ZERO DAY (2003)
Ben Coccio
Par Jean-François Vandeuren
La tuerie survenue le 20 avril 1999 à l’école Columbine
restera gravée longtemps dans la mémoire collective de
nos voisins du Sud. Et comme pour toute bonne tragédie ayant
touchée directement les Américains, le cinéma sera
toujours présent pour faire ressurgir ces événements
du passé et ainsi alimenter un fervent sentiment d'unité
nationale, et parfois même pour en questionner les causes. Après
avoir inspirée Michael Moore et Gus Van Sant, c'est au tour du
réalisateur Ben Coccio de revisiter la tristement célèbre
fusillade avec ce premier long-métrage. Ici, le cinéaste
américain nous installe confortablement devant la planification
par deux étudiants de l’assaut de leur école secondaire.
Un projet qui aura vraisemblablement lieu quelque part durant la prochaine
année scolaire et que le duo baptisa affectueusement «
Zero Day ». Rassemblant divers segments filmés
par les deux complices à l’aide d’une caméra
amateur, l’effort oscille entre la préparation extrêmement
méticuleuse de l’attaque et d’autres séquences
plus personnelles. Étonnamment, celles-ci font état d’un
climat familial et amical tout ce qu’il y a de plus sain. Pourquoi
alors vouloir mener à terme un plan aussi monstrueux?
Pour plusieurs, le secondaire sera une véritable plaie. Sans
raisons apparentes, certains étudiants sont victimes d’agressions
verbales et physiques de la part d’individus en manque d’attention
cherchant à jouer les durs pour combler leur absence de jugement.
Une histoire vieille comme le monde qui, depuis quelques années,
a fait surgir une atmosphère extrêmement tendue dans plusieurs
lycées américains. Dans cette optique, Zero Day
tente d’offrir quelques réponses constructives quant aux
origines d’un drame comme celui de Columbine, soutenant que les
causes d’un geste de cette nature ne sont pas forcément
isolées.
Nous restons évidemment quelque peu désemparés
au départ devant une production aussi démonstrative. Pourtant,
une telle facture dans le cas présent à sa raison d’être
et alimente avec vigueur le débat que Zero Day tente
de susciter. Nous avons qu’à penser à cette séquence
où les deux complices nous expliquent comment fabriquer des explosifs
et modifier une arme sur un ton d’une neutralité on ne
peut plus inquiétante. Le but dans ce cas-ci n’est pas
tellement d’exposer un contenu choque plus que d’aboutir
éventuellement à une réflexion sur la facilité
pour des individus aussi jeunes d’accéder à un tel
arsenal et ce genre de connaissances. Comme Michael Moore, Coccio s’attaque
principalement à l’adoration exagérée de
ses compatriotes pour les armes à feu. Dans le même ordre
d’idées, l’effort s’acharne avec conviction
à couvrir de ridicule le discours des porte-paroles de la morale
et de la bonne conscience s’afférant à mettre la
responsabilité de tout comportement violent sur les épaules
des jeux vidéos, du cinéma ou de la musique. Coccio se
sert d’ailleurs superbement de ce débat pour éliminer
tout raisonnement facile et inciter une nation, dont plusieurs familles
possèdent leur arsenal personnel et se cultivent des centaines
de magasines consacrés au sujet, à se pencher sur les
causes de tels actes d’un point de vue moins extérieur.
Visuellement, Zero Day reprend la même approche que celle
des films cultes C’est arrivé près de chez vous
et The Blair Witch Project. Coccio utilise d’ailleurs
tout aussi efficacement la caméra à l’épaule
et la vision subjective que les auteurs des deux films cités
ci-haut. L’effort de Coccio prend également forme sous
un montage divisant astucieusement chaque séquences d’une
coupe franche, rendant l’atmosphère de tension du film
de plus en plus palpable à mesure que l’on approche du
« jour zéro ». Les jours s’écoulent
alors sous une accalmie qui n’augure évidemment rien de
bon. Et pour l’inévitable conclusion, Coccio recréé
de façon saisissante une de scènes du film de Michael
Moore qui nous exposait au massacre de Columbine par le biais des caméras
de surveillance de l’établissement et des divers appels
d’urgence trop pris à la légère par les autorités.
Si Ben Coccio s’exprime sur un sujet qui fut déjà
fort bien abordé au cinéma dans le passé par le
biais d’une approche technique qui n’a plus rien de bien
original depuis l’apparition des divers descendants de C’est
arrivé près de chez vous, le cinéaste américain
fait malgré tout de ce premier long-métrage une réussite
impressionnante en lui concédant un rôle plus significatif,
voire engagé. Ces élans sont d’autant plus soutenus
par une distribution qui nous laisse sans mot devant tout le naturel
des différents interprètes qui récitent des dialogues
qui ne semblent jamais écrits d’avance, contenant du coup
toutes les imperfections qu’un tel souci de réalisme comporte.
Zero Day forme un effort dont le concept semblera peut-être
excessif et brutal à première vue, mais son raisonnement
s’attaquant sans gêne aux véritables raisons pouvant
motiver des actes aussi insensés mérite d’être
écouté attentivement.
Version française :
Jour Zéro
Scénario :
Ben Coccio, Christopher Coccio
Distribution :
Andre Keuck, Calvin Robertson, Christopher Coccio,
Gerhard Keuck
Durée :
92 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
31 Juillet 2005