WAR-GODS OF THE DEEP (1965)
Jacques Tourneur
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Les fonds marins et les cités sous-marines en tous genres n'ont
plus la cote de nos jours. Il fut un temps, il y a de cela fort longtemps,
où la littérature fantastique se tournait régulièrement
vers l'océan pour s'inspirer. De Lovecraft à Edgar Allan
Poe en passant par Jules Vernes, tous les grands du genre ont un jour
où l'autre plongé les lecteurs dans cet univers mystérieux.
Depuis la conquête spatiale cependant, nous avons tourné
notre imaginaire en direction du ciel et des étoiles. Notre crainte
ancestrale de l'étranger et de l'inconnu ne se terre aujourd'hui
plus au plus profond des mers mais plutôt quelque part dans l'espace,
dans un galaxie fort lointaine. Pourtant, l'imagerie mythique associée
à l'Atlantide et autres civilisations aquatiques de toutes sortes
a quelque chose de franchement fascinant. L'océan, bassin de
la vie sur terre, dernière frontière de notre connaissance
de la planète que nous habitons, éternel mystère
un peu délaissé par nos cultures alors qu'il en fut si
longtemps l'un éléments les plus importants... Pensez
à ces fosses aquatiques aussi profondes que les montagnes sont
hautes, milieux qui nous sont encore inconnus et...
Je vous ennuis? Vous commencez sincèrement à vous demander
où je peux bien vouloir en venir avec cette poésie bidon
et ces préoccupations existentielles à saveur maritime?
Certainement pas à parler d'un vieux film de série B mettant
en vedette Vincent Price, tout de même... Il se trouve en fait
que, oui, c'est bel et bien une telle production que je tente d'aborder
ici. Adapté du poème d'Edgar Allan Poe City in the
Sea, War-Gods of the Deeps est une production fantastique
caractéristique des années 60: éclairages d'un
réalisme totalement déficient aux vertus atmosphériques
et esthétiques par ailleurs remarquables, décors à
mi-chemin entre le grandiose et le bon marché... Vincent Price
devait à l'époque tourner à peu près vingt
adaptations de Poe par mois. Si la plupart de celles-ci penchent plutôt
du côté du cinéma d'horreur, War-Gods of the
Deep est pour sa part un film d'aventures sans penchant morbide.
Bien entendu, ce genre de cinéma culte a un public déjà
gagné d'avance qui dégustera le produit en question peu
importe sa qualité réelle. Force est d'admettre, toutefois,
que malgré son charme rétro indéniable, War-Gods
of the Deep n'est pas parmi les meilleurs films à mettre
en vedette la célèbre vedette du cinéma de série
B. Price incarne ici un contrebandier dérivé du Capitaine
Nemo devenu pour une communauté de monstres aquatiques une figure
divine. Obsédé par une femme morte il y a de cela un siècle
comme tout bon personnage interprété par Price, ce capitaine
sans nom découvre à la surface une sosie parfaite de celle-ci
et en tombe bien entendu follement amoureux. Il enverra donc ses hommes-poissons
de caoutchouc à la pêche à la demoiselle naïve,
ne se doutant pas que cette opération attirera dans sa cité
sous-marine deux hommes gaffeurs et leur poulet de compagnie... qui
seront plus ou moins responsables de la chute de son empire.
Ce scénario débile, écrit pour un film qui l'est
tout autant, n'impressionnera personne par sa grande originalité
ou son intelligence. Alors quel est l'intérêt d'écouter
un film moyen datant d'il y a maintenant quarante ans? Le montage purement
arbitraire de l'interminable poursuite finale vaut à lui seul
le détour et saura inspirer d'innombrables commentaires sarcastiques
des plus inspirés, alors que l'atmosphère visuelle du
film s'avère franchement ne pas être piquée des
vers. Il faut voir cet éclairage d'un rouge diabolique qui semble
suivre Price partout où il va sans autre raison que d'optimiser
son air mauvais lors de la séquence aquatique finale pour y croire.
Mais, surtout, War-Gods of the Deep prouve une bonne fois pour
toute que même les divertissements les plus douteux des années
soixantes sont encore aujourd'hui plus amusants à visionner que
ne le sont la plupart des blockbusters hollywoodiens modernes à
la fine pointe de la technologie. Un gout acquis, certes, qui s'apprivoise
cependant fort facilement...
Version française : -
Scénario :
Charles Bennett, Louis M. Heyward
Distribution :
Vincent Price, Tab Hunter, David Tomlinson, Susan
Hart
Durée :
84 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
10 Avril 2005