WILDERNESS (2006)
Michael J. Bassett
Par Jean-François Vandeuren
Le cinéma d’horreur au Royaume-Uni aura finalement profité
du succès international du 28 Days Later de Danny Boyle
pour prendre de l’expansion et explorer une série d’enjeux
sociaux et moraux ne visant pas forcément à présenter
l’être humain sous son jour le plus clément. Comme
aux États-Unis, bon nombre de nouveaux cinéastes oeuvrant
dans le domaine s’inspirèrent du cinéma d’horreur
américain des années 70. Mais plutôt que de sombrer
dans une nouvelle vague désolante de remakes froids et sans âme
accumulant le sang et les effets chocs pour cacher un manque total de
substance, les britanniques renouèrent avec le genre sur une
base beaucoup plus psychologique. Par contre, des efforts comme The
Descent et Wilderness ne nous présentent pas tout
à fait les personnages types auquel l'horreur nous a habitués
depuis le début des années 80. En fait, les victimes se
révèlent ici souvent plus impitoyables et dérangées
que le fléau auquel elles sont exposées. Tout ce chaos
devient alors l’occasion rêvée pour régler
de vieux comptes ou tirer avantage des éléments les plus
faibles du groupe.
Comme dans le Deliverance de John Boorman, la prémisse
de Wilderness de Michael J. Bassett ramène l’homme
dans un milieu naturel qui aurait dû normalement lui permettre
de se ressourcer. Ici, un groupe de jeunes délinquants et l’un
des responsables du centre où ils sont détenus doivent
passer quelques jours sur une île inhabitée. L’expérience
doit servir de correction aux jeunes fauteurs de trouble suite au suicide
d’un des prisonniers qui ne pouvait plus supporter les nombreux
abus psychologiques et physiques de deux d’entre eux. Leur séjour
deviendra toutefois un véritable cauchemar lorsqu’un mystérieux
individu et sa petite armée de chiens de garde surentraînés
commenceront à les prendre en chasse.
D’entrée de jeu, le scénariste Dario Poloni ne cherche
pas à créer de réel mystère quant à
l’identité des éventuels survivants de cet enfer,
voire même du tueur. Pourtant, l’effort n’en est pas
plus prévisible pour autant. Comme les protagonistes doivent
affronter plus souvent qu’autrement une menace invisible, le duo
s’intéresse davantage aux relations tendues entre ces derniers,
dépouillant alors leurs instincts et comportements qu’ils
ramènent parfois à un niveau carrément bestial
comme c’était aussi le cas dans 28 Days Later
et The Descent. Ainsi, au moment où tous devraient normalement
se serrer les coudes pour faire face à une situation pour le
moins extrême, c’est plutôt l’individualisme
désolant des différents personnages qui fait surface.
Poloni et Bassett se servent d’ailleurs d’une manière
fort habile de la force de caractère propre à chaque individu
pour édifier une hiérarchie au sein du groupe. Le tout
créera du coup une rivalité entre certains personnages
qui tenteront carrément d’exploiter un autre être
humain pour leur propre sécurité. Un égoïsme
qui aura évidemment des conséquences particulièrement
morbides.
Wilderness réserve également son lot de surprises
réjouissantes et captive de par la façon dont il parvient
à rendre si étroit un lieu pourtant extrêmement
vaste tout en effaçant méticuleusement la plupart des
notions de justice et de moral devant ordinairement servir de repère
au spectateur dans ce type de récit. Pour sa part, la mise en
scène de Bassett ne se veut pas forcément ingénieuse
ou léchée, mais s’avère malgré tout
d’une redoutable efficacité le temps venu. Le cinéaste
britannique renforce d’ailleurs les séquences les plus
sanglantes de son film de divers éléments d’une
cruauté inouïe ou de barbarie pure et dure. Bassett et Poloni
rendent le tout encore plus percutant en alimentant leurs enjeux dramatiques
jusqu’à ce qu’ils finissent par complètement
éclater.
Même si particulièrement brutale, la violence exposée
dans Wilderness n’a en soi rien de gratuite. D’une
part, Bassett ne base aucunement ses efforts sur la mise en scène
de stratagèmes sadiques et cherche plutôt à plonger
son public dans un état d’inconfort de par la manière
souvent répugnante dont ses personnages se tirent d’affaire.
Si la prémisse de Wilderness ne permet pas aux cinéastes
d’exprimer leurs intentions aussi subtilement que celle d'un film
comme The Descent, Bassett et Poloni soulignent tout de même
celles-ci avec une vigueur que l’on voit de plus en plus rarement
dans le genre. Un peu comme dans le film de Neil Marshall, Wilderness
révèle avec brio la fausseté du happy ending
typique de cette sous-catégorie du film d’horreur en mettant
en évidence de façon fort simple, mais on ne peut plus
significative, l’impossibilité pour les personnages encore
debout à la fin de ce massacre de renouer avec une existence
normale. La finale de Wilderness nous ramène d’ailleurs
une fois de plus à la fameuse symbolique de la (re)naissance
qu’exploita aussi Marshall. Mais comme dans The Descent,
Bassett et Poloni se font une joie de mettre sens dessus dessous cette
séquence classique du genre. Ainsi, nos héros venant tout
juste de surmonter la pire des épreuves devront désormais
apprendre à vivre avec un fardeau beaucoup plus lourd que tout
ce qu’ils avaient pu imaginer jusque-là.
Version française : -
Scénario :
Dario Poloni
Distribution :
Sean Pertwee, Luke Neal, Ben McKay, Toby Kebbell,
Alex Reid
Durée :
110 minutes
Origine :
Royaume-Uni
Publiée le :
31 Août 2006