A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

THE WIND THAT SHAKES THE BARLEY (2006)
Ken Loach

Par Nicolas Krief

La présence d’un cinéaste comme Ken Loach est fondamentale dans la cinématographie mondiale. Son engagement social et son désir de se porter à la défense du prolétariat en font un artiste exemplaire. Il est un des rares réalisateurs à exiger le réalisme au premier plan; le nom du responsable de la documentation pour chacun de ses films figure même au générique d’ouverture. Maintes fois nommé au plus grand des festivals de film, c'est après plus de 40 ans de carrière, passant de la télévision au documentaire jusqu’au cinéma de fiction, qu'il reçut finalement l’ultime récompense, la Palme d’or du Festival de Cannes, pour The Wind That Shakes the Barley.

Le Vent se lève, de son titre français, fait partie d’une classe à part dans le cinéma de Loach. Contrairement à Riff Raff ou à Sweet Sixteen, qui sont des films à portée sociale, son dernier long-métrage rejoint les rangs de son cinéma ouvertement politique. Tel Land and Freedom, le film relate l’histoire d’une milice, mais cette fois elle prend place en Irlande pendant la guerre, dans les années 1920. Ceux-ci se heurtent aux Black and Tans, une police anglaise qui maltraitait les Irlandais. Le récit se concentre sur l’histoire de deux frères : Teddy, militant politique, et l’autre, Damien, jeune étudiant en médecine. Lors d’un acte violent et gratuit perpétré pas des Black and Tans auquel assiste Damien, ce dernier décide d’abandonner ses études et de se joindre à la milice de son frère.

La puissance du scénario, signé Loach et son compagnon d’écriture depuis Carla's Song, Paul Laverty, tient du questionnement qu’il soulève. Le film ne s’arrête pas après que le traité de paix ait été signé et que les deux camps aient enterrés la hache de guerre, c’est à ce moment que le film prend tout son sens. Alors que le plus vieux des deux frères s’engage dans la nouvelle police anglaise, Damien se met à questionner les véritables bienfaits du traité. Ce dernier a été signé à la hâte et n’offre, en définitive, aucune solution profitable pour le camp irlandais, sinon que l’arrêt des hostilités, pour un temps. Cette trêve obligeant les Irlandais à prêter serment d’allégeance au roi d’Angleterre va à l’encontre de ce pourquoi ils se sont battus; elle divisa deux frères ainsi qu’un pays au complet.

La réalisation de Loach est fidèle à elle-même, sans compromis commerciaux ni artifices spectaculaires, seule l’authenticité importe.Les scènes de bataille sont tout sauf romantiques et évitent l’association à Saving Private Ryan et autres films de guerre partisans. La mise en scène se retrouve aussi dans la direction d’acteurs, plutôt particulière chez Ken Loach. Aucun acteur ne doit lire le scénario avant le début du tournage, les scènes sont distribuées aux comédiens au fur et à mesure que le tournage progresse afin de rendre les réactions des personnages soit spontanées et d'éviter toute la superficialité qu’un rôle de composition peut impliquer.

Il est contraire aux politiques de Loach d’intégrer dans son cinéma toute forme de vedettariat. Ses acteurs sont la plupart du temps non-professionnels et souvent résidents de la région où le film est tourné. La présence de Cillian Murphy et de Liam Cunningham se justifie donc par leur sympathie pour la cause de l’Irlande, leur mère patrie. Sous la direction de Loach, leur performance colle à la perfection avec l’esprit du film; le cinéaste ne met jamais à profit le statut de vedette de Murphy en montrant celui-ci comme une partie d’un tout, c’est-à-dire une distribution égale dans le réalisme de leur jeu. Murphy reste tout de même en tête d’affiche, aidant à la mise en marché du film, ce qui est tout à fait logique puisqu’une cause doit être entendue par le plus de gens possible.

Ken Loach propose donc un document historique rempli de questions morales sur la guerre et ses effets sur la population qui ne réussit finalement pas à égaler le chef-d’œuvre de son auteur, Land and Freedom. The Wind That Shakes the Barley n’atteint pas ce parfait mélange de documentation et de dramatisation qu’aurait souhaité voir un fan inconditionnel de Loach comme le principal intéressé. Il s’agit tout de même d’une œuvre complète qui se classe dans les plus grandes fresques de son auteur. À 71 ans, Loach en a encore beaucoup à dire, pour notre plus grand plaisir.




Version française : Le Vent se lève
Scénario : Ken Loach, Paul Laverty
Distribution : Cillian Murphy, Padraic Delaney, Liam Cunningham, Orla Fitzgerald
Durée : 127 minutes
Origine : Irlande, Royaume-Uni

Publiée le : 13 Février 2008