DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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This Is the End (2013)
Evan Goldberg et Seth Rogen

Ces fins acteurs

Par Ariel Esteban Cayer
Avec This Is the End, Seth Rogen et Evan Goldberg signent leur première réalisation, un effort commun adaptant l’élusif court-métrage Jay and Seth versus the Apocalypse (2007) – dont la version bande-annonce fut un bref phénomène viral sans que personne n’ait eu la chance de voir le court-métrage pilote dans son intégralité. Sous sa forme achevée, Jay and Seth devient This Is the End, se penchant tel que promis sur l'amitié de Jay Baruchel et Seth Rogen tout en y incorporant leur cercle de fréquentations pour un maximum de possibilités comiques: une véritable orgie apocalyptique de comédiens réunis en un seul lieu et dont le nom n’est plus à faire.

De ce fait, The Is the End s’avère une comédie drôlement efficace, opérant sur deux plans : un « gimmick » privilégiant une lecture au niveau du jeu de ses acteurs – persona et personnages des interprètes délibérément confuses – et de nouvelles possibilités humoristiques que cette confusion engendre. Rogen et Goldberg s’en servent cependant pour camoufler leurs francs élans scénaristiques, car le véritable concept de leur film, voire même l'attrait, est dissimulé par l’alléchante idée d’un film d’acteurs où tous ces comédiens que l’on aime tant se joueraient eux-mêmes tandis qu’une fin du monde prématurée prend d’assaut Los Angeles. L’impact de cette comédie réflexive se veut similaire à un bon vieux Abbot & Costello Meet… duquel on aurait gardé le monstre en mystère. En effet, on s’y précipitera pour ses têtes d’affiche moins que pour sa trame narrative dans laquelle Jay Baruchel rend visite à son ami de longue date Seth Rogen pour se retrouver prisonnier de la nouvelle villa de James Franco en plein temps d'apocalypse en compagnie de Jonah Hill, Danny McBride et Craig Robinson.

This Is the End se révèle, dans les faits, n’être qu’une simple comédie typique de la troupe Goldberg (également dans la lignée des films réalisés par Judd Apatow ou David Gordon Green dans les dernières années)... Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, car comme la plupart de ces précédentes productions, This Is the End diverti, n’essouffle pas ses gags et fait bon usage de la dynamique unique de ses comédiens. Cela devient particulièrement intéressant lorsqu’on considère que la simple différence ici, est que Goldberg et Rogen n’aient pas pris la peine de se créer des personnages que Baruchel, Franco et compagnie auraient probablement incarnés de manière essentiellement identique. Se libérant d’une contrainte supplémentaire, ils se permettent d’ajouter tout un second niveau de minutions humoristiques où l'aura de ces comédiens est déconstruite sous nos yeux (Michael Cera, dans un caméo inspiré, jouant tout le contraire de ce qu’on attend de lui habituellement par exemple) ou encore parodiée (Jonah Hill, en dandy de Los Angeles, incarne en l’ennemi juré de Jay Baruchel) ou simplement utilisée à bon escient (tel est le cas pour Baruchel, Rogen, Franco, McBride et Robinson, tous excellents sans pour autant surprendre). Voilà un film sur l’amitié entre acteurs qui se développe, un film sur la camaraderie que l’on sent enfin plus tangible que fictive et qui sera paradoxalement mise à l’épreuve dans un manège évoquant une étrange télé-réalité à laquelle on aurait intégré un apocalypse spectaculaire d’images de synthèse pour divertir doublement.

La teneur symbolique de ce titre n’est pas sans intérêt non plus, This Is the End se voulant peut-être (espérons le contraire) la fin naturelle d’une certaine démarche et d’une panoplie de « personnages » que ces acteurs auraient épuisés, dépassés ou écartés au fil des ans. Franco qui, par exemple, accumule récemment les projets plus sérieux et expérimentaux, ayant majoritairement délaissé cette figure de stoner pour celle de l’artiste excentrique s'intéressant à de nombreux films d'auteur allant du récent As I Lay Dying au controversé Interior. Leather Bar. sorti plus tôt dans l’année. Pour sa part, Jonah Hill nous rappelle à la blague qu’il est du calibre d’une nomination aux Oscars (pour Moneyball) et est passé à autre chose. Baruchel, quant à lui, se dirige vers une autre scène que celle de L.A., puis Cera, dont la performance d'antagoniste préfigure les rôles rafraîchissants qu’il tiendra bientôt dans ses collaborations avec le réalisateur Sebastián Silva – Magic Magic et Crystal Fairy à paraître plus tard dans l’année – confirme qu'il a tourné la page. Qu’il s’agisse d’une simple célébration ou encore d’un enterrement de vie garçon, l’appréciation du produit final dépendra surtout du degré d’attachement et d’importance que porte le public à ces acteurs démontrant, encore une fois, qu’ils n’ont pas fini de nous faire rire.
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Critique publiée le 15 juin 2013.