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THE MAN WITH THE GOLDEN GUN (1974)
Guy Hamilton

Par Jean-François Vandeuren

Sous les traits respectifs de Sean Connery et de George Lazenby, James Bond eut toujours à faire face à des ennemis menaçant sans aucune pitié l’ordre mondial. Le net avantage de ces mégalomanes avides de pouvoir et d’argent s’explique évidemment par leurs ressources financières illimitées, leur abondance de matériel militaire, ainsi que leur propre armée de sous-fifres dont nous imaginons mal l’existence en dehors du repère démesuré de leur employeur. Avant de révéler les rouages d’un ensemble plus ambitieux, The Man With the Golden Gun confronte cette fois-ci l’agent 007 à son égal: un tueur professionnel qui agit seul (ou presque) du nom de Francisco Scaramanga. Considéré comme étant le meilleur de sa profession, l’ancien assassin du KGB peut désormais se permettre de réclamer la rondelette somme d’un million de dollars par tête abattue. Lorsqu’il n’est pas dans l’exercice de ses fonctions, Scaramanga vit reclus sur une île en compagnie de la jolie Andrea Anders et de son valet Nick Nack, dont la petite taille dissimule bien les intentions de ce personnage mesquin et impitoyable. L’attention de Bond sera un jour dirigé vers le tueur en question lorsque certaines pistes suggéreront qu’il serait la prochaine cible du désormais célèbre pistolet d’or de Scaramanga. Cherchant à sauver sa peau en le confrontant directement, Bond déterrera au passage un complot dont l’objet est un puissant mécanisme de production d’énergie solaire auquel Scaramanga serait intimement lié.

Proposer une telle prémisse après le modeste Live and Let Die était évidemment un pari risqué. Mettre l’agent 007 aux prises avec un simple assassin n’intéresserait peut-être pas spécialement un public désirant avant tout être ébahi par un spectacle fort en rebondissements et en exotisme. Si ce quatrième et dernier Bond réalisé par Guy Hamilton figure parmi les moins populaires de la série à ce jour, son exécution s’avère néanmoins concluante autant dans la simplicité de son approche que l’exagération de certains éléments-clés. Les scénaristes Richard Maibaum et Tom Mankiewicz trouvèrent d’ailleurs une façon assez significative de contourner plusieurs archétypes d’usage afin de limiter Bond à son duel avec Scaramanga. Alors que l’agent 007 prend d’ordinaire un malin plaisir à éliminer les hommes de main de ses nouveaux adversaires, ce dernier sera contraint cette fois-ci au rôle de spectateur lors d’une séquence classique durant laquelle son acolyte asiatique et ses deux nièces en costume d’écolière amèneront au tapis une école de Kung-Fu au grand complet. The Man With the Golden Gun se fait ainsi un devoir de rapprocher les deux rivaux pour ne les différencier qu’en toute fin de parcours de par la cause qu’ils choisirent respectivement de servir, redonnant du coup sa raison d’être à un Bond dont la mission précédente ne s’avéra pas des plus exigeantes.

Dix ans après l’exceptionnel Goldfinger, The Man With the Golden Gun confirme étrangement que Guy Hamilton et l’or vont de pair. Qu’il soit enfermé sous forme de lingots à Fort Knox ou réduit à la taille d’un pistolet au calibre particulièrement puissant, l’or fut visiblement la matière pour laquelle le réalisateur français réserva ses meilleurs élans. Si la réussite de Goldfinger s’explique par son équilibre exemplaire entre la force de caractère de ses protagonistes, le développement d’un récit des plus ingénieux et ses scènes d’action exaltantes, Hamilton propose ici sensiblement le même mélange gagnant tout en tirant profit de la désinvolture de cette nouvelle ère dont il annonce les couleurs, mais en restant malgré tout fortement dépendant du cadre beaucoup plus classique des premiers opus de la période Sean Connery. Comme pour Goldfinger, Hamilton alimente la majeure partie de son film d’une intrigue aux ambitions plutôt modestes avant de révéler progressivement des enjeux beaucoup plus imposants. Le réalisateur mis également sur pied une approche à la fois théâtrale et légèrement psychédélique, en particulier lors des rituels de Scaramanga et pour la mise en place de certains décors, dont le repère de ce dernier et un navire échoué que le gouvernement britannique réaménagea pour accommoder les membres de ses services secrets.

Outre les inévitables « Bond Girls » et les apparitions passées de l’agent ce la CIA Felix Leiter, The Man With the Golden Gun confirme également le nouvel intérêt de la franchise pour les personnages secondaires aux traits bien particuliers. L’effort marque ainsi le retour en catastrophe du Shérif J.W. Pepper de Live and Let Die, mais aussi du bras droit de notre criminel notoire, le plus mémorable depuis le Oddjob de Goldfinger. Une tradition qui sera perpétuée par The Spy Who Loved Me et Moonraker avec l’arrivée de l’indestructible Jaws. Pour sa part, Roger Moore apprivoise de plus en plus les caractéristiques de son personnage tout en prouvant la validité de son interprétation plus décontracté, laquelle deviendra au fil du temps la marque de commerce de son règne à titre de plus célèbre agent secret du monde. C’est toutefois un Christopher Lee au talent nettement plus imposant qui mène la barque dans ce cas-ci. Le cousin d’Ian Fleming, qui devait originalement tenir le rôle titre dans Dr. No, fait de Scaramanga un adversaire de taille pour l’agent 007 de par son méthodisme et son appartenance à des bases plus réalistes, même s’il finira par prendre temporairement les traits d’un autre mégalomane doté d’une jolie base secrète, l’armée personnelle en moins. Sans être le joyaux de l’ère Roger Moore, The Man With the Golden Gun demeure une œuvre équilibrée et consciente du marchée populaire avec lequel elle devait composer.




Version française : L'Homme au pistolet d'or
Scénario : Richard Maibaum, Tom Mankiewicz, Ian Fleming (roman)
Distribution : Roger Moore, Christopher Lee, Britt Ekland, Maud Adams
Durée : 125 minutes
Origine : Royaume-Uni

Publiée le : 27 Janvier 2007