Miyamoto Musashi, personnage parmi les plus célèbres de l’histoire médiévale nippone, a beau avoir fait l’objet d’une quinzaine de films, la version des aventures de ce samouraï signée Inagaki reste la plus définitive. Le chambara, film de genre aux sabres japonais, devient alors le cousin germain du film de cape et d’épée hollywoodien. Cette saga se dévore donc comme les grands feuilletons des quotidiens au début du siècle. À chaque film, le souffle épique se fait plus puissant, accompagnant les obstacles croissants d’un héros ne connaissant que deux facettes : l’exaltation du combat et une certaine désespérance quand il doit faire face aux lois de l’humanité, bien plus complexes que celle du sabre.
La trilogie progresse selon cette dualité : Musashi combat des centaines d’assaillants dans le premier film, quarante dans le second, un seul dans le majestueux duel final. Inagaki appliquant en parallèle cette règle à sa mise en scène, toujours plus aboutie. Le traitement visuel se purifie d’autant : le renversant récit de Miyamoto Musashi se simplifie pour devenir aussi délicat qu’un haïku dans La Voie de la lumière. La rage et les cris guerriers sont alors moins assourdissants que le cours paisible d’une rivière, un pétale de pivoine plus meurtrier qu’une plaie sanglante, le vent dans les hautes herbes les rend plus tranchantes que le plus affûté des katanas. Monumental, époustouflant et rythmé aux aléas des batailles à ses débuts, cette fresque tend vers de bouleversants airs contemplatifs qu’on retrouvera plus tard chez Sergio Leone. La trilogie d’Inagaka marque aussi la naissance de la carrière du célèbre acteur Toshirô Mifune, à la fois figure marquante et tête d’affiche pour plusieurs films d’Akira Kurosawa.