WARLORDS (2007)
Peter Chan
Yip Wai Man
Par Mathieu Li-Goyette
Avec Assembly, Xiaogang Feng signalait l’existence d’un
nouveau cinéma épique chinois avec des moyens de production
et des techniques principalement empruntées à l’industrie
américaine. Il y a avait, certes, quelques incohérences
au niveau d’un scénario hautement coupé en raison
de la censure, mais l’ensemble se digérait relativement
bien. Réalisé la même année, parvenu sur
nos écrans un peu plus tard est ce Warlords de Peter
Chan (3 Extremes II) et Yip Wai Man (Sixty Million Dollar
Man), un film d’une grandeur comparable au niveau de son
décorum, mais d’autre part un exemple de choix dans le
cinéma de propagande chinois. Warlords raconte l’histoire
de trois chefs reliés par un pacte d’honneur (Jet Li, Andy
Lau, Takeshi Kaneshiro) au cours du XIXe siècle qui, menés
par leur désir de gloire, souhaitent conquérir les terres
adjacentes du royaume au nom de l’impératrice. Long et
pénible, Warlords ne délivre tout simplement
pas la marchandise tout en étant une tentative luxurieuse de
ramasser les préoccupations du peuple et de les réduire
à la botte de « grands chefs » plus objectifs, moins
portés à la débauche et le gaspillage que leurs
citoyens. Foutaise sur toute la ligne, le véhicule de la star
Jet Li de retour en contrée mandarine contient quelques moments
de grandes chorégraphies tout en n’étant jamais
en mesure de rivaliser avec les mouvements de foules et les combats
à grand déploiement des Red Cliff 1 et 2
de John Woo moins persuasifs et plus divertissants.
Général défait, Pang (Jet Li) se joint à
deux brigands, Zhao (Lau) et Zhang (Kanishiro), et part à la
conquête de son ancien ennemi avec le général qui
l’avait précédemment trahi comme seul allié.
Envoyé par les bureaucrates de la capitale vers Pang, sa figure
invisible plane dans le désir de vengeance du général
à maître de nouvelles troupes fraichement entraînées
(et anciennement brigands). Campagnes après campagnes, la marche
de l’armée se fait sentir lourde jusqu’à l’attaque
d’une forteresse imprenable où Pang fera exécuter
de sang froid 4000 prisonniers qui avaient rendu les armes. Devant un
tel bain de sang, Zhao proteste et passe du côté de l’ennemi.
Pour le reste, combats par-dessus espionnages, le film joue dans le
classicisme arriéré et fait de son épique combat
final une ellipse pour signaler sa « bonne » intention de
ne pas faire de la violence son argument de vente. Appuyé par
plusieurs fac-similés tout au long du film, la technique rappelle
celle de Griffith qui y cherchait là une relecture historique
appuyée par dates, citations, écrits de l’époque.
Dans la même veine, Warlords présente un discours
dissuasif sur la soumission aux pouvoirs de l’état dans
un pays où il est peu probable que le citoyen Chinois conventionnel
soit en mesure de vérifier les absurdités du film. Basé
sur un fait vécu bien assez légendaire (l’assassinat
du général Pang), la modification de l’histoire
écrite fait appel à un jugement de la part du spectateur.
À savoir, une oeuvre peut-elle plaire à défaut
d’être grossièrement immorale?
Oui pour les films d’exploitation, les divertissements bien ficelés
comme la gamme des super-héros nous les fournit, mais placé
devant un tel festival d’incongruités, la réfutation
et la protestation est l'une des seules solutions viables. Alors que
Pang fait assassiner lâchement son ancien camarade Zhao - filmé
comme un ennemi, interprété comme un ennemi, tué
en ennemi, depuis qu’il a protesté contre le massacre et
bien d’autres moments immoraux - pendant qu’il se tient
penaud, à boire son thé et à prononcer de bien
nobles excuses dans le vide (au spectateur) qu’il contemple en
regrettant ses gestes contre nature… avant de terminer en réitérant
qu’il avait raison de tuer des innocents, que le peuple doit continuer
de mourir de faim puisqu’au bout du compte, l’Histoire et
la victoire lui donneront raison. En fait, la réalisation d’un
film de la sorte dans un pays qui peine à se remettre du cataclysme
olympique de 2008 (le film sortit en salle là-bas en 2007), la
remise de plus de 8 prix aux « oscars » chinois et l’engouement
du star système qui y est représenté en dit beaucoup
sur le cinéma populaire chinois. Visant à contrôler
l’information, à la déformer, à soumettre
son peuple à des idéaux qui donne raison à un gouvernement
qui exécute des milliers de prisonniers par année et crée
une famine artificielle dans un pays avare de ses propres richesses,
la piètre qualité de la mise en scène de Chan-Yip
confirme les pires craintes.
Financé par les compagnies de production les plus influentes
du grand Beijing, l’impression que donne Warlords est
celle d’un film financé, tourné et publicisé
par les instances gouvernementales. Démontrant pas plus de talent
que le premier venu, les erreurs allant d’un travelling alors
que l’on observe un plan de vue à la première personne
d’une jumelle font se questionner longuement le spectateur averti
sur l’intelligence même des hommes qui chirographient aussi
la défense héroïque des trois généraux
pendant que l’on voit bien que les soldats ne font que brandirent
les armes les uns devant l’autre et complètement ignorants
d’un principe pourtant très primitif d’attaque et
de contre-attaque. Les leçons du cinéma soviétique
auront bien servi les Chinois direz-vous, la différence reste
que Warlords n’est autre qu’un immense budget mal
entretenu plaqué sur un hymne propagandiste méprisable
et une faible maîtrise du médium. Warlords est
un film lamentable qui tente de charmer un public épaté
par la grandeur (lire : le nombre de figurants) de l’entreprise.
Ne tombons pas dans le panneau.
Version française : -
Version originale : Tau ming chong
Scénario : Chun Tin Nam, Guo Junli, He Jiping, Huang Jianxin,
Xu Lan, James Yuen
Distribution : Jet Li, Andy Lau, Takeshi Kaneshiro, Xu Jinglei
Durée : 126 minutes
Origine : Hong Kong
Publiée le : 27 Juillet 2009
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