WIZARDS (1977)
Ralph Bakshi
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Dans un monde post-apocalyptique inspiré par l'univers de Tolkien,
un sorcier maléfique découvre de vieux films de propagande
nazie qu'il utilise pour motiver son armée de soldats mutants
sur les champs de bataille. Avec ses tanks, ses avions et ses démons
tout droit sortis des profondeurs de l'enfer, il anéantit les
bataillons elfes terrés dans les tranchées, impuissants
devant les images de guerres dont ils n'auraient jamais pu imaginer
l'horreur. Alors que le combat fait rage, le seul espoir du monde libre
repose sur les épaules d'un magicien un peu trop porté
sur le vin rouge, d'une fée tout droit sortie des pages d'un
Heavy Metal, d'un elfe dont les prouesses au kung fu rivalisent
avec celles de Bruce Lee et d'un assassin-robot du nom de Peace. Bienvenue
dans le monde de Wizards, une approximation probablement assez
juste de ce qu'aurait été le Seigneur des anneaux si son
auteur avait expérimenté un peu plus avec le LSD.
Paru en 1977, Wizards est la première excursion du maitre
du cinéma d'animation alternatif américain Ralph Bakshi
dans l'univers du fantastique. L'année suivante, il réalisait
une adaptation controversée du classique de J.R.R. Tolkien qui
encore aujourd'hui, divise cinéphiles et passionnés de
la Terre du Milieu. Tout comme son Lord of the Rings, Wizards
n'a jamais fait l'unanimité. Cependant, les amateurs de fantastique
et d'animation devraient à tout prix découvrir ce petit
chef-d'oeuvre d'imagination qui offre une vision hallucinante et pour
le moins originale des histoires de donjons et de dragons, trop souvent
captives de certains clichés. Combinant une multitude de techniques
de dessins et une impressionnante variété de styles d'animation,
le film de Bakshi est un pot-pourri visuel inégal où l'exceptionnel
côtoie le banal. Toutefois, l'ensemble ne manque pas de panache
malgré quelques lacunes dans le département de la cohésion.
Chaque technique employée dégage une ambiance différente
et donne au film l'allure d'un collage psychédélique fascinant.
Bien entendu, c'est la fameuse rotoscopie, où des images dessinées
sont incrustées sur des images filmées, qui retient le
plus l'attention. En plus d'être nettement avantageux au niveau
budgétaire, cet ingénieux stratagème permet de
créer un effet angoissant et hypnotisant que Bakshi exploite
à merveille afin d'illustrer les armées du sorcier Blackwolfe.
Ajoutez à ce montage visuel inventif une trame sonore remarquable
combinant synthétiseurs atmosphériques typiques de l'époque
à un funk de blaxploitation délicieusement sordide et
vous avez entre les mains un périple psychotrope des plus efficaces.
Heureusement, Wizards offre aussi une certaine mise en garde
contre les dangers de la technologie en plus de se permettre quelques
petites blagues sur les politiciens et les religions organisées
qui rendent l'appréciation de ce divertissant délire plus
légitime au niveau intellectuel.
Mais plus que tout, Wizards demeure un essai des plus réussis
sur la puissance de l'image et son effet dangereux sur les masses. Le
régime Nazi, l'Union Soviétique et l'empire américain
ont rapidement compris l'efficacité du cinéma comme arme
de propagande. Lorsque Blackwolfe actionne son projecteur, il devient
véritablement le maitre de ses troupes et fait naitre la peur
dans le coeur de ses ennemis. C'est sur cette idée que repose
d'abord et avant tout le film de Bakshi. Que celui-ci ait utilisé
l'univers du fantastique pour présenter son propos est d'une
ingéniosité remarquable. Bien que le réalisateur
américain considère Wizards comme étant
son film «familial», la thématique sombre de cet
excellent film d'animation en fait une oeuvre beaucoup plus intéressante
qu'il ne peut paraitre initialement. Certains adoreront, d'autres détesteront,
mais ce film demeure un classique de l'animation psychédélique
des années 70.
Version française : -
Scénario :
Ralph Bakshi
Distribution :
Bob Holt, Jesse Welles, Richard Romanus, David
Proval
Durée :
82 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
25 Août 2004