ENTREVUE AVEC BUDDY GIOVINAZZO
Vendredi 7 Août 2009
Par Mathieu Li-Goyette et Jean-François Vandeuren
Le cinéma de Buddy Giovinazzo (quatre films en 25 ans) est presque
inconnu des cinéphiles en général. Pourtant, la
vision sombre qu'il offre de l'Amérique idéalisée
dont il est issu est d'autant plus intéressante qu'elle détourne
les trames narratives classiques et fait de l'espace (Giovinazzo préférant
les microcosme et les huis clos) l'ennemi principal de ses personnages
confus. Affichant une maîtrise certaine du médium, mais
surtout un plume acerbe qui rappellera sur plusieurs points celle du
scénariste Paul Schraeder, l'enfant terrible italo-américain
vit depuis une dizaine d'années en Allemagne où, enfin,
il tourne régulièrement pour la télévision
des long-métrages d'enquête policière et de thriller.
Convaincu que le cinéma est un privilège que l'on se doit
de respecter en offrant une vision du monde personnelle et honnête,
les prochaines nouvelles de ce cinéaste trop peu discuté
devraient nous parvenir au cours des prochaines années à
la suite d'une acquisition des droit de Potsdamer Platz par
Tony Scott dans un projet qui metterait en vedette Mickey Rourke et...
possiblement Gene Hackman. Écrivain peut-être plus célèbre,
Giovinazzo est l'auteur de Potsdamer Platz et devrait, si les
discussions vont bon train, assurer l'adaptation cinématographique
de sa propre oeuvre.
Pano : Qu'est-ce que vous pensez de la décision
de Fantasia de présenter votre premier film [Combat Shock]
en format 16mm?
Buddy Giovinazzo : Il n'a été projeté
qu'une seule fois à New York dans une boîte de nuit. Je
crois que l'occasion est incroyable et de toute façon j'ai toujours
voulu être à Fantasia. Lorsque j'étais à
Vancouver il y a de ça 9 ans au Festival CineMorte, tout le monde
partait pour Fantasia et j'étais tellement jaloux! C'est le genre
de public pour mes films. Ces derniers n'ont jamais été
accepté par le large public alors on ne les trouve que sur des
DVDs, sur le web, sur des réseaux underground. Au fil des ans,
la rumeur s'est répandue et j'ai réalisé qu'il
y avait des gens qui aimaient les films que je faisais alors qu'au moment
de leur sorties, ils ne sont pas commerciaux du tout alors il n'ont
aucun succès. Être ici c'est incroyable parce que c'est
le genre de public qui aime ces films-là. En Amérique,
lorsque vous présentez un film devant 1000 spectateurs, il y
en a probablement 10 ou 15 qui vont être friands de ce genre de
cinéma. Le reste sont intéressés aux films commerciaux
et aux divertissements et ils se demandent après pourquoi je
ne les divertis pas! C'est uniquement parce que je ne sens pas que mon
travail soit de divertir. Mon travail n'est pas non plus d'être
ennuyant, mais je veux pas en faire un simple divertissement. C'est
tellement difficile mener un film à terme que lorsqu'on réussit,
autant faire quelque chose en lequel on croit. Quelque chose qui nous
pousse à faire des sacrifices puisqu'après tout, ça
se résume bien à ça le cinéma.
Pano : Concernant Life is Hot in Cracktown,
comment avez-vous géré le contenu du livre qui date de
1993 par rapport aux réalités d'aujourd'hui. Est-ce que
vous avez changé quelque chose durant les 16 ans qui séparent
les deux époque?
Buddy Giovinazzo : C'est toute une question! Il y a
tellement de gens qui m'ont affirmé que le film était
aussi important aujourd'hui et d'autant plus en Amérique. Le
livre est paru en 1993 et je l'ai adapté la même année.
