VERSUS (2000)
Ryuhei Kitamura
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Peu importe ce que l'on pense des films de John Woo, transfuge en sol
américain, il faut admettre que ses premiers polars produits
à Hong-Kong ont révolutionné la façon dont
la violence est filmée. Ses ballets de balles saisient en extrêmes
contre-plongées par des caméras perpétuellement
en mouvement ont poussé une génération de jeunes
réalisateurs à river leurs caméras sur des hommes
en habits maniant leurs fusils de toutes les manières possibles.
Ce cinéma d'un vide abyssal demeure, pris au premier degré
du moins, une forme d'esthétique dynamique ayant su revitaliser
le film d'action au cours des deux dernières décennies.
Pour sa part, le cinéma gore a pris son envol dans les années
80 par l'entremise du monde de l'horreur. D'abord réservé
à la marge, il a pris au cours des dernières années
l'ampleur d'un véritable phénomène populaire :
même les studios hollywoodiens tentent aujourd'hui de tirer profit
de l'image dérangée de ce festival de viscères
fumants. Versus, sorte d'hybride dégénéré
entre ces deux mouvements, est un croisement débile entre le
film de samurai, de yakuza et de zombies. S'agit-il de la recette idéale
pour concocter le film culte ultime?
Pas si sûr. Depuis maintenant plusieurs années, l'Asie,
et en particulier le Japon, s'est positionnée sur l'échiquier
mondial comme principal exportateur de ce genre de produits bizarroïdes
pour cinéphiles en manque de sensations fortes. Au sein de cette
véritable avalanche de films sanglants, étranges ou tout
simplement mauvais, il est bien dur pour un seul projet distinct de
se hisser au rang d'objet de culte. La vague a pris le dessus sur le
film à l'unité. Au sein de ce raz-de-marée, Versus
de Ryuhei Kitamura fait tout de même bonne figure : son approche
purement hédoniste au film de genre en fait une oeuvre incroyablement
superficielle, mais totalement divertissante. Les combats s'enchaînent
donc à un rythme effréné tandis que la caméra
de Kitamura tente de se faufiler de toutes les manières possibles
entre les adversaires. On dirait qu'il a rassemblé dans une petite
forêt perdue une bande d'amis pour réaliser un épisode
en direct de Dragon Ball Z particulièrement sanglant.
Le scénario n'est ainsi qu'un prétexte à fusionner
tous les genres possibles dans le même melting-pot surchargé.
Une bande de criminels japonais sera donc mêlée à
un duel millénaire entre samurais réincarnés dont
l'enjeu est l'ouverture d'un passage vers le monde des ténèbres.
Ce portail est protégé par la puissance qu'a la forêt
l'abritant de faire revenir à la vie tous ceux qui y meurent.
Les yakuzas malveillants devront donc affronter une horde de zombies
tandis que le sort du monde est entre les mains d'un homme qu'ils étaient
censés capturer. Heureusement, tout ceci est plus simple à
comprendre qu'à résumer.
Si une photographie assez approximative limite d'emblée les aspirations
esthétiques de Versus, la réalisation vivante
et exagérée de Ryuhei Kitamura lui confère néanmoins
un certain panache visuel. Nous avons de toute évidence affaire
à un film trash qui ne se prend aucunement au sérieux,
mais la folie de l'ensemble demeure assez contagieuse pour que nous
nous amusions avec le film plutôt que de rire à ses dépens.
Malheureusement, une trame sonore misant à outrance sur le techno
bon marché finit par irriter.
En gros, la formule 3-dans-1 que propose Versus est assez gagnante
pour que les amateurs du genre y consacrent deux heures de leur vie.
Toutefois, l'intrigue déficiente que signe Ryuhei Kitamura empêchera
sans doute au film de se graver à même la mémoire
du public. Perdu dans une abondance de produits du même genre,
Versus est condamné à passer un peu inaperçu.
Au fond, j'aurais préféré revoir Wild Zero
plutôt que de me farcir cet anonyme exposé technique :
au moins, le film de Tetsuro Takeuchi permet au rockeur Guitar Wolf
d'abattre une horde de zombies à l'aide de pics de guitares laser
dans une atmosphère de débauche rockabilly intergalactique.
Rock N' Roll!
Version française :
Versus
Scénario :
Ryuhei Kitamura, Yudai Yamaguchi
Distribution :
Tak Sakaguchi, Hideo Sakaki, Chieko Misaka, Kenji
Matsuda
Durée :
119 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
17 Septembre 2006