui, par exemple, accumule récemment les projets plus sérieux et expérimentaux, ayant majoritairement délaissé cette figure de
stoner pour celle de l’artiste excentrique s'intéressant à de nombreux films d'auteur allant du récent
As I Lay Dying au controversé
Interior. Leather Bar. sorti plus tôt dans l’année. Pour sa part, Jonah Hill nous rappelle à la blague qu’il est du calibre d’une nomination aux Oscars (pour
Moneyball) et est passé à autre chose. Baruchel, quant à lui, se dirige vers une autre scène que celle de L.A., puis Cera, dont la performance d'antagoniste préfigure les rôles rafraîchissants qu’il tiendra bientôt dans ses collaborations avec le réalisateur Sebastián Silva –
Magic Magic et
Crystal Fairy à paraître plus tard dans l’année – confirme qu'il a tourné la page. Qu’il s’agisse d’une simple célébration ou encore d’un enterrement de vie garçon, l’appréciation du produit final dépendra surtout du degré d’attachement et d’importance que porte le public à ces acteurs démontrant, encore une fois, qu’ils n’ont pas fini de nous faire rire.