X-MEN : THE LAST STAND (2006)
Brett Ratner
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Après deux volets confiés aux bons soins du chevronné
Bryan Singer, la série des X-Men est devenue orpheline
suite à la décision de ce dernier de mener à bon
port le retour de Superman au grand écran. Après avoir
considéré un temps Matthew Vaughn, les producteurs ont
décidé de confier la franchise au réalisateur de
Rush Hour et de Red Dragon Brett Ratner. Vu le succès
sans cesse croissant de la saga auprès du grand public et compte
tenu du fanatisme extrême des plus fervents amateurs de la bande
dessinée dont il est tiré, ce troisième volet des
aventures des X-Men était attendu de pied ferme par plusieurs
en plus d'être l'objet de moult spéculations. Les performances
spectaculaires du film au box-office prouvent que l'intérêt
pour les mutants de Marvel n'était pas passager. Mais après
deux épisodes d'une qualité remarquable, The Last
Stand peut-il entretenir la tradition d'excellence qui a placé
la série très haut dans le firmament des franchises hollywoodiennes
des dix dernières années?
En fait, Brett Ratner tente par tous les moyens de ne pas imposer sa
signature sur l'univers forgé par Singer avec X-Men
et X2: X-Men United. Tant visuellement qu'au niveau du ton
d'ensemble, la production aspire à la fois à la transparence
et à la continuité parfaite avec les films précédents.
Malheureusement, tous les efforts du monde ne peuvent reproduire la
recette élaborée auparavant et X-Men: The Last Stand
souffre de la comparaison avec ses prédécesseurs notamment
au niveau de l'écriture. Malgré leur ambition respectable,
Simon Kinberg et Kal Penn n'arrivent pas à insuffler au scénario
de The Last Stand une véritable tension épique
et accumulent les personnages secondaires sans trop s'attarder à
ceux-ci. Qui plus est, l'élégant équilibre entre
l'action et le propos établi lors des épisodes précédents
est évacué au profit d'une approche plus rocambolesque
mais moins satisfaisante à long terme.
Bien entendu, The Last Stand est un blockbuster estival tenu
par les normes du genre à combler un certain quota d'action afin
de rassasier son public. Pourtant, c'est par sa richesse thématique
et ses histoires denses que la série avait su se distinguer de
la compétition. Ici, la prémisse de base est intrigante
à souhait mais l'exécution déficiente: une firme
américaine a développé un médicament capable
d'enrayer la mutation chez les porteurs du gène X. Cette découverte
sème la controverse au sein de la communauté mutante qui
n'est pas prête à être traitée comme simplement
malade. La polémique permet une fois de plus au puissant Magneto
(Ian McKellen) de rallier de nouveaux éléments à
sa cause. Celui-ci fomente une attaque finale contre le genre humain,
qu'il considère inférieur à ses frères évolués.
De leur côté, les troupes du professeur Charles Xavier
(Patrick Stewart) se remettent difficilement de la mort de Jean Grey
(Famke Janssen). Mais, comme l'avait laisser miroiter la finale de X2,
sa renaissance sous la forme de la puissante Phoenix ne tardera pas
à ébranler l'écran. Si l'on ajoute à ce
menu la mort de quelques personnages clés de la série,
l'introduction d'un nombre imposant de nouveaux mutants ainsi qu'un
combat final aux proportions titanesques, on comprend d'emblée
pourquoi le film de Ratner frôle l'implosion à plusieurs
reprises. Réalisé comme s'il s'agissait du dernier volet
de la saga - ce qu'il n'est pas si l'on se fit à la double-finale
ouverte qu'il nous offre - X-Men: The Last Stand s'essouffle
en jouant la carte de la vente de faillite. De grands moments de la
mythologie d'un des comic books les plus populaires de tous les temps
sont traités sur le ton de l'anecdote et quelques personnages
cruciaux sont éliminés en deux temps trois mouvements.
Les fanatiques risquent de se ruer dans les brancards à la sortie
de la projection. D'une durée d'approximativement une heure quarante,
le film souffre fort ironiquement de sa courte durée à
l'ère du blockbuster trop long.
À force de vouloir en faire trop à la fois, le film Ratner
rate la cible à plusieurs reprises et ce même selon les
standards du cinéphile moyen. Les diverses intrigues n'ont plus
le temps de respirer dans cette tornade où les événements
sont traités de manière superficielle. À l'intelligence
de X-Men et à l'efficacité de X2, The
Last Stand substitue une forme précipitée et à
la limite hystérique où les personnages sont condamnés
à réciter sans grande conviction des "one-liners"
douteux. Même Wolverine (Hugh Jackman) a perdu le statut de vedette
en même temps que son attitude fendante et son tempérament
sauvage. À la manière d'une série télévisée,
X-Men 3 compte sur le fait que notre connaissance préalable
des personnages pourra combler les défauts de sa caractérisation
floue.
N'empêche que le spectacle explosif vaut le détour et satisfait
les attentes. En guise de divertissement sans cervelle, X-Men: The
Last Stand fonctionne honnêtement et établit assez
bien les enjeux de sa séquence finale. C'est un film à
gros budget relativement bien mené qui, selon ces critères,
livre la marchandise. Malheureusement, il pâlit considérablement
lorsque comparé aux films précédents de la série
et arbore finalement une façade beaucoup plus générique.
Le sous-texte des films précédents en ce qui a trait au
rejet de la différence est toujours présent mais le traitement
moins attentionné que propose Brett Ratner a soutiré leur
âme aux X-Men, et il faudra un film autrement plus travaillé
pour remettre la série sur la bonne voie. En gros, The Last
Stand est décevant malgré le plaisir passager qu'il
procure.
Version française :
X-Men: L'Engagement ultime
Scénario :
Simon Kinberg, Zak Penn
Distribution :
Hugh Jackman, Halle Berry, Ian McKellen, Famke
Janssen
Durée :
104 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
4 Juin 2006