A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

WALL-E (2008)
Andrew Stanton

Par Nicolas Krief

Depuis Toy Story en 1995, Pixar, la compagnie de production affiliée à Disney, ne cesse d’innover. Ses artisans propulsent, à chaque nouveau film, le cinéma d’animation familial à un niveau supérieur. L’an dernier, c’est le charmant Ratatouille qui a séduit les foules et remporté l’Oscar du meilleur film d’animation. Pour l’été 2008, le prolifique studio nous a réservé la crème de son cinéma, son apogée ; bref, un très bon film.

WALL-E est un petit robot de nettoyage qui a été oublié par les humains il y a plus de 700 ans alors qu’ils quittaient la Terre (qui était devenue trop polluée) à bord d'un gigantesque vaisseau sponsorisé par une sorte de Wal-Mart à domination mondiale. WALL-E, qui a pour seule amie une petite coquerelle, ramasse les déchets et les empile pour en faire des immeubles (le film commence d’ailleurs sur les magnifiques images de gratte-ciels faits de rebuts). Dans sa petite maison, qu’il utilise aussi comme entrepôt pour objets rares (soutiens-gorge, ampoules, télévisions, etc.), il visionne des enregistrements de comédies musicales. Le sympathique petit robot découvrira l’amour lorsqu’une sonde envoyée par les humains, EVE, arrivera sur Terre en quête d’une forme de vie qui permettrait aux humains de revenir chez eux. Quand elle devra repartir à bord du vaisseau, nommé l’Axiom, WALL-E, aveuglé par l’amour, la suivra jusqu’à celui-ci. Il tentera ensuite de la retrouver et, en parallèle, des robots rebelles tenteront de convaincre les humains, trop bien installés dans leurs chaises volantes, que regagner la Terre et la reconstruire est possible.

WALL-E est une grande réussite: l’animation est d’une beauté à couper le souffle, la mise en scène est superbe et le scénario est impeccable. Impeccable et original, puisqu’à l’inverse du cinéma familial traditionnel, il évite toute morale grossière et élabore avec finesse un récit hautement efficace et engagé. Engagé envers l’environnement, mais aussi envers toute l’humanité, qu’il dépeint avec beaucoup d’espoir. 700 ans ont passé et les humains sont devenus un peu trop douillets ; grâce à une invention d’abord destinée aux personnes âgées (une chaise flottante, à laquelle on a incorporé un ordinateur se trouvant à cinq centimètres du visage de l’utilisateur), ils ont cessé toute forme d’activité physique, et sont donc devenus énormes. Ils ont aussi cessé toute communication directe (physique et vocale) les uns avec les autres, ne se parlant plus que par l’informatique. Par une série d'événements cocasses, WALL-E fera sortir les hommes du simulacre dans lequel ils vivent pour leur faire redécouvrir les joies des contacts humains. C’est un peu gros comme message, mais le gag passe si bien et les intentions semblent si sincères qu'on ne ressent aucunement l’impression de se faire sermonner. C’est d’ailleurs l'une des grandes réussites du film: livrer un discours écologique et humaniste sur la surconsommation et l’individualisme tout en douceur, sans être agressant ni moralisateur.

Le scénario de WALL-E va donc beaucoup plus loin que la simple histoire d’amour entre deux robots. Andrew Stanton a compilé certaines des plus grandes œuvres de science-fiction du cinéma et de la littérature pour créer un nouveau film-phare de ce genre qui tend à s’essouffler depuis quelques années. D’abord, la solitude de WALL-E nous réfère directement aux films tirés de la nouvelle « I Am Legend », de Richard Matheson, dans laquelle un homme se retrouve seul sur Terre. Puis sa grande curiosité, son petit côté maladroit et son regard innocent rappellent l’extraterrestre de Steven Spielberg, E.T. Il y a aussi dans WALL-E plusieurs clins d’œil à l'un des plus grands films de science-fiction de tous les temps: 2001 : A Space Odyssey. Mais alors que Stanley Kubrick soutenait une vision bien noire de l'avenir, WALL-E reste optimiste face à la relation des hommes avec la technologie. Alors que la machine kubrickienne malfaisante se devait d’être détruite, celle de Stanton ne doit qu’être réglée sur le mode manuel ; ce sera le cas du vilain robot « gouvernant » l'Axiom, encourageant les humains à consommer et leur dissimulant des informations cruciales (concept évoquant le « Big Brother » de 1984 ou le Ministère de l'Information de Brazil), en plus de constituer une citation visuelle directe du HAL de 2001. Cela en dit long sur la relation d’harmonie entre l’homme et la machine que prône le film, et le générique de fin est plus qu’explicite sur le sujet.

Mais loin de faire une simple apologie de la robotique, WALL-E dresse plutôt un portrait fantaisiste d’un robot émotionnel. Contrairement aux machines d’Isaac Asimov, la personnalité des robots n'est pas due à des erreurs de fabrication ; elle ne fait qu'être là, tout simplement. Et c’est là toute la beauté de la chose: ces sentiments synthétiques montrent que l’équipe Pixar continue, malgré ses préoccupations artistiques, à faire du cinéma pour toute la famille. Bien que le scénario soit bourré de références et doté d’un discours majeur, il est simple et adapté à tous les publics. Les moins jeunes seront aussi fascinés par la profondeur du récit que par les séquences de poésie visuelle comme le ballet d’EVE et WALL-E dans l’espace, qui émerveilleront bien évidemment les plus jeunes enfants. L'équipe Pixar a cependant pris un énorme risque en faisant un film presque entièrement muet, mais le résultat est en fin de compte une très bonne chose puisqu’ils ont remplacé, par quelques cris robotiques amusants, l’insupportable voix de bien des personnages de films pour enfants.

Les studios Pixar atteignent donc un nouveau sommet avec ce film magnifique. WALL-E sera probablement l'un des plus gros succès de l’été et détrônera bien des blockbusters de piètre qualité. Son public-cible étant très vaste (tout le monde, à l'exception peut-être de quelques vieux grincheux), le discours du long-métrage le plus abouti de Pixar rejoindra une grande quantité de gens qui seront sensibles à ce message d’espoir. Un avenir plein de récompenses est prévisible pour WALL-E, qui se retrouvera aussi dans tous les palmarès des meilleurs films de l’année. Le superbe scénario relève de l’esprit de grands artistes qui, espérons-le, frapperont aussi fort pour leur prochain projet.




Version française : Wall-E
Scénario : Andrew Stanton, Pete Docter
Distribution : Ben Burtt, Elissa Knight, Jeff Garlin, Fred Willard
Durée : 98 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 18 Juillet 2008