De 1994 à aujourd'hui j'ai tenté de le transposer à
l'écran. J'ai toujours cru en cette vision de la pauvreté
et des démunis, j'ai grandi à New York alors j'ai vu beaucoup
de ces choses et beaucoup de gens abusés par la drogue et la
violence. C'était toujours là, mais maintenant parce que
l'économie importe particulièrement, c'est un situation
qui devient de plus en plus commune. Il y a tellement de gens qui perdent
leur emploi ou qui sont effrayés par cette possibilité
et personne n'a assez d'argent pour vivre si ce n'est que d'un chèque
de paie à l'autre. J'ai vécu à Berlin pendant plus
de 10 ans et lorsque vous n'avez par l'argent pour vous procurer une
voiture, vous ne le faites pas. Mais en Amérique, j'ai beaucoup
d'amis qui font de très bon salaire, mais ils sont tout le temps
fauchés sous prétexte qu'ils ont une grande maison, deux
voitures et passent leur temps à manger des sushis. Nou avons
un style de vie différent et c'est pourquoi la crise économique
ne nous atteint que superficiellement et pour moi, Life is Hot in
Cracktown est juste un doigt d'horreur et un oiseau de malheur
pour effrayer les gens. Comme ce l'était avec Combat Shock,
les gens qui viennent encore me voir pour me dire que le film les traumatise
en tissant le parallèle entre cette guerre inutile et celle que
l'on vit actuellement. Je pense seulement que c'est mon intérêt
envers ces personnages qui se faufilent dans les crevasses du système.
Je les trouve bien plus intéressant que les gens aisés.
Pour revenir à votre question [rires]... Non, je n'ai rien changé
du scripte.
Pano : Et vous avez fait de la télévision
en Allemange lors des 10 dernières années... quand avez-vous
commencé à vouloir y faire carrière.
Buddy Giovinazzo : Je n'ai jamais vraiment voulu allé
en Allemagne pour être réalisateur. À la base, je
vivais à Los Angeles de 1995 à 1998 et j'ai complété
mon second film No Way Home avec Tim Roth et j'étais
très heureux. Malheureusement, le film n'a pas fait d'argent
et lorsque vous ne faites pas d'argent à Hollywood, vous arrêtez
de travailler. Je n'ai pas travaillé pendant 3 ans où
je commençais à vivre sur ma carte de crédit et
je ne pouvais plus le supporter. Je n'aimais pas le style de vie et
puis j'ai eu une chance d'aller à Berlin gratuitement pendant
quelques mois. J'y suis allé et j'ai tenté de me trouver
un emploi et j'ai alors réalisé que No Way Home,
qui n'avait pas fait d'argent aux États-Unis, était très
populaire en Allemagne! Alors un producteur m'a appelé et m'a
offert un boulot pour travailler avec lui. Je ne parlais pas un mot
d'allemand alors j'ai appris sur le tas en faisant mon premier long-métrage
allemand qui a, en plus, eu un franc succès. Depuis, j'ai déjà
fais 10 films de la sorte parce que les films de la télévision
allemande durent 90 minutes et utilisent un budget de 1,2 million euro
chacun donc de 1,5 million de dollars US. À chaque fois que j'en
faisais un, je me sentais comme dans un contexte de production de film
américain indépendant alors c'est pourquoi Life is
Hot in Cracktown n'aurait été possible sans cette
expérience. J'avais fais 10 films alors je savais comment gérer
les mauvaises situations de la bonne façon et nous sommes finalement
parvenus à passer au travers.
Pano : Cela démontre que le film fonctionne
sur le plan esthétique tout en paraissant que le budget est limité,
surtout lorsque vous réalisez des court-métrages avec
un budget serré.
Buddy Giovinazzo : En fait, j'avais un style complètement
différent en tête. Je voulais que le film soit très
fluide avec des mouvement de rails et de steadycam pour que la mise
en scène soit très élégante. J'ai finalement
réalisé avec mon directeur photo dès le premier
jour de tournage que ces scènes glauques ne pouvaient être
tournées de la sorte. Ce n'était pas juste et surtout
malhonnête envers les composantes du récit. Nous n'avions
pas d'argent avec seulement 1 million et ce n'est rien à Los
Angeles. La majorité des films dépensent ce budget pour
les dîners. Je savais que l'on devrait allé tourner dans
les rues et plus je filmais, plus l'esthétique plus robuste du
film est apparue et nous l'avons maintenue. Je souhaitais que le public
puisse voir la vie de ghetto comme s'ils y étaient. En tant que
réalisateur, je peux dire que le film s'oriente par lui-même.
