THE X-FILES : I WANT TO BELIEVE (2008)
Chris Carter
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Grosso modo, les amateurs de The X-Files sont divisés
en deux camps distincts: les uns s'intéressent à la «
mythologie » de la série, c'est-à-dire à
l'intrigue centrale concernant les complots gouvernementaux et les extra-terrestres,
tandis que les autres préfèrent les épisodes fantastiques
sans liens spécifiques à cette continuité. C'est
visiblement pour plaire à ces derniers qu'a été
écrit I Want to Believe, second long-métrage
tiré de la populaire série télévisée
et incohérence officielle de la cuvée 2008 des aspirants
blockbusters estivaux. Incontournable du paysage culturel des années
90, l'émission culte créée par Chris Carter dégage
aujourd'hui un charme plutôt nostalgique - et bien que les premières
saisons aient vieillies somme toute élégamment, elles
datent déjà visiblement d'une autre époque. Mais
au-delà de ce caractère anachronique évident, I
Want to Believe se distingue de sa compétition par sa remarquablement
petite envergure. En plein coeur d'une saison consacrée aux films
à grand déploiement, le nouveau X-Files fait
figure de petite production du haut de ses trente-cinq millions de dollars;
un budget de misère pour un film qui doit faire face à
des monstres ayant coûté cinq ou six fois ce montant. Par
conséquent, l'échelle réduite à laquelle
se déroule le tout n'étonne pas vraiment. Film mineur,
sans grandes révélations, I Want to Believe se
visionne tel un solide épisode de la série et plaira essentiellement
aux fans de longue date qui se réjouiront de voir les agents
Mulder (David Duchovny) et Scully (Gillian Anderson) reprendre du service
suite à une pause de six ans.
De toute évidence, Twentieth Century Fox utilise ce film afin
de sonder l'intérêt du public pour une franchise à
laquelle elle espère donner une seconde vie - afin d'en faire
une sorte de Star Trek pour le nouveau millénaire. Il
aurait été difficile de capitaliser sur les questions
laissées en suspend par la finale, franchement décevante,
de la neuvième et dernière saison de la série pour
faire de ce film un pivot narratif important comme l'avait été
Fight the Future en 1998: trop d'eau a coulé sous les
ponts et cette conclusion, alors présentée à un
auditoire rapidement décroissant, était somme toute trop
complexe et confuse pour servir de rampe de lancement à un nouveau
long-métrage. Chris Carter a donc pris la décision logique
de confier à Mulder et Scully une simple enquête paranormale,
« comme dans le bon vieux temps », question de les dérouiller
un peu. Le fait est que The X-Files: I Want to Believe aurait
très bien pu s'avérer une catastrophe en bonne et due
forme, mais s'en sort somme toute assez bien dans la mesure où
ses ambitions limitées correspondent à ses moyens restreints.
À certains égards. le film tire même profit de son
modeste contexte de production - qui le force à miser sur l'atmosphère
plutôt que sur les effets spéciaux, et à exploiter
au maximum des paysages naturels plutôt que des décors
numériques. Les images d'hiver sont sobres, mais établissent
efficacement le climat du film.
Certes, l'opération est loin d'être une réussite
sur toute la ligne. Les fanatiques auront bien raison d'affirmer qu'il
existe plusieurs épisodes supérieurs à cet I
Want to Believe un peu trop classique pour son propre bien. Mais
ce que nous rappelle par-dessus tout le film de Chris Carter, c'est
l'indéniable force conceptuelle du tandem Mulder/Scully sur lequel
fût fondé toute la dynamique de la série. L'enjeu
de la « foi », adapté à ses préoccupations
surnaturelles, est encore une fois explorée à bon escient
dans ce long-métrage qui appuie le gros de sa progression sur
la relation de complicité antagoniste unissant ses deux personnages
principaux. L'opposition entre le scepticisme de Scully, pourtant chrétienne
convaincue, et le « croyant » Mulder demeure cohérente
- malgré les années de coups durs portés par la
série aux arguments de Scully. L'intrigue, à la limite,
sert ici de support au développement de leur relation; et la
quête de rédemption d'un prêtre pédophile
(Billy Connoly) qui affirme avoir des visions divines sert d'allégorie
à la crise morale qui secoue leur couple. L'impact du passage
du temps sur les êtres est abordé de manière réaliste,
et l'intégrité des personnages a été respectée;
Carter, en ce sens, relève le principal pari de cette entreprise
risquée.
Malgré les quelques maladresses et évidences de son scénario,
ce nouvel X-Files fait preuve à certains égards
d'une étonnante maturité; et, dans la mesure où
il s'agit d'un suspense grand public, Carter et son collaborateur de
longue date Frank Spotnitz abordent courageusement une foule de sujets
épineux. Le scénario remet notamment en question les avancements
de la médecine moderne, traitant de l'acharnement thérapeutique
par le biais du rapport entre l'enquête policière que mène
Mulder sur un réseau de trafic d'organes et une intrigue secondaire
un peu lourde sur l'emploi de cellules souches. I Want to Believe
carbure principalement aux enjeux moraux et personnels sérieux,
que ce soit l'opposition entre science et religion ou la confiance au
sein d'un couple vieillissant. Évidemment, le film n'est pas
toujours à la hauteur de ses ambitions thématiques élevées.
Mais il a le mérite d'en avoir, là où le cinéma
populaire aspire généralement à « faire oublier
». Certes, la conclusion manque de subtilité et s'appuie
sur une symbolique religieuse un peu dépassée pour s'exprimer;
mais elle évite les facilités manichéennes, distinguant
par exemple foi et institution religieuse.
Dans le même ordre d'idées, le traitement du personnage
de prime abord odieux qu'interprète Billy Connoly surprend par
sa complexité - Carter et Spotnitz marquant par le sort qu'ils
lui réservent la nuance entre rédemption personnelle et
publique. Au contraire de son épique prédécesseur,
I Want to Believe mise sur la simplicité relative de
son intrigue principale pour s'intéresser à des sujets
qui dépassent les frontières établies par la série.
À plus d'un égard, il s'agit d'un projet étrange
et éparpillé - à mi-chemin entre le thriller fantastique
et le drame intimiste. Force est d'admettre qu'il s'agit d'un film légèrement
hermétique, s'adressant d'abord et avant tout aux convertis déjà
familiers avec ces personnages et leur passé. Mais cette faille
est légitime dans la mesure où The X-Files, en
2008, ne tient plus du phénomène de masse; et I Want
to Believe, sans être l'explosif retour en force qu'espéraient
certains, s'avère une addition tout à fait respectable
à la série parce qu'il refuse de tomber dans le panneau
de la nostalgie. Carter n'a peut-être pas opté pour la
voie la plus immédiate; mais il est tout à son honneur
qu'il ait évité celle de la facilité. Reste à
voir si il aura la chance de poursuivre l'aventure...
Version française :
X-Files : Je veux y croire
Scénario :
Chris Carter, Frank Spotnitz
Distribution :
David Duchovny, Gillian Anderson, Amanda Peet,
Billy Connolly
Durée :
104 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
11 Août 2008