WILD ZERO (2000)
Tetsuro Takeuchi
Par Alexandre Fontaine Rousseau
C'est cette manière qu'ont les Japonais de prendre un élément
de la culture populaire américaine et d'en décupler la
démesure jusqu'à ce qu'elle atteigne des proportions astronomiques
qui rend leur perspective sur la chose si amusante. Les Guitar Wolf
sont au rock'and'roll et à l'héritage des Ramones ce que
le hot-dog d'un pied est à la gastronomie. Ce n'est pas nécessairement
meilleur, mais c'est définitivement plus gros. La même
analogie est valide pour ce qui est du rapport qu'entretient Wild
Zero avec le cinéma d'horreur et l'humour absurde; sans
faire preuve d'une maîtrise impeccable, Tetsuro Takeuchi glorifie
à l'extrême ses sources d'inspiration et en livre maintenant
une gigantesque caricature à la fois grotesque et révérende.
La retenue, le bon goût et la cohérence ne sont que des
obstacles irritants selon la démarche artistique du réalisateur,
qui livre ici un hommage complètement débile au gros rock
sale et au films de zombies.
Ace est un fanatique avoué du groupe Guitar Wolf. Après
un concert de la formation, le jeune homme croise son idole, l'auto-proclamé
rockeur le plus cool sur Terre, alors qu'il est en plein débat
sur l'intégrité sacro-sainte de l'esprit du rockabilly
avec un agent d'artiste véreux. Après avoir ramassé
toute une raclée pour défendre l'honneur du rock, Ace
reçoit des mains de son héros tout de cuir vêtu
un sifflet magique à utiliser en cas d'urgence. Lorsque le passage
inexpliqué d'extra-terrestres dans l'atmosphère d'une
petite ville ramène les morts à la vie, le jeune homme
demande l'aide de son groupe favori pour sauver une jeune femme de laquelle
il est tombé amoureux.
Bien sûr, le scénario semble avoir été déniché
dans une boîte de Cracker Jack et le montage final est criblé
d'erreurs techniques que devrait éviter un amateur moindrement
informé. Mais dans le contexte particulier de cette ode trash
à la gloire du mythe rock et des bas-fonds de l'horreur, les
pires excès sont permis voire encouragés. Ce n'est certainement
pas en misant sur sa direction photo flasque ou sur l'interprétation
soit dit en passant minable de sa distribution de figurants que Wild
Zero va nous amadouer. Le charme exubérant du film de Takeuchi
réside dans ces délicates petites subtilités telles
que les pics de guitare laser qu'utilise notre héros Guitar Wolf
pour combattre une horde de zombies sanguinaires et dans l'incalculable
nombre de fois que l'on voit des flammes à l'écran...
Voilà qui condamne ou élève, tout dépendant
de votre échelle de valeur cinématographique, Wild
Zero au statut de film culte dans le bizarroïde répertoire
nocturne des cinéphiles insomniaques. Sorte de croisement indiscipliné
entre Rock N' Roll High School, Evil Dead 2 et Attack
of the Killer Tomatoes, Wild Zero n'est pas non plus sans
rappeler l'étrange et méconnu Adventures of Buckaroo
Banzaï Across The 8th Dimension de W.D. Richter, où
Peter Weller incarnait un chanteur de rock aussi ninja à ses
heures. Ce qui, bien entendu, signifie qu'une bonne partie de la population
mondiale ne portera qu'un intérêt limité à
ce débris cosmique assez inusité.
Qu'allons-nous donc tirer comme belle morale de cette fable nippone
sur le courage et le rock'n'roll? Que l'amour se moque de la barrière
des sexes et des frontières de la ''zombification'' ? Côté
contenu, on repassera. De toute façon, Wild Zero est
le genre d'OVNI excentrique que l'on écoute pour être décoiffé.
Alors sortez votre peigne, enfilez vos lunettes de soleil les plus cool
et criez "gabba gabba hey" avant de plonger. La fête
débauchée commence ici.
Version française : -
Scénario :
Satoshi Takagi
Distribution :
Guitar Wolf, Drum Wolf, Bass Wolf, Masashi Endô
Durée :
98 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
10 Février 2006