WALL-E (2008)
Andrew Stanton
Par Nicolas Krief
Depuis Toy Story en 1995, Pixar, la compagnie de production
affiliée à Disney, ne cesse d’innover. Ses artisans
propulsent, à chaque nouveau film, le cinéma d’animation
familial à un niveau supérieur. L’an dernier, c’est
le charmant Ratatouille qui a séduit les foules et remporté
l’Oscar du meilleur film d’animation. Pour l’été
2008, le prolifique studio nous a réservé la crème
de son cinéma, son apogée ; bref, un très bon film.
WALL-E est un petit robot de nettoyage qui a été oublié
par les humains il y a plus de 700 ans alors qu’ils quittaient
la Terre (qui était devenue trop polluée) à bord
d'un gigantesque vaisseau sponsorisé par une sorte de Wal-Mart
à domination mondiale. WALL-E, qui a pour seule amie une petite
coquerelle, ramasse les déchets et les empile pour en faire des
immeubles (le film commence d’ailleurs sur les magnifiques images
de gratte-ciels faits de rebuts). Dans sa petite maison, qu’il
utilise aussi comme entrepôt pour objets rares (soutiens-gorge,
ampoules, télévisions, etc.), il visionne des enregistrements
de comédies musicales. Le sympathique petit robot découvrira
l’amour lorsqu’une sonde envoyée par les humains,
EVE, arrivera sur Terre en quête d’une forme de vie qui
permettrait aux humains de revenir chez eux. Quand elle devra repartir
à bord du vaisseau, nommé l’Axiom, WALL-E, aveuglé
par l’amour, la suivra jusqu’à celui-ci. Il tentera
ensuite de la retrouver et, en parallèle, des robots rebelles
tenteront de convaincre les humains, trop bien installés dans
leurs chaises volantes, que regagner la Terre et la reconstruire est
possible.
WALL-E est une grande réussite: l’animation est
d’une beauté à couper le souffle, la mise en scène
est superbe et le scénario est impeccable. Impeccable et original,
puisqu’à l’inverse du cinéma familial traditionnel,
il évite toute morale grossière et élabore avec
finesse un récit hautement efficace et engagé. Engagé
envers l’environnement, mais aussi envers toute l’humanité,
qu’il dépeint avec beaucoup d’espoir. 700 ans ont
passé et les humains sont devenus un peu trop douillets ; grâce
à une invention d’abord destinée aux personnes âgées
(une chaise flottante, à laquelle on a incorporé un ordinateur
se trouvant à cinq centimètres du visage de l’utilisateur),
ils ont cessé toute forme d’activité physique, et
sont donc devenus énormes. Ils ont aussi cessé toute communication
directe (physique et vocale) les uns avec les autres, ne se parlant
plus que par l’informatique. Par une série d'événements
cocasses, WALL-E fera sortir les hommes du simulacre dans lequel ils
vivent pour leur faire redécouvrir les joies des contacts humains.
C’est un peu gros comme message, mais le gag passe si bien et
les intentions semblent si sincères qu'on ne ressent aucunement
l’impression de se faire sermonner. C’est d’ailleurs
l'une des grandes réussites du film: livrer un discours écologique
et humaniste sur la surconsommation et l’individualisme tout en
douceur, sans être agressant ni moralisateur.
Le scénario de WALL-E va donc beaucoup plus loin que
la simple histoire d’amour entre deux robots. Andrew Stanton a
compilé certaines des plus grandes œuvres de science-fiction
du cinéma et de la littérature pour créer un nouveau
film-phare de ce genre qui tend à s’essouffler depuis quelques
années. D’abord, la solitude de WALL-E nous réfère
directement aux films tirés de la nouvelle « I Am Legend
», de Richard Matheson, dans laquelle un homme se retrouve seul
sur Terre. Puis sa grande curiosité, son petit côté
maladroit et son regard innocent rappellent l’extraterrestre de
Steven Spielberg, E.T. Il y a aussi dans WALL-E plusieurs clins
d’œil à l'un des plus grands films de science-fiction
de tous les temps: 2001 : A Space Odyssey. Mais alors que Stanley
Kubrick soutenait une vision bien noire de l'avenir, WALL-E
reste optimiste face à la relation des hommes avec la technologie.
Alors que la machine kubrickienne malfaisante se devait d’être
détruite, celle de Stanton ne doit qu’être réglée
sur le mode manuel ; ce sera le cas du vilain robot « gouvernant
» l'Axiom, encourageant les humains à consommer et leur
dissimulant des informations cruciales (concept évoquant le «
Big Brother » de 1984 ou le Ministère de l'Information
de Brazil), en plus de constituer une citation visuelle directe
du HAL de 2001. Cela en dit long sur la relation d’harmonie entre
l’homme et la machine que prône le film, et le générique
de fin est plus qu’explicite sur le sujet.
Mais loin de faire une simple apologie de la robotique, WALL-E
dresse plutôt un portrait fantaisiste d’un robot émotionnel.
Contrairement aux machines d’Isaac Asimov, la personnalité
des robots n'est pas due à des erreurs de fabrication ; elle
ne fait qu'être là, tout simplement. Et c’est là
toute la beauté de la chose: ces sentiments synthétiques
montrent que l’équipe Pixar continue, malgré ses
préoccupations artistiques, à faire du cinéma pour
toute la famille. Bien que le scénario soit bourré de
références et doté d’un discours majeur,
il est simple et adapté à tous les publics. Les moins
jeunes seront aussi fascinés par la profondeur du récit
que par les séquences de poésie visuelle comme le ballet
d’EVE et WALL-E dans l’espace, qui émerveilleront
bien évidemment les plus jeunes enfants. L'équipe Pixar
a cependant pris un énorme risque en faisant un film presque
entièrement muet, mais le résultat est en fin de compte
une très bonne chose puisqu’ils ont remplacé, par
quelques cris robotiques amusants, l’insupportable voix de bien
des personnages de films pour enfants.
Les studios Pixar atteignent donc un nouveau sommet avec ce film magnifique.
WALL-E sera probablement l'un des plus gros succès de
l’été et détrônera bien des blockbusters
de piètre qualité. Son public-cible étant très
vaste (tout le monde, à l'exception peut-être de quelques
vieux grincheux), le discours du long-métrage le plus abouti
de Pixar rejoindra une grande quantité de gens qui seront sensibles
à ce message d’espoir. Un avenir plein de récompenses
est prévisible pour WALL-E, qui se retrouvera aussi
dans tous les palmarès des meilleurs films de l’année.
Le superbe scénario relève de l’esprit de grands
artistes qui, espérons-le, frapperont aussi fort pour leur prochain
projet.
Version française :
Wall-E
Scénario :
Andrew Stanton, Pete Docter
Distribution :
Ben Burtt, Elissa Knight, Jeff Garlin, Fred Willard
Durée :
98 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
18 Juillet 2008