X-MEN (2000)
Bryan Singer
Par Alexandre Fontaine Rousseau
De par sa densité, l'univers proposé par la série
X-Men s'est toujours distingué de celui du comic-book
moyen. Les thématiques abordées par la plus populaire,
ainsi que la plus complexe, des franchises de Marvel Comics dépassent
la vision manichéenne du monde présentée habituellement
dans ce genre de bandes dessinées. Ici, le mal existe en fait
dans une zone grise cohérente, expliquée avec intelligence
et surtout forte en connotations historiques. Car pour bien comprendre
les X-Men, il est important de connaître le contexte
de leur création c'est-à-dire la période de l'émancipation
noire en Amérique et du mouvement des droits civiques. Les mutants
de X-Men, évolutions subites de l'humain actuel, étaient
dans les années 60 une métaphore somme toute peu subtile
mais remarquablement éloquente de la cause afro-américaine.
Une fois cette origine assimilée, le conflit opposant le professeur
Charles Xavier (Patrick Stewart) à Magneto (Ian McKellen) se
fait inévitablement l'écho de la lutte idéologique
entre Martin Luther King et Malcolm X. Deux hommes partageant une même
cause sont incapables de s'entendre sur les moyens à prendre
pour arriver à leurs fins. Magneto, plus cynique, considère
que seule la violence permet de se faire entendre. Plus posé,
Xavier croit que la coexistence pacifique entre les humains et les mutants
est belle et bien possible. Pourtant, un sénateur extrémiste
descendant directement de McCarthy exige que l'on limite les droits
des mutants au nom de la sécurité nationale. Les cartes
sont dévoilées. Une guerre se prépare. De quel
bord allez-vous pencher?
Le plus remarquable des accomplissements du réalisateur Bryan
Singer est d'avoir concocté avec X-Men une solide synthèse
à partir d'une diégèse lourde et complexe, marquée
par des années d'évolution sur papier. Son film n'est
en fin de compte qu'une entrée en matière ayant pour principal
objectif d'introduire le néophyte à une série assez
hermétique malgré son immense succès. Dégager
les lignes principales de la bande dessinée originale en moins
de deux heures tient de l'exploit. C'est exactement ce que Bryan Singer
arrive à faire avec ce premier volet de sa franchise. Aujourd'hui,
le supérieur X2 semble autrement plus dense et dynamique
que son prédécesseur. Son traitement plus sombre et son
scénario plus raffiné, grâce à l'intégration
du personnage de William Stryker, s'avèrent des arguments en
sa faveur. Il faut toutefois admettre que ce premier X-Men
était nécessaire.
Heureusement, Singer s'affaire à nous présenter une version
allégée de l'univers de la bande dessinée sans
sombrer dans l'abrutissement absolu et sans s'appuyer sur un nombre
étourdissant de séquences d'exposition mal écrites.
Bien entendu, quelques personnages sont exploités de façon
purement superficielle. Malgré les courbes généreuses
d'Halle Berry, Storm est aussi mince qu'une feuille de papier. Cyclops
n'est qu'un faire-valoir bon enfant vénérant aveuglément
Xavier. Ce qui, en gros, résume assez bien le personnage dans
toutes ses incarnations. De toute façon, les deux véritables
piliers du scénario sont Xavier et Magneto qui sont pour leur
part remarquablement interprétés et habilement étoffés.
En guise de héros, Wolverine remplit aisément la tâche
même s'il mène le bal avec une telle unanimité que
le film aurait pu tout bonnement porter son nom.
En fait, la plupart des critiques que l'on puisse formuler à
l'égard de X-Men sont d'ordre fanatiques ou absurdes.
Les maniaques du comic-book original s'insurgeront bien sûr contre
l'élimination de tel ou tel personnage fétiche. Les cinéphiles
aguerris souligneront pour leur part que le film de Singer se conforme
à toutes les exigences du blockbuster traditionnel. Mais en bout
de ligne, on se souviendra d'abord de ce X-Men comme d'un divertissement
grand public rondement mené, ayant su faire preuve de plus d'intelligence
que la moyenne. Enfin, une adaptation d'une bande dessinée Marvel
était digne de sa source d'inspiration. En rétrospective,
le véritable torrent de films de ce genre produits dans les années
subséquentes a de quoi irriter. Le film de Singer, heureusement,
demeure une belle réussite et le début d'une série
des plus intéressantes.
Version française : -
Scénario : David Hayter, Tom DeSanto, Bryan Singer
Distribution : Hugh Jackman, Patrick Stewart, Ian McKellen, Famke
Janssen
Durée : 104 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 4 Mars 2006
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