ENTREVUE AVEC YANG IK-JUNE
Lundi 3 Août 2009
Par Mathieu Li-Goyette
Sacré meilleur film de l'édition 2009 du Festival Fantasia
et se méritant le prix de la meilleure interprétation,
le génie derrière Breathless (agissant aussi
à titre de producteur et de scénariste), Yang Ik-june,
nous a généreusement accordé un entretien à
la suite d'une longue conversation où le cinéaste coréen
a dit être un fan de Takeshi Kitano, Jean-Luc Godard, Martin Scorsese
et Ken Loach. Cinéphile, Ik-june oeuvre depuis 2002 comme acteur
dans le cinéma coréen et signe ici une première
oeuvre de maître. Épaulé par Mi-Jeong Lee, présidente
de Ciné-Asie sans laquelle cet entretien n'aurait jamais pu voir
le jour, nous nous sommes penchés le temps d'un café sur
les inspirations cinéphiliques du cinéaste et sur la relation
qu'il entretient avec son film très personnel. Récemment
acquis par Ciné-Asie, le film devrait voir le jour en salles
à travers le Canada dans le courant de l'année 2010 et
un peu plus tard en DVD.
Pano : Quelle est la traduction en coréen du
titre de votre film Breathless?
Yang Ik-june : Merde volante (« When
the shit hits the fan »).
Pano : En regardant Breathless, je pensais
à un autre Breathless, celui d'À bout de
souffle de Jean-Luc Godard. En terme de relations entre le personnage
que vous jouez et la femme avec qui il est. J'y voyais un certain hommage
à Godard à travers cette relation d'amour-haine qui s'édifie
elle-même principalement sur les silences, les contradictions,
les insultes sans fondements.
Yang Ik-june : Je suis un fanatique de Godard, alors
il y a peut-être un peu de ça à l'intérieur,
mais je n'avais jamais vu À bout de souffle avant de
faire Breathless. En fait, c'est un ami qui est aussi un producteur
et réalisateur qui a décidé de donner au film le
nom Breathless pour la distribution international et il ne
pensait pas à Godard; le titre semble parfait parce que c'est
exactement l'impression que je voulais porter à l'écran.
En fait, j'ai rencontré l'assistant-réalisateur d'À
bout de souffle (Pierre Rissient) en Europe et il avait vu mon
film à cause de la ressemblance. Il a dit qu'il avait beaucoup
aimé et nous avons pris un verre! [rires]
Pano : C'est évidemment un message très
personnel porté à l'écran et aussi dans la façon
dont vous avez décidé d'interpréter votre personnage,
la façon dont l'histoire est menée, comment le merveilleux
script à été écrit... Quand l'idée
vous est venu d'assurer vous-même l'entièreté du
projet de la scénarisation à l'interprétation?
Yang Ik-june : Lorsque j'ai commencé à
écrire mon scénario, je n'ai jamais pensé en faire
un film. Je n'ai jamais rien planifié parce que je ne fais pas
partie de l'industrie du cinéma dans mon pays. Pourtant, j'ai
réalisé quelques court-métrages et j'ai joué
dans quelques longs-métrages en Corée. J'avais un travail
d'assistant à une station de télévision et c'était
assez ennuyant. Un jour, j'ai simplement appelé le producteur
de la station, je lui ai dit que je quittais et que j'allais me mettre
à travailler sur un scénario. Je n'avais aucun emploi,
j'ai marché à travers les campus universitaires et je
me suis mis à regarder autour de moi et à écrire
mon scénario en utilisant quelques vieilles notes. Quand j'écrivais
mon scénario (puisque je vous ai déjà dis que j'étais
acteur), je me disais que mon interprétation n'était jamais
parvenue à satisfaire la colère que je voulais exprimer
à l'écran. En tant qu'acteur, je n'étais pas satisfait
de ma carrière parce que ce que je retenais à l'intérieur
de moi devait être relâché, il y avait tant de colère
quand j'ai écris ce scénario et c'est ainsi que j'ai finis
par l'écrire au bout de 23 jours à me promener dans les
campus. Je n'avais qu'un calepin, un crayon et de la musique puisque
c'était tout ce que je pouvais me payer.
YANG IK-JUNE
Pano : Est-ce que vous pensez continuer le métier
d'acteur à l'intérieur de vos films à l'avenir?
Je suppose que vous avez déjà plusieurs idées par
rapport à de futurs scénarios...
Yang Ik-june : Oui, je veux continuer d'être
acteur dans mes films.
Pano : Vous avez dis que vous étiez très
près d'un cinéma humaniste. Dans quel sens pensez-vous
continuer à jouer ce genre d'anti-héros et comment comptez
vous poursuivre cette approche esthétique que vous aviez mis
de l'avant dans Breathless? Le personnage vous intéresse?
Sa condition spécifique?
Yang Ik-june : Je n'ai aucun plan sur ce que je vais
ou veux faire prochainement, mais j'aimerais. Pour le moment, je vais
faire ce qui me tente. Je ferai probablement quelque chose de plus constructif
l'an prochain, mais je veux prendre une pause avant de recommencer à
jouer dans des films comme l'offre que j'ai eu de jouer dans un long-métrage
indépendant. Ensuite, je vais continuer à parcourir l'Europe
pour promouvoir mon film dans les festivals. L'an prochain, je vais
probablement me remettre à écrire. Rien n'est certain.
Pano : Vous avez dit plus tôt que vous étiez
très inspiré du cinéaste anglais Ken Loach. Dans
ses films, de petits personnages sont présentés dans une
vie sans emphase mélodramatique et, se faisant, un commentaire
social apparaît qui en dit beaucoup plus sur le pays où
ils vivent par exemple...
Yang Ik-june : Bien, je peux voir où est la
comparaison. J'admire son travail et nous sommes peut-être très
similaires dans notre façon de traiter nos personnages et à
quel niveau ils représentent la société. Cependant,
Ken Loach aborde la société comme un environnement complexe
alors que je ne suis pas un homme politique. Avant qu'il ne se mette
à réaliser un film, il prend une direction, planifie une
situation politique ou économique à traiter tandis que
je n'ai personnellement aucun intérêt aux politiques de
droite ou de gauche. Breathless était un film sur les
problèmes que j'ai vécu en Corée, c'est un film
à propos des problèmes que j'ai dû affronter et
il raconte une histoire en relation avec un contexte social duquel je
me suis évidemment inspiré vu que j'ai dû vivre
avec celui-ci. Honnêtement, je ne pense pas pouvoir apporter quoi
que ce soit à mes films à part des événements
que j'ai vécu ou rêvé. C'est la façon dont
je me sens à un moment précis qui dicte l'écriture
de mon scénario et rien d'autre.