DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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American Reunion (2012)
Jon Hurwitz et Hayden Schlossberg

Retour à la case départ

Par Jean-François Vandeuren
L’avenir semblait des plus prometteurs à l’été 1999 pour les jeunes comédiens ayant pris part au American Pie des frères Weitz, fort d’un succès surprise en salles qui aura entraîné la mise en chantier de deux suites d’envergure et de quatre productions de bas étage destinées à accumuler la poussière sur les tablettes des clubs vidéo. Les Chris Klein, Seann William Scott, Jason Biggs, Tara Reid et compagnie auront bien eu la chance de se faire valoir par la suite dans la peau de personnages autres que ceux les ayant rendus célèbres. Mais dans la majorité des cas, ces derniers auront pris part à des projets assez peu concluants qui ne les auront évidemment pas aidés à se faire un nom parmi les vedettes les plus en vue du grand Hollywood. Il s’avère ainsi quelque peu ironique de voir tout ce beau monde revenir pour un autre tour de piste treize ans après le film original, et neuf après American Wedding, lequel demeure le plus près d’une production à succès dont ces derniers peuvent désormais espérer s’approcher, eux qui n’auront jamais réussi à faire courir les foules séparément. Une situation qui n’est pas sans rappeler le sort qui avait été réservé aux jeunes talents qui avaient pourtant été les têtes d’affiche de la vague de comédies adolescentes réalisées durant les années 80, la plupart d’entre eux n’ayant jamais vu leur carrière décoller comme nous aurions pu l’imaginer. American Reunion apparaît ainsi comme un retour à la case départ pour ces interprètes qui auront assurément accueilli le projet à bras ouverts. Et pour le meilleur et pour le pire, force est d’admettre que rien n’a vraiment changé…

De son côté, la comédie américaine aura passablement évolué au cours de la dernière décennie, en particulier depuis la consécration d’un certain Judd Apatow et de sa clique et la sortie de l’excellent Superbad de Greg Mottola, qui aura permis à la comédie adolescente d’atteindre des sommets de vulgarité sans précédent. Il revenait ainsi au duo formé de Jon Hurwitz et Hayden Schlossberg (ayant joué un rôle de premier plan dans l’élaboration des multiples aventures d’Harold & Kumar) de tenter d’adapter la présente formule à cette nouvelle réalité tout en demeurant aussi fidèle que possible au concept original. Ainsi, après les années de collège et un mariage, notre groupe d’amis sera appelé à se réunir une fois de plus à l’occasion des retrouvailles de leur école secondaire, excuse parfaite pour permettre un retour en force du pop punk de la fin des années 90 dans un contexte ne paraissant pas complètement dépassé. La plupart d’entre eux jouissant à présent d’un emploi stable et d’une vie de couple rangée avec une douce moitié plus ou moins accaparante, ce retour dans leur ville natale fera ressurgir certaines histoires de jeunesse comme d’anciens amours et des tentations purement juvéniles qui viendront secouer les fondations de cette existence d’adulte « responsable » qu’ils n’avaient pas forcément imaginée ainsi lorsqu’ils étaient sur les bancs d’école. Nous suivrons principalement ici le récit de Jim (Biggs) et Michelle (Alyson Hannigan), dont le quotidien de nouveaux parents aura passablement affecté leur relation de couple. L’occasion sera évidemment belle pour tenter de rallumer la flamme. Mais, comme nous nous en doutons bien, les mariés devront passer par-dessus plusieurs obstacles avant de pouvoir finalement se retrouver.

Il ne faudra évidemment pas se surprendre de voir American Reunion suivre un parcours narratif en tous points identique à celui pavé par ses prédécesseurs. Et c’est définitivement à ce niveau que le présent exercice se révèle le plus problématique, car l’occasion était pourtant belle pour permettre à ces personnages de s’aventurer finalement en dehors des sentiers battus. Ainsi, trop souvent nous aurons l’impression d’être confrontés à des protagonistes n’ayant aucunement évolué en près de quinze ans, répétant les mêmes erreurs et empruntant les mêmes chemins sinueux que par le passé pour arriver à des fins tout aussi similaires. Comme le veut la tradition, American Reunion s’alimente lui aussi d’un humour immature à caractère fortement sexuel. Et à cet effet, nous devons bien reconnaître que l’ensemble remplit allègrement son mandat, même si celui-ci ne se contente au final que de répondre à ses propres standards. La verve humoristique du film d’Hurwitz et Schlossberg repose néanmoins en grande partie sur les épaules d’un Seann William Scott en très grande forme, qui reprend ici les traits de Steve Stifler avec une énergie contagieuse alors que les mimiques et les répliques juvéniles de ce roi déchu n’ayant pas totalement réussi son passage à l’âge adulte inspirent encore les rires les plus francs. L’acteur s’impose ainsi aux côtés d’un Eugene Levy toujours aussi efficace en figure paternelle maladroite, tandis que le reste de la distribution s’avère tout à fait convaincante, même si confinée dans des rôles beaucoup moins désinvoltes. Bref, si American Reunion ne réinvente pas la roue comme il n’est pas équipé pour faire face à sa nouvelle compétition, celui-ci fait tout de même un usage respectable des outils à sa disposition.

Comme c’est le cas d’une quantité toujours grandissante de productions hollywoodiennes, American Reunion exploite sans gêne le sentiment de nostalgie de son public en le réintroduisant d’une manière juste assez inspirée à un univers cinématographique - certes, fort simplet - ayant marqué sa jeunesse. Le film de Jon Hurwitz et Hayden Schlossberg revient ainsi sur les événements les plus marquants des épisodes précédents en bouclant plusieurs boucles de façon généralement désopilante, faisant bon usage de sa propre diégèse, même si le dévoilement de quelques pistes dramatiques et le retour de plusieurs personnages s’effectueront d’une manière un peu trop forcée. Le tout dans une mise en scène complètement anonyme dont l’unique mandat était en soi d’assurer l’efficacité comique de l’ensemble et de présenter le corps de nombreuses jeunes femmes sous leur jour le plus attrayant. La mécanique a manifestement fait son temps, mais demeure bien huilée pour un produit de cette nature, American Reunion se révélant même l’opus le plus respectable de la série depuis le premier. Il est néanmoins dommage de voir celui-ci passer continuellement â coté de tant de mines d’or comique, ne se contentant notamment que d’effleurer la question du clash générationnelle dont il extirpe pourtant certains de ses moments les plus savoureux. Si ce retour aux sources ne contribuera probablement pas à donner un second souffle à la carrière de ses têtes d’affiche, ces derniers pourront néanmoins se consoler en se disant que leur public sera néanmoins ravi de prendre de leurs nouvelles dans la peau de ses personnages stéréotypés au possible, mais auxquels ils insufflent tous un caractère amplement sympathique pour donner potentiellement le goût aux spectateurs de retourner à leur rencontre lorsqu’ils seront confrontés à la crise de la quarantaine…
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Critique publiée le 6 avril 2012.