THE WIZARD OF GORE (2007)
Jeremy Kasten
Par Alexandre Fontaine Rousseau
La version originale de The Wizard of Gore, réalisée
par le premier roi de l'exploitation sanglante à petit budget,
Hershell Gordon Lewis, était une oeuvre d'une médiocrité
sidérante: le jeu plaqué des acteurs, le cadrage frontal
renvoyant par son aspect rudimentaire au cinéma primitif, l'incohérence
perturbante de la finale. Toutes ces «qualités» ont
valu au film le statut de classique culte. Or, suite à une remise
à neuf en 2005 de Two Thousand Maniacs, c'est au tour
du Wizard d'avoir droit au traitement remake. L'idée
en soi n'est pas complètement saugrenue, puisque le synopsis
original n'est pas dépourvu d'intérêt: son aspect
auto-référentiel trahit une sorte de réflexion
sur le spectacle et remet en question notre fascination pour ce sordide
éclatement de tripes, bien qu'Hershell Gordon Lewis ce soit toujours
targué d'aborder le cinéma non pas comme un art mais bien
comme un commerce. Bref, parce qu'il s'agissait d'un film qui méritait
d'être rénové, il est d'autant plus décevant
de découvrir que cette nouvelle version de The Wizard
of Gore est pour ainsi dire plus nulle que la précédente
et mille fois moins divertissante de surcroît.
Tout comme dans l'original de 1970, un journaliste assiste presque par
hasard à la représentation d'un spectacle de magie hors
du commun: l'hôte, Montag le Magnifique, s'amuse devant les yeux
ébahis du public à découper ou à torturer
d'horrible manière une séduisante spectatrice. Les lumières
s'éteignent subitement et, lorsque l'ordre est rétabli
dans la salle, « l'assistante » involontaire se tient indemne
face à la foule. Fasciné par le magicien, obsédé
par l'idée de percer son secret, le journaliste retourne le voir
les soirs subséquents. Chaque fois, le même tour époustouflant
est répété. Sauf que le supplice a changé,
tout comme la victime. Cependant un autre phénomène anormal,
plus inquiétant celui-là, se répète immanquablement:
le lendemain, la jeune femme est retrouvée assassinée.
Et les circonstances horribles de sa mort s'apparentent étrangement
aux supplices subis la veille.
Toutefois, cette nouvelle mouture, bien qu'elle reprenne les grandes
lignes de l'histoire de l'ancienne, s'en distingue en bout de ligne
de manière drastique. Le scénariste Zach Chassler s'est
inspiré de la prémisse et des personnages de l'oeuvre
d'Hershell Gordon Lewis pour construire une intrigue mêlant fort
maladroitement exploitation sexuelle et drogues. La prestation exubérante
à souhait de Crispin Glover, qui se glisse dans la peau de Montag
avec un plaisir manifeste, ne peut sauver le film de Jeremy Kasten du
désastre: l'énergie débordante qu'il déploie
ne fait qu'exacerber le maniérisme insupportable d'une mise en
scène pompière, branchée pour toutes les mauvaises
raisons, qui se contente finalement de présenter sous un éclairage
de néons outrancier une parade de mode à saveur de dépravation
tendancieuse.
Le fait que le principal argument de vente du film de Kasten soit sa
distribution pimentée de quelques Suicide Girls - des pin-ups
punk dont les frasques burlesques se sont mérité une certaine
notoriété dans internet - devrait mettre la puce à
l’oreille : le public qu'il vise et la nature clinquante de l'atmosphère
faussement gothique qu'il cultive préviennent bien le spectateur
de ce qui l’attend. Dans les faits, ce Wizard of Gore
se complaît à la glorification théâtrale de
la même faune débauchée de Los Angeles dont le Kiss
Kiss Bang Bang de Shane Black se payait la tête avec autrement
plus de succès. Mais de belles chairs tapissées de tatouages
ne garantissent pas le succès d'un film de série B, et
celui-ci échoue à tous les aspects imaginables: ses personnages
sont tous plus méprisables et irritants les uns que les autres,
le scénario confus peine à entretenir notre intérêt,
les séquences gore sont d'une inexplicable timidité et
l'ensemble souffre d'un manque d'humour patent.
La cerise chapeautant le sundae de cet indécent ratage est sans
contredit l'emploi exécrable de la caméra HD, la direction
photo de cet essai s'avérant dans l'ensemble d'un incompétence
exemplaire. Présenté sous ce jour peu flatteur, même
l'inspiré cabotinage halluciné de Glover semble étrangement
déplacé. Il s'agit tout de même de la seule qualité
rédemptrice de ce film d'horreur minable qui, autrement, s'illustre
surtout par son opportunisme mercantile évident. Le Wizard
of Gore de 1970 était sans contredit un film exceptionnellement
mauvais. Il s'avère donc fort évocateur de souligner qu'il
demeure de loin supérieur à sa reprise: plus explicite,
certes, mais surtout plus sympathique...
Version française : -
Scénario :
Zach Chassler
Distribution :
Crispin Glover, Jeffrey Combs, Brad Dourif, Kip
Pardue
Durée :
97 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
31 Juillet 2007