THE WOODS (2006)
Lucky McKee
Par Jean-François Vandeuren
Avec son premier long-métrage d’envergure, May,
Lucky McKee tomba dans les bonnes grâces de bien des amateurs
de films d’horreur. Le jeune réalisateur fut du coup catapulté
au sommet de la liste des cinéastes de genre les plus prometteurs
aux États-Unis, pays ayant présentement un urgent besoin
de nouveaux talents dans le domaine de l’horreur et du fantastique.
Devant autant d’éloges, inutile de mentionner que le deuxième
effort de McKee était attendu avec impatience. Prévu originalement
pour la fin de l’été 2005, The Woods se
heurta à plusieurs problèmes de distribution. En soi,
ce type de retard est souvent dû à divers accrochages entre
la vision créatrice d'un réalisateur et celle plus mercantile
des producteurs. Mais un aussi long délai pour un film au budget
somme toute assez mince laissait tout de même penser qu’il
y avait peut-être anguille sous roche. Si McKee signe en bout
de ligne une mise en scène plus que convaincante, ce dernier
ne parvint pas à maîtriser tous les dérapages du
scénario de David Ross.
Dès les premiers instants du film, nous comprenons à nouveau
pourquoi McKee obtint cette réputation des plus enviables aussi
rapidement. Ce nouvel opus s’affichant déjà sous
un jour particulièrement raffiné nous ramène au
beau milieu des années 60, au moment où une jeune fille
ayant quelques troubles de comportement est placée en pension
par sa mère. Évidemment, son séjour ne se déroulera
pas dans le plus grand calme. Les agissements des plus étranges
de ses professeurs et d’inquiétants phénomènes
se produisant dans le boisé entourant l’établissement
amèneront leur lot d’inquiétudes chez l’adolescente.
Pourtant, celle-ci semble être l’une des seules à
avoir conscience de ces événements. De leur côté,
les autres étudiantes disent avoir vaguement entendu parler d’une
légende selon laquelle des sorcières auraient pris le
contrôle de l’école il y a plusieurs décennies
et hanteraient encore les lieux aujourd’hui.
Avec The Woods, le cinéaste américain tente de
retourner aux bases de l’horreur en fondant beaucoup plus ses
élans sur la création d’atmosphères lugubres
que sur les effets de terreur à n’en plus finir. McKee
s’en remit ainsi à une certaine théâtralité
pour appuyer ses efforts sans que ceux-ci ne deviennent exubérants
à l’image du Suspiria de Dario Argento, film auquel
The Woods paye tout de même ses respects à plus
d’une reprise. Si la réalisation de McKee s’avère
plutôt discrète, celle-ci fait part, néanmoins,
d’un grand professionnalisme, en particulier par sa reconstitution
fort convaincante de la dynamique des années 60. Le cinéaste
tire également le meilleur d’une distribution phénoménale
menée de façon éblouissante par Patricia Clarkson
et la jeune Agnes Bruckner. Par contre, The Woods se heurte
aussi à de sérieux problèmes de montage affectant
parfois le rythme de l’effort de manière accablante. Certaines
erreurs de raccord sortent également le film de son contexte
à quelques reprises, nous catapultant d’une scène
à une autre d’une manière plutôt confuse comme
si une séquence de trop avait été coupée
au montage.
En soi, ce manque est quelque peu tributaire du scénario de David
Ross qui, pour sa part, demeure le problème majeur du film. À
la base, avoir voulu construire un scénario de ce genre d’une
manière plus classique est une initiative tout à fait
louable. Malheureusement, Ross ne parvient pas toujours à jouer
ses cartes correctement et la progression de son récit en souffre
et devient parallèlement prévisible. Le faux pas le plus
notable se veut la façon dont il introduit la légende
de sorcières en révélant d’un seul coup pratiquement
tous les points nécessaires à la résolution de
l’intrigue. Nous sommes à ce moment environ au tiers du
film. Nous pourrions ainsi carrément arrêter la projection
un instant, dresser une liste de tout ce qui pourrait potentiellement
arriver d’ici l’arrivée du générique,
repartir le tout et commencer à cocher tous les éléments
écrits à mesure qu’ils se produisent à l’écran
sans jamais être bien loin de la réalité. Cette
maladresse finit également par jouer un mauvais tour à
Ross en fin de parcours, son scénario ne pouvant alors plus se
terminer que sur une note beaucoup trop précipitée, vu
le peu de substance qui lui reste à étaler.
Lucky McKee mit ainsi ses talents de metteur en scène au profit
d’un scénario aux idées souvent forts pertinentes,
mais amenées à l’écran d’une façon
un peu trop hâtive. Les écrits de Ross proposent malgré
tout quelques bons coups au niveau des thématiques qui méritent
d’être soulignés, en particulier cette opposition
plutôt inusitée à un système matriarcal dans
un film d’horreur pourtant foncièrement féministe.
Derrière The Woods se cache sans l’ombre d’un
doute un film d’horreur qui aurait pu facilement devenir un classique
du genre. L’effort n’atteint malheureusement pas tout son
potentiel dû au manque d’expérience de Ross et McKee
à qui il reste encore quelques croûtes à manger
avant d’arriver à un résultat d’aussi grande
envergure. Laissons-leur encore quelques années… En espérant
qu’ils ne se joignent pas au côté obscur d’ici
là pour signer une suite bidon à un film comme The
Hills Have Eyes…
Version française : -
Scénario :
David Ross
Distribution :
Agnes Bruckner, Patricia Clarkson, Bruce Campbell,
Colleen Williams
Durée :
92 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
30 Juillet 2006