ZOMBIELAND (2009)
Ruben Fleischer
Par Laurence H. Collin
Qu’est-ce que l’on s’amuse à Zombieland!
Voilà l’unique constatation à laquelle le premier
long-métrage de Ruben Fleischer laisse place. Résolument
conçue pour ravitailler un public déjà familier
aux récits de mangeurs de chair humaine, cette comédie
horrifique pourrait difficilement présenter une expérience
cinématographique plus satisfaisante pour quiconque démontre
un intérêt potentiel envers une production ainsi baptisée.
Non pas que l’oeuvre ne réinvente ou n’offre une
variation inusitée sur la branche usée à la corde
qu’est le film de revenants, mais il est toujours admirable d’assister
à un prototype mené d’une main de maître là
où les attentes s’avèrent la plupart du temps assez
pataudes. Exempt de toute prétention de sous-texte sociétal
ou d’enjeux émotifs empesés, ce joyeux chaos contrôlé
accomplit sans fariboles sa quête de divertissement envers une
audience bien consciente des règles de jeu. Il faut d’ailleurs
mentionner que des ‘‘règles’’ à
proprement parler sont en effet énumérées dès
l’ouverture par notre sympathique protagoniste, soit Columbus
(Jesse Eisenberg), jeune homme efflanqué et sans famille, mais
ô combien débrouillard en termes de survie lorsque confronté
à ces fameux zombies. Illustrées sous forme de vignettes
aussi féroces que pédagogiques, ces règles instaurent
un soulagement immédiat pour tous ceux irrités du comportement
habituellement erratique des miraculés parmi les morts-vivants.
Sur le territoire de ce qui était auparavant le pays de l'oncle
Sam, maintenant Zombieland, seuls les plus astucieux et les plus prudents
demeurent en vie - et c’est exactement ces gens-ci que le récit,
modelé sur un schéma de road trip apocalyptique,
prendra joie à nous faire suivre.
Sur le chemin de Columbus, il y aura d’abord Tallahassee (Woody
Harrelson), cowboy asocial et expert en artillerie dans une quête
de plaisirs simples - spécialement pour ce qui est des gâteaux
Twinkies (!), introuvables depuis les débuts de la pandémie
fatale. D’abord exaspéré par le caractère
excessivement vigilant de Columbus, il trouvera néanmoins des
points en commun avec le gringalet, décidant éventuellement
de se joindre à lui dans son illusoire quête de sécurité.
Se pointeront ensuite Wichita (Emma Stone) et sa petite soeur Little
Rock (Abigail Breslin), duo futé et indépendant parcourant
les routes de leur pays dans le but de séjourner dans le parc
d’attractions convoité par la cadette depuis son bas âge.
Une fois unis, il n’y aura pas de zombie trop agile ou trop sournois
pour anéantir le quatuor dont les membres sont dénommés
selon la destination ambitionnée - ceux-ci ne sont tout de même
pas parvenus à survivre par pure chance - mais réussiront-ils
à coexister harmonieusement jusqu’à leur séjour
à Pacific Playland? Et est-ce que ce lointain but leur pourvoira
un véritable havre ou un dernier instant de gaieté avant
leur fin inévitable?
À prime abord, il semblerait y avoir deux façons évidentes
d’aborder un tel synopsis, soit avec gravité ou légèreté.
Si 28 Days Later et sa suite furent orchestrées avec
une montée dramatique exceptionnelle (ne laissant pratiquement
aucune place à la dérision), la versatilité surprenante
du film de Fleischer, mêlant harmonieusement fous rires et instants
d’adrénaline, le positionne bien en avant de l’étriqué
Quarantine ou des clinquants Resident Evil de ce monde.
Sans jamais vraiment atteindre les états de grâce du film
de Danny Boyle (ni même ceux de la suite signée Juan Carlo
Fresnadillo), Zombieland parvient tout de même à
générer toute une enfilade de scènes prenantes,
justement dues à l’efficacité de son alliage de
tension et de plaisanteries; en effet, l’un des facteurs ne désamorce
jamais l’autre, et la clarté avec laquelle les scènes
mouvementées sont manoeuvrées est tout à fait enthousiasmante.
Favorisant les relations spatiales limpides au montage mitraillé,
répartissant un gore dégoûtant à souhait
mais guère excessif et défendant les moments d’émotion
sans le moindre risque d’emmerder son auditoire, la création
de Fleischer possède tous les acquis nécessaires pour
acquérir un statut culte mineur mais fort viable. Les échanges
pétillants, les références à diverses oeuvres
du genre et les rappels jouissifs contribuent tout aussi bien à
un feu roulant ininterrompu dont le délit le plus coûteux,
bien au-delà d’un déroulement assez prévisible
dans son ensemble, est une durée malheureusement trop compacte.
C’est effectivement ici que l’on reste sur notre faim :
bien qu’on aura longtemps louangé les films d’horreur
de format 90 mininutes sachant mettre à bon usage leur temps
plutôt que ceux traînant maladroitement sur deux heures,
Zombieland tire sa révérence avec à peine
80 minutes au compteur. Les enjeux majeurs ont beau être clos,
on désire tout de même rester en compagnie un peu plus
longtemps des ingénieux rescapés qui nous ont été
introduits le temps d’une fin du monde. Cela dit, ceux-ci s’avèrent
très bien défendus par une distribution attachante (Harrelson
et Stone en tête) qui comporte d’ailleurs une apparition
aussi cocasse qu’inattendue - il serait cruel, bien entendu, de
gâter la surprise. Ces personnages foulant le sol de la terre
des zombies bénéficient grandement de caractérisations
rarement forcées et de l’attrayante chimie entre leurs
interprètes, aussi typés que puissent sembler leurs rôles.
Serait-il donc injuste de pénaliser ce qui s’élevait
presque aux rangs d’un Shaun of the Dead pour un dénouement
ne délivrant pas les feux d’artifices qu’une feuille
de route jusque là impeccable laissait présager? Au spectateur
d’en juger - inutile de mentionner que la plupart seront déjà
très emballés par l’un des quotas les plus élevés
de gags atteignant leur cible dans toutes les sorties en salles de 2009.
Sinon, que reste-t-il à ajouter sur cette pétarade vivifiante
et nullement présomptueuse? On la rangera sur la même tablette
que Severance, Trick 'r Treat ou encore la redite
de Dawn of the Dead de Zack Snyder avec trop peu de bémols
pour empêcher une recommandation sincère aux connaisseurs
du genre. Zombieland ; voilà pour une fois un titre
étiquetant adéquatement le contenu de son produit, et
respectant presque toutes ses promesses de délires macabres.
Voici enfin un plat pour lequel on ne se sentirait pas trop coupable
de demander une deuxième portion, en autant que ceux qui portent
les chapeaux de cuisiniers y mettent tout autant de coeur… et
se permettent peut-être, cette fois, d’allonger un peu leur
sauce.
Version française :
Zombieland
Scénario :
Rhett Reese, Paul Wernick
Distribution :
Jesse Eisenberg, Woody Harrelson, Emma Stone, Abigail
Breslin
Durée :
80 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
2 Octobre 2009