WHERE THE TRUTH LIES (2005)
Atom Egoyan
Par Jean-François Vandeuren
Contrairement à la grande majorité des opus précédents
du réalisateur canadien, voilà que ce Where the Truth
Lies d’Atom Egoyan marque le passage de ce dernier vers un
cinéma susceptible d’aller chercher un public beaucoup
plus vaste que par le passé et ce, malgré la censure dont
il pourrait bien être l’objet en sol américain. Cette
fois-ci, Egoyan s’attaque à cette sorte de mythologie qui
entoure les célébrités, mais dont la vie personnelle
peut cependant posséder tous les éléments requis
pour provoquer une profonde indignation à leur égard et
donc une certaine forme d’hypocrisie chez le premier venu pour
qui ces idoles doivent être exemptes de tout défaut. Le
cinéaste d’origine arménienne reprend donc ici,
à partir du roman de Rupert Holmes, le scénario classique
d’une journaliste enquêtant sur le cas d’un duo comique
qui fut extrêmement populaire dans les années 50 et qui
se sépara en pleine gloire après un évènement
trouble où une jeune femme fut retrouvée morte dans leur
chambre d’hôtel au moment même où ils entraient
dans la pièce. L’écrivaine tentera donc de faire
la lumière sur cette affaire dont les principaux concernés
pourraient bien être les seuls à connaitre la vérité.
Un scénario qui renvoie évidemment de bien des manières
au Auto Focus de Paul Schrader par la façon dont Egoyan
aborde les mœurs des célébrités, le but du
film de ce dernier étant évidemment d’amener au
tapis toute forme d’illusion mythique que peuvent créer
les médias autour d’un individu, dans un domaine où
même la réalité peut avoir été écrite
afin de couvrir certains détails peu plaisants d’une personnalité
pour qui la vie privée est désormais un luxe. La particularité
du film d’Egoyan est qu’il ne cherche pas à calculer
cet impact sur la réputation plus que sur l’individu en
soi, un élément que ceux se régalant des scandales
les plus juteux, même au cinéma, ne prennent pas toujours
en considération. Egoyan fait encore part d’ailleurs d’un
travail absolument redoutable au niveau du développement de ses
personnages. Ce dernier n’a heureusement pas oublié cette
fois-ci d’y inclure un scénario solide qui, à quelques
occasions dans le passé, avait tendance à s’effacer
devant cet aspect, voir Felicia’s Journey. Where
the Truth Lies se joue aussi adroitement de plusieurs archétypes
du genre, particulièrement au niveau des motivations et du caractère
des principaux protagonistes dans leur façon de réagir
aux évènements qui ne sont pas à ce point poussés
dans la majorité des films ayant utilisés une telle formule
auparavant.
Le tout est d’ailleurs soutenu par une distribution tout à
fait exceptionnelle, menée par un Kevin Bacon magistral, Colin
Firth qui change ici sa routine d’ordinaire ancrée dans
la comédie romantique, et Alison Lohman qui continue de parfaire
une feuille de route déjà impressionnante. Where the
Truth Lies prend évidemment la forme d’un film noir
bénéficiant d’une reconstruction d’époque
extrêmement bien rendue, particulièrement au niveau idéologique,
croisant le fer entre l’innocence naïve de l’Amérique
des années 50 et sa société plus permissive en
apparence du début des années 70. Le film d’Egoyan
fait également part d’un dynamisme foudroyant dû,
entre autre, à un montage alternant habilement les deux époques,
mais aussi au fait qu’on ne retrouve tout simplement aucun temps
mort, élevant ainsi d’une bonne tête un récit
à la forme somme toute convenue suivant une facture établie
depuis longtemps. Mais l’effort ne défile toutefois pas
sans accrochage. Un des plus embêtants est que le cinéaste
se fit parfois beaucoup trop aux dialogues qu’il a tendance à
placer en mode récapitulatif afin de faire le point sur les éléments
exposés précédemment, un procédé
qui devient vite assommant.
Atom Egoyan relève donc le défi d’un film plus accessible
en ne tombant pas dans les pièges d’usages d’une
telle entreprise qui auraient pu l’amener à ce censurer
lui-même. Lui qui abordait la sexualité d’une manière
toujours très explicite n’y est pas aller de main morte
encore une fois. Mais si le cinéaste demeure fidèle à
ses habitudes, c’est plutôt le comité de censure
des États-Unis qui pourrait bien lui mettre des bâtons
dans les roues alors que Where the Truth Lies sera probablement
classé NC-17 chez nos voisins du sud. Il n’y a pourtant
pas de quoi s’affoler et nous avons déjà été
exposés à bien pire dans d’autres œuvres qui
ne furent pourtant pas accompagnées d’une telle controverse
lors de leur sortie. Peut-être aussi que le problème ne
se trouve pas tant au niveau de l’image que de la dénonciation
sanglante d’une idéologie sur laquelle les États-Unis
ont toujours énormément reposé...
Version française : -
Scénario : Atom Egoyan, Rupert Holmes (roman)
Distribution : Kevin Bacon, Colin Firth, Alison Lohman, Rachel
Blanchard
Durée : 107 minutes
Origine : Canada, Royaume-Uni, États-Unis
Publiée le : 19 Septembre 2005
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