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WICKER PARK (2004)
Paul McGuigan

Par Frédéric Rochefort-Allie

Huit ans! Vous conviendrez que le laps de temps entre Wicker Park et son original, le thriller français L'Appartement, est plutôt court. En huit ans, moins d'une décennie, qu'est-ce qui peut bien pousser un réalisateur et des producteurs à reprendre un film européen acclamé par les critiques? Ne serait-ce pas là une stratégie pour s'approprier un succès tant au niveau monétaire que des critiques? Si vous avez l'impression de remonter le temps et de revenir à l'époque de la sortie de Vanilla Sky, vous n'êtes certainement pas les seuls.

Vous faire un résumé du film serait s'aventurer sur un terrain plutôt glissant. Disons simplement qu'un homme nommé Matt (Josh Hartnett) a rencontré par pur hasard cette jeune femme nommée Lisa (Diane Kruger) dont il tombe instantanément amoureux, voire obssessif. Mais les choses se compliquent alors que Lisa ne se pointe pas à un rendez-vous donné. Qui est Lisa et pour quelles raisons est-elle disparue ?

Ces questions, le film y répond peut-être, mais la structure narrative risque à elle même d'en créer de nouvelles. En effet, Wicker Park est un film confus dans son propre développement. Memento, exemple parfait pour représenter le mode narratif adopté par ce remake, se justifiait par son personnage ne possédant aucune mémoire à court terme. Memento se permettait aussi d'enrichir ses personnages en jouant avec son montage fragmenté en le soumettant aux règles du scénario dit «normal» pour créer une évolution logique avec ses personnages. C'est tout à fait l'inverse chez Wicker Park. Non pas qu'on y trouve pas des qualités en tant qu'histoire intrigante, mais l'ensemble du scénario semble adopter une structure beaucoup trop compliquée pour ce qu'elle a à offrir. Imaginez un peu que les scénaristes de Jerry Macguire se soient amusés à reprendre Mulholland Dr. à leur façon et le résultat de l'adaptation du scénariste Brandon Broyce n'en est pas loin. La principale faille du film serait d'avoir laissé de côté un peu ses personnage pour se concentrer à perdre quasi volontairement le spectateur au fil des évènements. Bien que n'étant pas aussi unidimensionnels que dans bien des films composant la filmographie de Josh Hartnett, nous sommes bien loin du côté humain des personnages de Charlie Kaufman dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind.

Les acteurs, n'étant pas très réputés et disposant de personnages plus ou moins bien écrits, sont tout de même intéressants dans une certaine mesure. Bien qu'Hartnett nous affiche quelques facettes classiques de son jeu plutôt limité, l'acteur n'enlèvera pas le Razzies du pire acteur à Orlando Bloom ( «Zut !» se dira ce dernier), à la grande déception de certains. Encore une fois, le cousin Vanilla Sky pourrait servir d'exemple à ce sujet. Hartnett, tout comme Tom Cruise, n'est pas particulièrement à son meilleur mais évite de tomber dans un ridicule profond. Rose Byrne, qui fait penser à Cameron Diaz en comparaison, surprend légèrement par son jeu mais n'est certainement de la trempe de Monica Bellucci et compagnie. Diane Kruger est quant à elle vouée au même rôle que Penélope Cruz, soit jouer la belle de service. Puis finalement, Matthew Lillard se détache un peu du lot par une interprétation un peu attachante et fortement sympathique, lui à qui on avait confié des rôles plus que secondaires, un peu comme Jason Lee. Pour ce qui est des autres, comme la Québécoise Jessica Paré, ils semblent un peu comme les personnages principaux, accessoires au film.

Car c'est en fait le réalisateur qui prend possession de ce film et qui, oh coïncidences, le sauve du gouffre. Paul McGuigan est certainement un réalisateur très rafraichissant et inventif. Nul doute que Wicker Park est à un différent niveau des films de son genre par ses (re)trouvailles au niveau technique avec un montage et une réalisation soignée qui n'innovent en rien dans l'histoire du cinéma, mais qui ont certainement comme mérite de captiver l'intérêt de ses spectateurs. McGuigan semble toutefois incapable de se doser. Autant certains moments en sont soulant, autant certains auraient certainement pu bénéficier d'un peu d'artifices. Idem point de vue musical. Même si la trame sonore est très intéressante, l'abus et le manque de morceaux créent des inégalités. Bref, cela a comme effet de déconcentrer parfois le spectateur d'une intrigue qui lui cause déjà problème.

Finalement, sans être complètement raté ou entièrement réussit, Wicker Park est par ses qualités et défauts un film instructif. Le film est en quelque sortes supérieur au calque nommé Vanilla Sky, mais il se tire dans les pieds par son montage trop complexe pour l'histoire racontée. Sans se le cacher, Wicker Park est un film sur l'excès et le manque dans toutes ses formes. Malgré son attitude pseudo-intello nombriliste, on trouve dans ce remake des moments de cinémas suffisamment intéressants pour en justifier le visionnement, même chez les cinéphiles les plus sérieux. Que ce succès mitigé serve de leçon aux producteurs désirant toucher à des films récents, le charme d'un film original ne peut jamais être égallé, du moins pas en moins d'une décénnie.




Version française : L'Appartement
Scénario : Brandon Boyce, Gilles Mimouni (film original)
Distribution : Josh Hartnett, Rose Byrne, Matthew Lillard, Diane Kruger
Durée : 115 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 14 Septembre 2004