WAG THE DOG (1997)
Barry Levinson
Par Frédéric Rochefort-Allie
Pourquoi le chien remue-t-il sa queue?
Parce que le chien est plus intelligent que sa queue.
Si c'était l'inverse, la queue remuerait le chien.
Wag the Dog, d'où le titre. Le chien c'est nous. La
queue c'est eux, les médias. L'équation est simple, nous
sommes manipulés par les médias. Dans ce monde où
CNN devient une bible de l'information, où les journaux préfèrent
prendre leurs articles dans des association de presse et où en
temps de guerre le journaliste se voit forcé de suivre un itinéraire
tracé par l'armée, qu'est-ce qui nous reste qui n'échappe
pas à leur contrôle? Soyons optimistes, presque rien.
Suite à un scandale sexuel impliquant le président des
États-Unis, un homme de confiance de ce dernier (Robert De Niro)
doit tenter de distraire les médias en leur proposant une guerre.
Pour ce faire, il fera appel à un producteur d'Hollywood (Dustin
Hoffman), habitué à la production des Oscars, pour maintenir
une illusion et gagner les élections.
Wag the Dog est la rencontre entre deux monuments d'une génération,
deux acteurs de résonance égale, Robert De Niro et Dustin
Hoffman. Sans être aussi mythique que la rencontre de Pacino et
De Niro dans Heat, les deux acteurs font immédiatement
oublier leur incident de parcours commun nommé Meet the Fuckers.
Hoffman incarne un homme un peu prétentieux, hors d'atteinte
mais toujours nerveux alors que De Niro est l'incarnation même
de l'assurance. Ce drôle de duo ne passera peut-être pas
à l'histoire, mais l'énergie qui se manifeste chez les
personnages est un des éléments clefs réussissant
à retenir l'attention du spectateur.
Car sous ses airs de comédie, Wag the Dog masque à
peine son but principal, étant celui de critiquer les médias.
Fiction ou réalité? Le film de Barry Levinson vogue constamment
entre les deux univers, tout en prédisant à l'avance (à
l'époque de la sortie du film) le scandale Monica Lewinski et
ses répercutions médiatiques et politiques. Wag the
Dog n'est pas drôle, il est inquiétant. Le film en
tant que comédie échoue en quelque sorte sur ce point
car tout ce qui paraissait amusant est maintenant possible. Plus le
temps passe, plus l'oeuvre gagne en réalisme. Même les
gags les plus absurdes, comme un prisonnier qu'on arrive à transformer
en héros national, trouvent leur semblable dans la réalité
avec entre autres la toute récente Jessica Lynch. Sans être
ennuyeux, le récit de Wag the Dog se voit voué
à décevoir. À force de se faire entrainer dans
des coups fumant, le spectateur se juge en droit de s'attendre à
une finale à couper le souffle, mais le film n'a aucun climax.
Le réalisateur manque aussi de style et de présence. Barry
Levinson n'est pas né de la dernière pluie et aurait pu
opter pour un style quasi-documentaire pour mieux faire passer les révélations
que nous font ses protagonistes à l'égard des médias.
Mais le cinéaste fait ici dans la paresse et se contente de 3-4
contre-jours agréables et de quelques zooms nerveux sur le visage
des acteurs. Ne cherchons donc pas à comprendre pourquoi le film
ne fonctionne pas autant qu'il le souhaite, Levinson ne s'y implique
pas assez.
Somme toute, Wag the Dog est un film fantastique mal exécuté.
Livrant des idées incroyables, le film se termine sur une note
plutôt décevante et c'est ce qui l'empêche d'atteindre
son plein potentiel et l'impact qu'il désire. On s'en souviendra
comme le film qui avait prédit Monica Lewinski, mais Wag
the Dog apporte beaucoup plus que cela et propose de grandes réflexions
sur la légitimité des journalistes et l'authenticité
de ce qu'on nous offre comme information. Somme-nous la queue ou le
chien?
Version française : Des Hommes d'influence
Scénario : Hilary Henkin, David Mamet, Larry Beinhart (livre)
Distribution : Dustin Hoffman, Robert De Niro, Anne Heche, Denis
Leary
Durée : 97 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 30 Avril 2005
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