DIAMONDS ARE FOREVER (1971)
Guy Hamilton
Par Jean-François Vandeuren
Pour la deuxième fois en autant de films, la série James
Bond se retrouve sans tête d’affiche. Suite au départ
de George Lazenby et au succès mitigé d’On Her
Majesty’s Secret Service, les producteurs Harry Saltzman
et Albert R. Broccoli se devaient de remettre rapidement la franchise
sur les railles et de tout faire pour lui assurer une entrée
fracassante au box-office. En soi, le menu de cette septième
aventure se révéla des plus alléchants. Un salaire
extravagant (pour l’époque) de 1.25 millions de dollars
convainquit Sean Connery de reprendre pour une sixième fois le
rôle qui le rendit célèbre. Afin de nous mettre
davantage l’eau à la bouche, ce septième épisode
marqua également le retour de Guy Hamilton (Goldfinger)
à la barre de la série. Résultat : Diamonds
Are Forever brisa le record américain de la meilleure première
fin de semaine en salles en terme de recettes. Mais l’effort déçut
néanmoins. Si l’acteur écossais ne perdit rien de
son charisme en quatre ans d’absence, l’ère Sean
Connery tirait tout de même bel et bien à sa fin.
Diamonds Are Forever démarre pourtant en trombe. Un
James Bond dont le visage n’est dévoilé qu’au
moment le plus opportun parcourt le monde et casse des gueules afin
de retrouver Ernst Stavro Blofeld. L’agent 007 en a visiblement
marre de contrecarrer les plans du SPECTRE et veut en finir une bonne
fois pour toute. L’affrontement final tant attendu entre Bond
et Blofeld est enfin arrivé! Visuellement, Hamilton reprend exactement
là où Peter R. Hunt s’était arrêté
au terme d’On Her Majesty’s Secret service. Le
montage est frénétique à souhait. Les mouvements
de caméra sont rapides, mais précis. L’humour parfois
grinçant auquel la série nous a habitués roule
à plein régime. Le traditionnel générique
d’ouverture se pointe le bout du nez et par la suite, la prémisse
du film change du tout au tout. L’épisode au rythme effréné
que nous annonçait cette géniale séquence d’introduction
s’enlise malheureusement dans une intrigue peu palpitante qui
accumule sans gêne les scènes d’un goût franchement
douteux.
Comme son titre l’indique, cette septième aventure a pour
sujet le trafic de diamants. Le cheminement de ces précieux joyaux
assuré par un couple d’assassins homosexuels particulièrement
diaboliques, ceux-ci sortent incognitos des mines africaines pour se
retrouver chez une entrepreneuse basée à Amsterdam avant
de terminer leur route à Las Vegas. C’est ici que Bond
entre en ligne de compte. L’agent secret doit alors prendre les
traits d’un brigand dont la tâche est de faire entrer la
marchandise en sol américain. Évidemment, l’agent
007 a bien l’intention de compliquer les choses pour ces trafiquants
qui n’auraient eu aucune difficulté à se débarrasser
de lui une fois les diamants en leur possession. Mais autant de précautions
et d’entourloupes cachent quelque chose de beaucoup plus important
qu’une simple vente devant faire d’une poignée de
bandits des hommes riches. La question se pose : mais qui peut bien
être derrière une aussi vaste opération?
En soi, Diamonds Are Forever fait suite à You Only
Live Twice en ignorant complètement le changement de cap
proposé de façon parfois maladroite par On Her Majesty’s
Secret Service. L’intérêt moins marqué
que suscita la sortie du précédent opus semble ainsi avoir
dégouragé les producteurs de poursuivre dans la même
veine expérimentale et ceux-ci revinrent finalement sur leurs
pas. Le problème dans ce cas-ci n’est pourtant pas technique.
Si Guy Hamilton propose une facture visuelle plus classique, ce dernier
signe malgré tout une mise en scène des plus compétentes
en son genre dont l’agilité est particulièrement
mise à profit lors des séquences plus tumultueuses. Mais
dans la dynamique de l’effort, ces nombreuses scènes de
poursuite, qui deviendront par la suite l’une des marques de commerce
de la période Roger Moore, supportent difficilement une intrigue
qui n’en finit plus de tourner en rond.
De plus, les scénaristes Richard Maibaum et Tom Mankiewicz n’ont
malheureusement pas saisi la chance d’utiliser le film précédent
comme prétexte pour faire évoluer le tempérament
de l’agent 007 et l’image de la « Bond Girl ».
Dans On Her Majesty’s Secret Service, Diana Rigg sut
alimenter son personnage d’une force de caractère absolument
exemplaire. Avec la montée du féminisme, nous aurions
pu croire que la nouvelle caractérisation d’un personnage
ayant pris trop souvent les allures d’un bel objet par le passé
deviendrait un standard pour la franchise. Pourtant, la Tiffany Case
qu’interprète Jill St. John est à l’opposée
totale de la Tracy di Vicenzo de Rigg. À l’image du film,
le tout démarre sur une note plutôt convaincante alors
que St. John campe une femme ambitieuse qui ne semble pas vouloir s’en
laisser imposer par Bond. Malheureusement, nous sommes ensuite témoins
d’une dégénérescence pour le moins navrante
d’un personnage qui finira par devenir l’une des figures
féminines les plus insignifiantes de l’histoire de la série.
C’est donc sur une note plutôt désolante que se termine
ce qui demeure encore aujourd’hui l’âge d’or
de la franchise la plus tenace de l’histoire du cinéma.
Sean Connery et Guy Hamilton firent ce qu’ils avaient à
faire, mais ne purent sauver l’entreprise d’un scénario
banal et répétitif. Sans être un échec aussi
retentissant que le sera 31 ans plus tard le monstrueux Die Another
Day de Lee Tamahori, Diamonds Are Forever s’y apparente
malgré tout de par la façon dont la série, alors
au bout de son souffle, rencontra pour la première fois un obstacle
qu’elle ne put contourner d’une façon ou d’une
autre. Pour la fin des hostilités entre James Bond et le SPECTRE,
nous nous attendions évidemment à mieux. Il faut dire
que cet affrontement n’avait alors plus la même importance
que s’il avait eu lieu deux films plus tôt. Depuis la redoutable
interprétation de Donald Pleasence dans You Only Live Twice,
Blofeld devint par la suite un personnage beaucoup moins impitoyable
sous les traits de Telly Savalas avant de se transformer en une véritable
farce sous ceux de Charles Gray. Le premier faux pas d’une série
culte qui ne sera malheureusement pas le dernier.
Version française :
Les Diamants sont éternels
Scénario :
Richard Maibaum, Tom Mankiewicz
Distribution :
Sean Connery, Jill St. John, Charles Gray, Norman
Burton
Durée :
120 minutes
Origine :
Royaume-Uni
Publiée le :
27 Janvier 2007