ON HER MAJESTY'S SECRET SERVICE (1969)
Peter. R. Hunt
Par Jean-François Vandeuren
On ne vit peut-être que deux fois, mais toute bonne chose a une
fin malgré tout. Pour le parcours cinématographique de
l’agent 007, On Her Majesty’s Secret Service sonne
le glas de l’ère Sean Connery avant même que ce dernier
ait revêtu le costume du célèbre personnage pour
une dernière fois (officiellement) dans le très ordinaire
Diamonds Are Forever. Le salaire que Connery devait toucher
pour sa participation au présent effort n’était
pourtant pas piquer des vers, mais il déclina néanmoins
l’offre d’Harry Saltzman et Albert R. Broccoli. La chasse
pour trouver le nouveau visage de l’agent le moins secret du monde
était donc ouverte. Si Roger Moore et Timothy Dalton avaient
déjà été pressentis pour le rôle,
celui-ci revint finalement à un total inconnu, mannequin et vendeur
de voitures par dessus le marché : George Lazenby. L’équipe
de production dut évidemment s’ajuster à l’arrivée
de ce nouvel acteur, mais également aux nombreux changements
extérieurs, qu’ils soient d’ordre social ou purement
cinématographique.
Si On Her Majesty’s Secret Service ne fut pas un total
échec commercial, il fut tout de même nettement moins populaire
que les trois précédents opus de la série. Une
baisse d’audience qui s’explique évidemment par l’arrivée
d’une nouvelle tête d’affiche alors qu’un Sean
Connery au sommet de sa gloire (et de son art) avait réussi à
donner une crédibilité fort enviable à cette entreprise
des plus lucratives. Mais au-delà de ce nouveau visage, le film
de Peter R. Hunt suit un cheminement dramatique assez particulier. Malgré
un montage souvent déboussolant, l’accent fut mis cette
fois-ci sur un développement beaucoup plus approfondi de l’intrigue
et des protagonistes. Le tout débute lorsque Bond est approché
par un magnat du crime qui lui demande de prendre soin de sa fille dont
le moral est à son plus bas niveau. En échange, ce dernier
l’aidera à retrouver la trace du sinistre chef du SPECTRE
Ernst Stavro Blofeld. Son enquête le mènera jusqu’en
Suisse où Blofeld a su passer par dessus la destruction de son
antre volcanique pour élire domicile au sommet d’une montagne
où il s’occupe désormais d’un soi-disant centre
de recherches sur les allergies. Une nouvelle forteresse qu’un
Bond à peine déguisé n’aura étrangement
aucune difficulté à infiltrer.
Au départ, les producteurs désiraient justifier ce changement
d’acteur à même la trame narrative de ce sixième
épisode. Devenu un visage trop connu des malfrats du monde entier,
Bond serait donc passé sous le bistouri pour une petite séance
de chirurgie plastique. Si l’idée fut abandonnée
en cours de route, certains passages du film semblent toutefois en être
restés tributaires. Ainsi, Blofeld ne reconnaîtra jamais
celui qui, depuis bientôt dix ans, sème la zizanie dans
ses plans de domination mondiale et ce même si les deux géants
auront finalement croisé le fer dans le plus grand que nature
You Only Live Twice. Malgré tout, Hunt et le scénariste
Richard Maibaum proposent un récit favorisant l’approfondissement
de certains points forts de la franchise, en particulier la relation
qu’entretiennent l’agent 007 et sa nouvelle protégée
qui prend finalement les traits d’une véritable romance
plutôt qu’une simple histoire d’un soir, même
si cela signifie sacrifier à l’occasion l’efficacité
dramatique pour laquelle les précédents opus étaient
réputés. Cette initiative entraîne ainsi la formation
de longues pauses aux abords d’une intrigue qui tarde à
prendre son envol. Celles-ci donnent toutefois la chance à George
Lazenby d’apprivoiser son personnage tout en lui conférant
un penchant plus sensible et dramatique. Sans atteindre la carrure légendaire
de Sean Connery, l’acteur australien se tire assez bien d’affaire,
même si son jeu flirte parfois davantage avec le roman savon que
le film d’espionnage.
Néanmoins, On Her Majesty's Secret Service brille sur
le plan visuel. Alors que Lewis Gilbert permit à la franchise
de gagner en ambition et en style, le film de Peter R. Hunt s’éloigne
des obligations qu’il devait désormais rencontrer tout
en réussissant à tenir son public en haleine le temps
venu. À une époque où une compétition plus
ou moins sérieuse et de nombreuses parodies de toute sortes commençèrent
à se frayer un chemin sur la place publique, la superbe direction
photo de Michael Reed sortit momentanément la série de
son cadre ordinairement plus plastique alors que la réalisation
de Hunt lui fit prendre un virage pour le moins inusité. Les
élans du cinéaste britannique prirent toutefois tout leur
sens (en plus d’une forme particulièrement étrange)
dans la salle de montage, où Hunt et le monteur John Glen ne
se gênèrent pas pour défier les lois de la gravité
lors de scènes de poursuite extravagantes ayant visiblement pour
mandant de faire la promotion de nombreux sports d’hiver comme
le rallye sur glace, le ski et même le bobsleigh.
Croyant que les changements sociaux chambardant l’occident et
la mutation du cinéma populaire aux États-Unis feraient
de ce tueur en complet tombeur de ces dames un anachronisme envers lequel
le public perdrait rapidement tout intérêt, George Lazenby
abandonna la franchise après un seul long-métrage. Pour
leur part, Peter R. Hunt et son équipe tentèrent le tout
pour le tout comme s’il n’y avait pas de lendemain, se permettant
même de faire provisoirement de James Bond un homme marié,
au grand dam de Miss Moneypenny. Le réalisateur sut ainsi gérer
avec assurance et un brin de folie la démesure imposée
par l’épisode précédent pour alimenter un
cadre narratif somme toute plus restreint, mais qui produit néanmoins
les effets escomptés dans la plupart des cas. Son film demeure
une réussite visuelle dont la désinvolture en fit pendant
un temps, et ce malgré la présence habituelle d’effets
spéciaux joliment kitsch, le James Bond le plus moderne esthétiquement
de l’histoire de la franchise. Mémorable pour ses excès
beaucoup plus que sa pertinence scénaristique, On Her Majesty’s
Secret Service demeure un film exécuté d’une
manière admirablement improbable au détriment d’un
cheminement narratif parfois trop permissif.
Version française :
Au Service secret de sa majesté
Scénario :
Richard Maibaum
Distribution :
George Lazenby, Diana Rigg, Telly Savalas, Gabriele
Ferzetti
Durée :
140 minutes
Origine :
Royaume-Uni
Publiée le :
27 Janvier 2007