A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

ON HER MAJESTY'S SECRET SERVICE (1969)
Peter. R. Hunt

Par Jean-François Vandeuren

On ne vit peut-être que deux fois, mais toute bonne chose a une fin malgré tout. Pour le parcours cinématographique de l’agent 007, On Her Majesty’s Secret Service sonne le glas de l’ère Sean Connery avant même que ce dernier ait revêtu le costume du célèbre personnage pour une dernière fois (officiellement) dans le très ordinaire Diamonds Are Forever. Le salaire que Connery devait toucher pour sa participation au présent effort n’était pourtant pas piquer des vers, mais il déclina néanmoins l’offre d’Harry Saltzman et Albert R. Broccoli. La chasse pour trouver le nouveau visage de l’agent le moins secret du monde était donc ouverte. Si Roger Moore et Timothy Dalton avaient déjà été pressentis pour le rôle, celui-ci revint finalement à un total inconnu, mannequin et vendeur de voitures par dessus le marché : George Lazenby. L’équipe de production dut évidemment s’ajuster à l’arrivée de ce nouvel acteur, mais également aux nombreux changements extérieurs, qu’ils soient d’ordre social ou purement cinématographique.

Si On Her Majesty’s Secret Service ne fut pas un total échec commercial, il fut tout de même nettement moins populaire que les trois précédents opus de la série. Une baisse d’audience qui s’explique évidemment par l’arrivée d’une nouvelle tête d’affiche alors qu’un Sean Connery au sommet de sa gloire (et de son art) avait réussi à donner une crédibilité fort enviable à cette entreprise des plus lucratives. Mais au-delà de ce nouveau visage, le film de Peter R. Hunt suit un cheminement dramatique assez particulier. Malgré un montage souvent déboussolant, l’accent fut mis cette fois-ci sur un développement beaucoup plus approfondi de l’intrigue et des protagonistes. Le tout débute lorsque Bond est approché par un magnat du crime qui lui demande de prendre soin de sa fille dont le moral est à son plus bas niveau. En échange, ce dernier l’aidera à retrouver la trace du sinistre chef du SPECTRE Ernst Stavro Blofeld. Son enquête le mènera jusqu’en Suisse où Blofeld a su passer par dessus la destruction de son antre volcanique pour élire domicile au sommet d’une montagne où il s’occupe désormais d’un soi-disant centre de recherches sur les allergies. Une nouvelle forteresse qu’un Bond à peine déguisé n’aura étrangement aucune difficulté à infiltrer.

Au départ, les producteurs désiraient justifier ce changement d’acteur à même la trame narrative de ce sixième épisode. Devenu un visage trop connu des malfrats du monde entier, Bond serait donc passé sous le bistouri pour une petite séance de chirurgie plastique. Si l’idée fut abandonnée en cours de route, certains passages du film semblent toutefois en être restés tributaires. Ainsi, Blofeld ne reconnaîtra jamais celui qui, depuis bientôt dix ans, sème la zizanie dans ses plans de domination mondiale et ce même si les deux géants auront finalement croisé le fer dans le plus grand que nature You Only Live Twice. Malgré tout, Hunt et le scénariste Richard Maibaum proposent un récit favorisant l’approfondissement de certains points forts de la franchise, en particulier la relation qu’entretiennent l’agent 007 et sa nouvelle protégée qui prend finalement les traits d’une véritable romance plutôt qu’une simple histoire d’un soir, même si cela signifie sacrifier à l’occasion l’efficacité dramatique pour laquelle les précédents opus étaient réputés. Cette initiative entraîne ainsi la formation de longues pauses aux abords d’une intrigue qui tarde à prendre son envol. Celles-ci donnent toutefois la chance à George Lazenby d’apprivoiser son personnage tout en lui conférant un penchant plus sensible et dramatique. Sans atteindre la carrure légendaire de Sean Connery, l’acteur australien se tire assez bien d’affaire, même si son jeu flirte parfois davantage avec le roman savon que le film d’espionnage.

Néanmoins, On Her Majesty's Secret Service brille sur le plan visuel. Alors que Lewis Gilbert permit à la franchise de gagner en ambition et en style, le film de Peter R. Hunt s’éloigne des obligations qu’il devait désormais rencontrer tout en réussissant à tenir son public en haleine le temps venu. À une époque où une compétition plus ou moins sérieuse et de nombreuses parodies de toute sortes commençèrent à se frayer un chemin sur la place publique, la superbe direction photo de Michael Reed sortit momentanément la série de son cadre ordinairement plus plastique alors que la réalisation de Hunt lui fit prendre un virage pour le moins inusité. Les élans du cinéaste britannique prirent toutefois tout leur sens (en plus d’une forme particulièrement étrange) dans la salle de montage, où Hunt et le monteur John Glen ne se gênèrent pas pour défier les lois de la gravité lors de scènes de poursuite extravagantes ayant visiblement pour mandant de faire la promotion de nombreux sports d’hiver comme le rallye sur glace, le ski et même le bobsleigh.

Croyant que les changements sociaux chambardant l’occident et la mutation du cinéma populaire aux États-Unis feraient de ce tueur en complet tombeur de ces dames un anachronisme envers lequel le public perdrait rapidement tout intérêt, George Lazenby abandonna la franchise après un seul long-métrage. Pour leur part, Peter R. Hunt et son équipe tentèrent le tout pour le tout comme s’il n’y avait pas de lendemain, se permettant même de faire provisoirement de James Bond un homme marié, au grand dam de Miss Moneypenny. Le réalisateur sut ainsi gérer avec assurance et un brin de folie la démesure imposée par l’épisode précédent pour alimenter un cadre narratif somme toute plus restreint, mais qui produit néanmoins les effets escomptés dans la plupart des cas. Son film demeure une réussite visuelle dont la désinvolture en fit pendant un temps, et ce malgré la présence habituelle d’effets spéciaux joliment kitsch, le James Bond le plus moderne esthétiquement de l’histoire de la franchise. Mémorable pour ses excès beaucoup plus que sa pertinence scénaristique, On Her Majesty’s Secret Service demeure un film exécuté d’une manière admirablement improbable au détriment d’un cheminement narratif parfois trop permissif.




Version française : Au Service secret de sa majesté
Scénario : Richard Maibaum
Distribution : George Lazenby, Diana Rigg, Telly Savalas, Gabriele Ferzetti
Durée : 140 minutes
Origine : Royaume-Uni

Publiée le : 27 Janvier 2007