WALLACE & GROMIT : THE CURSE OF THE WERE-RABBIT
(2005)
Steve Box
Nick Park
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Qu'est-ce qu'ont bien pu faire les amateurs d'animation traditionnelle
pour se mériter les bonnes grâces des dieux hollywoodiens
en cette saison automnale 2005? Deux semaines à peine après
la livraison à grande échelle du superbe Corpse Bride
de Tim Burton se pointe sur les écrans des multiplex ce Curse
of the Were-Rabbit, premier long-métrage de la géniale
série Wallace & Gromit de Nick Park. Les trois opus précédents
de cette petite saga foncièrement british, A Grand
Day Out ainsi que les justement oscarisés The Wrong
Trousers et A Close Shave, demeurent de petits classiques
de l'animation image-par-image. Il découle bien entendu de cette
réputation fort enviable de sérieuses attentes quant à
la qualité de ce nouveau produit des studios Aardman, d'autant
plus que le premier long-métrage de Park Chicken Run,
sans être médiocre, n'avait pas pleinement comblé
l'appétit général pour un beau gros morceau de
"claymation" bien roulé.
Fanatiques de Wallace l'inventeur fromageophile et de Gromit le chien
civilisé, rassurez-vous! The Curse of the Were-Rabbit
est le long-métrage que tous espéraient: une création
chaleureuse et imaginative qui dépasse l'excellent The Wrong
Trousers en inventivité et A Close Shave au niveau
purement technique. L'impression générale, cependant,
demeure la même. L'univers minutieusement monté de Park
a quelque chose de foncièrement rassurant. On se surprend en
écoutant ce nouveau Wallace & Gromit dans l'environnement
froid et désincarné d'une grosse salle de cinéma
sentant le beurre de pop-corn à plein nez à être
nostalgique de notre bonne vieille télévision grincheuse,
à chercher dans l'air l'odeur d'un souper de réveillon.
The Curse of the Were-Rabbit n'est pas un film auquel l'air
climatisé sied bien. C'est un film à écouter dans
la chaleur de sa chaumière.
Ce que fait par contre ressortir à merveille cette projection
sur écran géant, c'est cette texture imparfaite et artisanale
foncièrement humaine qui distingue cette forme d'animation vétuste,
mais ô combien plaisante, des spectacles numériques impersonnels
qui sont devenus la norme en animation commerciale. Ne serait-ce que
par cette touche légèrement anachronique, le film du duo
Box/Park est animé par une étincelle de vie qui manque
cruellement à une nouvelle génération de divertissement
familial. C'est une façon métaphysique et peu objective
de juger le cinéma, direz-vous. Essayons autrement.
Wallace et son fidèle compagnon Gromit opèrent une entreprise
de contrôle de la vermine se distinguant de la compétition
par sa philosophie et ses méthodes humanistes. Leur village est
envahi par de voraces lapins qui s'en prennent aux légumes des
sympathiques habitants de la campagne britannique. Plutôt que
d'exterminer ces féroces végétariens, notre dynamique
duo capture les bestioles pour les mettre hors d'état de nuire.
Mais si l'efficacité de leurs méthodes de chasse n'est
pas à remettre en question, le volet entreposage laisse pour
sa part à désirer. Sa maison envahie par des rongeurs
encombrants malgré leur bouille sympathique, Wallace n'a d'autre
choix que de tenter de les débarrasser de leurs instincts d'insatiables
consommateurs de carottes. Au contraire, l'inventeur libérera
les terrifiants pouvoirs du légendaire lapin-garou.
En foncière opposition à l'humour caractéristique
des films de la série Shrek qui accumulent les références
cinématographiques éclair sans réelle cohérence,
The Curse of the Were-Rabbit s'affaire à imiter jusqu'au
plus menu détail les conventions d'un genre précis; ici,
c'est le film d'horreur qui est à l'honneur. C'est avec un plaisir
sans cesse renouvelé que l'on admire la façon dont le
film de Nick Park épouse élégamment et surtout
avec beaucoup d'humour l'univers extrêmement codifié du
cinéma d'horreur. Ce classicisme permet au film d'établir
une narration plus fonctionnelle de par sa forme traditionnelle. Alors
qu'un film tel que Shrek 2 demeure l'esclave de la pertinence
somme toute très passagère de ses divers clins d'oeil,
ce Wallace & Gromit est une oeuvre plus intemporelle.
Ainsi, la franche réussite visuelle est heureusement appuyée
par une histoire digne de ce nom. Les moments de bravoure cinématographique
qui viennent toujours conclure un épisode de Wallace &
Gromit sont bien sûr au rendez-vous. La poursuite rocambolesque
citant King Kong qui vient clore ce Curse of the Were-Rabbit
est encore plus divertissante et ingénieuse que la célèbre
scène du train de The Wrong Trousers. En tout et pour
tout, ce long-métrage vient confirmer ce que les trois films
précédents de la série avaient fièrement
affirmé: un goût pour un cinéma familial à
l'ancienne, intelligent et beau, capable de plaire aux petits comme
aux grands. Certains diront qu'on arrête pas le progrès.
The Curse of the Were-Rabbit soutient qu'il reste un peu de
bon dans les vénérables voûtes du passé.
Version française : Wallace & Gromit : Le mystère
du lapin-garou
Scénario : Bob Baker, Nick Park, Steve Box, Mark Burton
Distribution : Peter Sallis, Ralph Fiennes, Helena Bonham Carter,
Peter Kay
Durée : 85 minutes
Origine : Royaume-Uni
Publiée le : 15 Octobre 2005
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