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WELCOME TO SARAJEVO (1997)
Michael Winterbottom

Par Jean-François Vandeuren

Welcome to Sarajevo s’inspire d’un fait vécu s’étant produit durant le conflit bosniaque entre 1992 et 1993. Le tout prend place, comme son titre l’indique, dans la ville assiégée de Sarajevo alors que l’Occident demande encore et toujours au peuple bosniaque de continuer d’attendre que les militants serbes retrouvent leurs esprits et, comme par magie, cessent ce non-sens prenant de plus en plus les allures d’un génocide. Le quotidien dans la cité se traduit donc d’attaques de tireurs embusqués et d’explosions d’obus, dans un climat où règnent continuellement la frayeur et la mort. Les réseaux médiatiques ont évidemment déployés leurs représentants pour rapporter ce qui s’y passe. Mais comme pour l’ONU et ses ô combien utiles casques bleus, les journalistes commencent eux aussi à se sentir un peu inutiles dans toute cette histoire. L’un d’origine britannique prendra donc à cœur la cause d’un orphelinat se trouvant sur la ligne de feu et tentera de faire exiler le temps du conflit les plus jeunes enfants vers d’autres pays d’Europe, et prendra sous sa garde une jeune fille nommée Emira qu’il ramènera en Angleterre.

Unissant une fois de plus leurs efforts, le prolifique duo anglais formé du réalisateur Michael Winterbottom et du scénariste Frank Cottrell Boyce s’intéresse cette fois-ci à ces histoires d’horreurs émanant des pays en guerre qui ne font pas toujours la manchette des quotidiens occidentaux. Ils relatent d’ailleurs à cet effet l’exemple d’une histoire de séparation au sein de la monarchie britannique qui fut préférée comme tête d’affiche à un véritable massacre s’étant produit dans les rues de Sarajevo. Une énorme frustration émane donc de ceux risquant leur vie pour faire connaitre au reste de la planète ce qui se trame en ce moment là où il faut agir rapidement. Ce qu’on leur répondit par contre fut qu’il y avait des endroits bien pires que celui-ci sur la planète, treize pour être exact, sauvant ainsi bien des diplomates d’un quelconque effort humanitaire.

L’effort de Winterbottom fait donc au départ un portrait percutant du journalisme de guerre qu’il ne limite pas qu’à l’action, mais qui s’intéresse aussi à la situation de ces reporters pour qui les conditions de travail sont à des années-lumières du confort d’un bureau se trouvant quelque part dans leur pays d’origine. Le problème par contre, c’est que lorsque l’effort bascule complètement vers l’histoire d’aide à l’exil des jeunes bambins, et particulièrement le cas de la petite Emira, cela amène le film à sortir un peu de son propos initial. Cette seconde partie soulève tout de même un questionnement important sur l’aide pouvant être apportée en temps de crise et sur les contraintes légales limitant les meilleures intentions. Des concepts qui ne sont cependant pas proposés avec autant d’habileté qu’au départ.

Welcome to Sarajevo n’est pas non plus l’œuvre la plus accomplie visuellement de Michael Winterbottom, qui livre ici un travail à tout le moins fort respectable, mais qui témoigne aussi d’un style en pleine évolution qui devait encore prendre de la maturité pour arriver à des résultats aussi prodigieux que 24 Hour Party People et Code 46. Le réalisateur britannique utilise en ce sens un mélange devenu l’une de ses marques de commerces, alliant un style dramatique à une optique plus réaliste, se traduisant ici par le point de vue d’une caméra de télévision qui se montre particulièrement à propos lorsque filmant les rues de Sarajevo éclaboussées par le sang des morts et des blessés bosniaques. Mais d’un autre côté, ne devrait-elle pas plutôt être éteinte et les journalistes en train de porter secours aux victimes de ces attaques? Mais une image vaut belle et bien mille mots et sans photos ou film, ce qui se passe n’existe tout simplement pas. «Nous ne sommes pas là pour aider, mais pour rapporter», dira le personnage principal du film interprété avec convictions par Stephen Dillane, qui ne pourra néanmoins briser sa promesse d’aider Emira. Winterbottom fait également part d’une retenue toujours aussi impeccable en ne surexposant pas ces moments à tendance plus dramatiques, une approche annonciatrice à la manière dont il traitera formidablement le suicide de Ian Curtis dans 24 Hour Party People.

Maglré une seconde partie un peu moins substantielle que la première, Welcome to Sarajevo nous offre néanmoins un regard saisissant sur le travail journalistique dans les pays en guerre, tout en nous incitant à réfléchir sur la valeur des intentions des pays les plus fortunés, dont la population et le gouvernement sont informés de ce qui se passe ailleurs sur la planète. Le film de Michael Winterbottom et Frank Cottrell Boyce soulève en ce sens que le cas bosniaque démontra bien l’inefficacité de toutes les mesures entamées après la Deuxième Guerre mondiale pour que les horreurs de ce conflit ne se reproduisent jamais. Alors que nous vivons à une époque où nous sommes en mesure d’acquérir un regard approfondi sur les régimes politiques dont l’instabilité se traduit toujours par une violence inouïe, peut-être qu’assurer une vie décente à tous les habitants de cette planète n’est plus vraiment ce qui compte à présent...




Version française : Bienvenue à Sarajevo
Scénario : Frank Cottrell Boyce, Michael Nicholson (livre)
Distribution : Stephen Dillane, Woody Harrelson, Emira Nusevic, Kerry Fox
Durée : 103 minutes
Origine : Angleterre

Publiée le : 16 Juin 2005