Mon travail est de dire la vérité. Lorsque je travaille
avec mes acteurs, je regarde uniquement ce qu'ils font et je me demande
si je pouvais être en mesure d'y croire et à partir de
ça je travaille la scène et ce que le personnage ferait
dans une telle situation. La plupart du temps, lorsqu'un acteur me demande
« pour quoi est-ce que je me tiens sur le bord de la fenêtre
et non sur le seuil de la porte?» et que j'ai aucune raison à
lui répondre, je dois y réfléchir et peut-être
que finalement le personnage devrait en effet se tenir près de
la porte. J'ai travaillé avec Evan Ross qui interprète
Romeo et il est le fils de Diana Ross. C'est ce genre de petit bel enfant
qui n'a jamais joué un rebelle, qui a toujours fait le petit
garçon tranquille, poli, plein d'entrain. Alors quand il est
venu pour demander ce rôle, je ne pensais pas qu'il pourrait le
faire. Il s'est ensuite enregistré à New York en train
de faire deux scènes et j'ai réalisé qu'il était
fantastique finalement. Je l'ai choisi même s'il n'avais aucune
expérience dans le domaine, il a grandit avec 100 millions! C'est
le fils de Diana Ross tout de même et c'est évident qu'il
n'a jamais manqué de rien.
Pano : Vous avez réussi à rassembler
Brandon Routh, Shannyn Sossamon, Kerry Washington et Lara Flynn Boyle,
était-ce difficile?
Buddy Giovinazzo : Cela a pris neuf mois pour le casting
seulement. Nous leur avons offert un cachet minuscule et ça ne
faisait aucune différence qu’ils soient de grandes vedettes
ou non. Tous les principaux personnages ont reçu la même
somme d’argent. C’est Kerry Washington qui a été
la première à dire oui et ensuite j’ai pu engager
Illeana Douglas et à partir de ce moment les agents des autres
acteurs ont commencé à exiger plus d’argent. Mais
nous pouvions leur expliquer que Kerry Washington et Illeana Douglas
recevaient déjà un certain salaire et que nous ne pouvions
pas offrir plus. Ultimement, un à un, ils ont accepté
et ils ont réalisé qu’ils adoraient le script et
le fait que je suis un directeur d’acteurs. Je ne suis pas méchant
sur le plateau de tournage et je veux savoir ce qu’ils pensent
et je crois que plusieurs de leurs idées sont meilleurs que les
miennes alors cette opportunité les a aussi aidé à
dire oui. La plupart du temps, une actrice comme Shannyn Sossamon n’a
pas la chance de jouer un tel rôle, tout comme Illeana Douglas.
Brandon Routh est Superman. Je l’ai rencontré lors d’une
soirée et quelqu’un lui a dit que je faisais un film. Il
m’a demandé quel rôle il pourrait tenir dans le film,
mais je ne l’ai pas cru sur le coup alors j’en ai ri (à
Hollywood vous ne croyez rien de ce que les autres vous disent [rires])
et il a simplement répondu qu’il était sérieux,
car il voulait sortir de son costume moulant. J’ai réalisé
qu’il ne voulait pas être Superman pour le reste de sa carrière
et qu’il voulait jouer. Son personnage avait originalement été
écrit pour un adolescent de 16 ans et j’ai ensuite décidé
d’en faire un patient qui venait tout juste de sortir d’un
hôpital psychiatrique et c’était mieux pour l’enfant
qui se tenait avec cet adulte qui agit comme un enfant. C’était
d’ailleurs mieux qu’avoir un autre enfant pour jouer cette
partie de l’histoire. C’est comme ça que nous avons
pu assembler la distribution pièce par pièce avec beaucoup
de chance.
Pano : Comment avez-vous commencé à financer
le film? C'était un studio ou une compagnie indépendante
de film?
Buddy Giovinazzo : J'ai tenté de recevoir de
l'argent de la part de l'Allemagne, mais il y avait des thèmes
trop crus pour que les Allemands me financent. Nous avons essayé
de vendre le projet depuis 13 ans et à chaque réunion
que j'ai eu à Los Angeles une fois ou deux par année pour
tenter de recommencer ma carrière aux États-Unis, mais
les gens ont toujours trouvé le projet trop difficile et ont
pensé que j'étais fou. Certains l'aimaient réellement,
mais ne pensait pas non plus être en mesure de le rentabiliser.
