FROM RUSSIA WITH LOVE (1963)
Terence Young
Par Jean-François Vandeuren
Même s’ils ne se doutaient sûrement pas à l’époque
que leur franchise réussirait à faire son chemin pendant
près d’un demi-siècle, les producteurs des premiers
James Bond laissaient déjà paraître leur
désir d’exploiter le succès de leur personnage vedette
aussi longtemps que possible. Mis à part le génial Goldfinger,
l’ère Sean Connery fut particulière de par la continuité
que les affrontements répétés entre l’agent
007 et le SPECTRE, une organisation criminelle dirigée d’une
main de fer par l’infâme Ernst Stavro Blofeld, assurèrent
à la série. Dans cette optique, From Russia With Love
apparaît comme la suite nécessaire à Dr. No
devant à la fois placer ce premier chapitre dans un contexte
plus global tout en imposant de manière définitive les
traits de caractère les plus classiques de l’agent 007
et le style de la série de façon générale.
C’est une fois de plus au Britannique Terence Young que revint
la tâche de mettre en scène les exploits du célèbre
agent secret. Ce dernier n’eut d’ailleurs aucune difficulté
à laisser l’approche démesurée de l’effort
précédant de côté pour imprégner ce
deuxième opus d’une surprenante sobriété.
Dans le but de mettre la main sur une machine de cryptage appartenant
à l’Union soviétique, le SPECTRE élabora
un plan machiavélique devant mener la Grande-Bretagne et l’URSS
à se jouer l’un de l’autre. L’initiative doit
ainsi permettre à l’agent 007 et sa fausse complice, Tatiana
Romanova, de sortir l’engin de l’Europe de l’Est pour
qu’un assassin au service de Blofeld puisse s’en emparer
et venger l’organisation pour la perte du sinistre Dr. No. Serait-ce
déjà la fin pour l’agent 007? Non… Évidemment!
Après le succès retentissant du premier film, les investisseurs
n’hésitèrent pas à doubler la mise et mirent
à la disposition de Young et son équipe un budget d’environ
2 millions de dollars. Une somme qui n’a étonnamment pas
été dépensée en artifices de toutes sortes.
Le film de Terence Young présente ainsi une facture beaucoup
plus terre à terre se concentrant davantage sur son personnage
principal que sur l’action. De nombreuses séquences explosives
il y a certes dans ce From Russia With Love, mais celles-ci
sont mises en scène d'une manière beaucoup plus discrète
cette fois-ci. Sean Connery incarne une fois de plus un Bond extrêmement
charismatique qui ne manque jamais une occasion de mettre en valeur
l’incomparable force de caractère de son personnage sur
le terrain et, bien entendu, son magnétisme légendaire
auprès de la gente féminine. L’ensemble est joyeusement
agrémenté de la première apparition de Desmond
Llewelyn dans le rôle du Major Boothroyd, plus connu aujourd’hui
sous le pseudonyme alphabétique de Q, marquant par le fait même
l’introduction des nombreux gadgets dans la dynamique de la série.
From Russia With Love se démarque également de
par l’hommage saisissant qu’il rend au cinéma d’Alfred
Hitchcock. Une initiative particulièrement perceptible lors d’une
longue séquence esquissant un tumultueux voyage en train et d’un
affrontement spectaculaire entre l’agent 007 et un hélicoptère
du SPECTRE par lequel Young cite directement l’une des scènes
les plus célèbres du délirant North by Northwest.
Young s’inspire également du maître du suspense dans
la façon dont il développe les hauts moments de tension
de son film. Alors que le récit suit en soi une progression tout
de même assez rapide, le cinéaste britannique n’hésite
pas lors des scènes les plus significatives à ralentir
considérablement le rythme et étirer en longueur certaines
séquences pour créer du suspense comme Hitchcock l’avait
fait quelques années auparavant dans Psycho. Si
From Russia With Love n’atteint évidemment pas des
sommets aussi vertigineux, nous devons tout de même reconnaître
la manière fort admirable dont Young parvint à mettre
ces éléments sur pied, surtout pour un film de cette nature.
From Russia With Love n’est en soi qu’une formalité
pour la série, en particulier pour les épisodes à
venir de l’ère Sean Connery. Ce dernier offre pour sa part
une performance des plus décontractés tout en sachant
présenter le côté impitoyable de son personnage
le temps venu. Évidemment, l’image de la femme véhiculée
par les premiers films de la série réduisait souvent celles-ci
qu’à de beaux objets, même les plus fortes d’entres-elles.
De quoi rendre complètement folles toutes les féministes
de ce monde. Cela explique d’ailleurs pourquoi à la fin
du siècle dernier les producteurs jugèrent bon de confier
le rôle de M à Judi Dench. Pour l’instant, ce deuxième
opus continue d’exploiter avec un plaisir coupable les possibilités
infinies de cet univers cinématographique fonctionnant uniquement
à la testostérone.
Version française : Bons baisers de Russie
Scénario : Johanna Harwood, Richard Maibaum
Distribution : Sean Connery, Daniela Bianchi, Pedro Armendariz,
Lotte Lenya
Durée : 115 minutes
Origine : Royaume-Uni, États-Unis
Publiée le : 5 Janvier 2007
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