J'avais un ami qui était producteur et il avait reçu le
scénario il y a de ça 10 ans et il m'a finalement présenté
à un ami qui a accepté de me donner 1 million pour faire
le film. Le plus drôle, c'est que le gars qui a financé
le film est un conservateur républicain alors que c'est vraiment
le type de film qu'il ne voudrait jamais financer ni même voir...
De fil en aiguille, il a retiré son nom du film pour que le parti
républicain ne le voit pas. Il leur a déjà donné
beaucoup d'argent en plus d'avoir activement supporté Ronald
Reagan et George Bush alors le fait qu'il ait fait ce film rend l'anecdote
encore plus surprenante lorsqu'on se dit que c'est la dernière
chose au monde qu'il voudrait faire.
BUDDY GIOVINAZZO
Pano : J'ai lu que Tony Scott était intéressé
à adapter un de vos romans. Quel est le statut actuel du projet?
Buddy Giovinazzo : Le statut du projet est qu'ils viennent
de prendre une option sur le livre le 1er juillet dernier. Tony était
supposé faire un film nommé Unstoppable et ensuite
il revenait sur le projet nommé Postdamer Platz. Unstoppable
a été annulé et il espère maintenant travailler
sur Postdamer Platz, mais il se cherche un studio pour le financer.
Il a déjà choisi Mickey Rourke pour faire le protagoniste
et il tente de convaincre Gene Hackman de sortir de la retraite pour
faire un des criminels.
Pano : À propos de Combat Shock, Troma
met sur le marché une version Director's Cut du film...
Buddy Giovinazzo : C'est fantasitique! C'est en fait
mon propre négatif 16mm qui est complètement immaculé.
Il n'y a pas d'extraits venant des archives Troma, il n'y a pas le générique
Troma, c'est mon film étudiant comme je l'entendais. Il y a aussi
mes court-métrages de l'époque qui permettent de voir
comment je me suis rendu à Combat Shock ainsi que quelques
entrevues avec des cinéastes qui parlent du film. Vous savez,
Combat Shock était un film étudiant, il m'a couté
40 000$. Je ne pensais jamais qu'il serait un film terminé parce
que je me préparais à terminer le projet un coup que je
n'aurais plus le budget pour le supporter moi-même. À chaque
fois que je manquais d'argent, je réalisais qu'il y avait encore
plus à faire alors j'ai travaillé, j'ai économisé
et je pouvais tourner deux mois de plus et le tout à duré
deux ans. Le DVD est aussi très bien parce qu'il y une section
où l'on voit les endroits de l'époque et ceux d'aujourd'hui.
Vous voyez par exemple que là où il y avait l'appartement,
il y a maintenant une entreprise dans un centre d'achats! Troma a vraiment
fait un travail formidable avec ce DVD, il ne pourrait être mieux.
Pano : Mis à part Combat Shock et Life
is Hot in Cracktown aussi en DVD cette année, est-ce qu'il
y a d'autres de vos films qui vont faire leur entrée sur le marché?
Buddy Giovinazzo : Ça me dérange vraiment
que No Way Home ne soit pas sorti en DVD. Peut-être au
Canada, mais sinon je possède la version allemande du film. Je
ne sais pas pourquoi parce qu'en plus le film s'est bien vendu sur le
câble et il n'a jamais mis les pieds sur le DVD en Amérique
du Nord. Je ne sais pas ce qu'ils attendent, d'autant plus que je n'ai
aucune nouvelle d'une prochaine sortie. De toute façon, deux
films en DVD c'est assez pour moi et pour le public.
Pano : Sur quoi travaillez-vous en ce moment?
Buddy Giovinazzo : Je travaille actuellement sur un
thriller à partir d'un scénario que j'ai écris
il y a bien longtemps et j'aimerais faire quelque chose de ça
avec le producteur de Life is Hot in Cracktown. Ça s'apelle
123 Depravity Street. Cela va être un très petit
budget parce que compte tenu de la situation économique actuelle,
vous ne pouvez même pas ramasser un million. Et c'est tant mieux
pour moi parce que mes autres films comme Combat Shock et No
Way Home ont tous été faits alors que je n'avais
pas d'argent à la différence qu'aujourd'hui j'ai l'Allemagne
et je peux y vivre en exerçant mon métier et non simplement
essayer de survivre aux États-Unis alors que le métier
de cinéaste ne serait pas suffisant.
J'ai une question pour vous... est-ce que vous avez-vu la version non-censurée
du film?
Pano : Oui, celle qui s'ouvre sur une scène
de viol assez explicite.
Buddy Giovinazzo : Et c'est pratiquement pourquoi nous
l'avions mis au début parce que si vous êtes capable de
rester assis devant, vous serez en mesure de comprendre et d'apprécier
le film. Ce n'était pas prévu ou monté ainsi au
départ (tout comme la fin), mais au final il faisait plus de
sens de mêler les histoires en y recherchant des réponses
émotionnelles d'une à l'autre.
Pano : En fait, durant la scène du viol, le
plus traumatisant n’est pas tant le viol plus que le fait que
ce soit l’amoureux de la fille qui la donne à ses amis
pour qu’ils la violent. La perte d’humanité dans
ce couple est particulièrement difficile à digérer
quand on y pense.
Buddy Giovinazzo : C'est intéressant parce que
le viol n'est pas une question de sexe. C'est à propos de la
destruction d'une femme. Les gens m'ont demandé pourquoi ne revient-elle
pas et pourquoi on ne la voit pas prendre sa vengeance sur son ex-copain
et ma réponse est qu'il faut être réaliste avant
tout. La violence est insensée et lorsque vous vivez dans un
mauvais quartier, vous savez que la violence se produit pour des vols,
des jalousies, des crises haineuses et sans raison. C'est de la violence
insensée. Lorsque vous regardez un film sur la mafia, il y a
un motif, il y a une raison. Ici, il n'y a que quelqu'un qui est devenu
complètement cinglé et qui cherche à détruire
un autre individu. L'actrice a accepté de le faire et elle savait
bien ce qui s'en venait. Au début ça ne marchait pas et
ensuite j'ai suggéré qu'elle se mette à se défendre
à chaque instant. Alors, elle a gagné en dignité,
car même contre quatre hommes elle tentait de se défendre.
Elle n'était plus une victime et je crois qu'elle a livré
une très bonne performance avec un rôle difficile.
Pano : Comment avez-vous fait pour convaincre les acteurs
de jouer dans les lieux réels de l'histoire.
Buddy Giovinazzo : Le problème c'était
que tout le monde avait des fusils. Lorsque tu as un permis de conduire,
tu peux acheter une arme. C'est terrible... Donc, nous pouvions tourner
dans les rues en assumant que partout autour de nous les gens étaient
armés donc nous devrions être tranquilles et bien rusés.
Il y avait presque toutes les nationalités avec nous en plus
des policiers alors le groupe s'est intégré facilement
alors que nous devions même parfois tourner durant la nuit. Un
soir, nous avons tourné sur une rue où les policiers étaient
en train de laver le trottoir pour effacer les traces de sang qui avaient
été laissé par un meurtre le soir-même. C'était
ce genre de situation, de la violence insensée sans arrêt.
Au moins, personne n'a été attaqué, mais c'est
surtout les acteurs qui n'étaient pas habitué et ça
été une très bonne expérience de carrière
au lieu de se pointer encore dans un studio où tout est prévu
et factice. Nous tournions donc d'une façon avec laquelle nous
ne pouvions savoir ce qui allait se passer et j'en ai apprécié
les erreurs qui rajoutent de la crédibilité au film.
Pano : En fait je pensais au néo-réalisme
italien qui n'avait pas plus de budget, pas plus d'endroit autre que
les rues de l'Italie d'après-guerre et ils essayaient de faire
de leur mieux sur un film donné. En ce sens, le message de Cracktown
fonctionne aussi parce que ce qui se passe dans les banlieues de Los
Angeles peut aussi bien arriver à New York, Paris et même
Montréal.
Buddy Giovinazzo : C'est merveilleux que vous le mentionnez
parce que j'adore le néo-réalisme. Si le film ressemble
à quoique ce soit de néo-réaliste, c'est plus par
Rosselini alors que mon cinéaste favori demeure tout de même
Visconti. Visconti a toujours un style très élégant
lorsque vous arrivez avec des films comme Ossessione (1943)
ou Terra Trema (1948) qui raconte l'histoire d'une famille
de pêcheurs qui partent leur propre compagnie. C'était
ma vision de Cracktown si on peut dire, j'ai débuté
le film comme Visconti, je me suis retrouvé à le terminer
à la Rosselini!