VA, VIS ET DEVIENS (2005)
Radu Mihaileanu
Par Frédéric Rochefort-Allie
Durant les années 80, une grande quantité d’éthiopiens
juifs furent rapatriés dans la terre sacro-sainte d’Israël.
Si l’évènement semble anodin, il causa énormément
de débats en Israël, à savoir si ces derniers partageaient
la même origine malgré leurs différences de couleurs.
C’est donc en Éthiopie où débute ce film,
alors qu’une mère perd son jeune enfant, Schlomo. Une autre
mère, désirant que son fils puisse s’épanouir,
ordonnera a celui-ci de prendre la place du récent défunt.
Suite à quoi, il aboutira dans une petite famille française
et devra porter le lourd secret de son imposture.
Cette histoire de conflit d'identité qu’on relie ici à
un jeune éthiopien pourrait bien être l’histoire
de n’importe quel immigrant. Non pas que ce soit l'imposture qui
soit universelle, mais bien plutôt l’attachement à
la terre d’origine, les difficultés d’adaptation
sociale et le racisme. Ce sont là des réalités
des plus courantes pour ces derniers. Tout ces sujets sont traités
avec une finesse et une intelligence qui surpasse bien des films produits
depuis l'an 2000. « Je ne suis pas juif, mais je me sens juif
», dit Schlomo. Cette affirmation soulève des questions
sur l’identité culturelle, à savoir pourquoi ne
peut-on pas être juif de choix plutôt que de devoir obligatoirement
l’être de descendance?
Pour porter le film sur ses épaules, le réalisateur fait
appel au talent de 3 acteurs, chacun interprétant une période
clef de la vie de Schlomo. La transition se remarque à peine,
car chaque comédien incarne son personnage avec la même
énergie que son précédant, créant donc une
évolution logique dans le développement du personnage.
Il est rare qu'un enfant puisse faire preuve d'autant de talent que
le jeune Moshe Agazai, et c'est tout à son honneur. Le jeune
garçon demeure tout de même la tête d'affiche pendant
certaines des scènes clefs, ce qui n'est pas tâche facile
pour un jeune comédien avec si peu d'expérience. Son jeu
reste toujours crédible et soigné, sans jamais tomber
dans l'exagération, ce qui est d'autant plus rare. Les deux autres
acteurs sont tout aussi admirables et constants dans leur interaction
avec le jeune acteur. un seul changement dérange l'écoute
et c'est l'évolution à peine logique de la famille adoptive
en question. Le frère et la soeur de Schlomo changent si souvent
d'apparence et de caractère qu'ils deviennent superflus à
toute cette histoire voire même nuisibles. Leur présence
n'apporte rien, sauf dans l'illustration d'un nouveau mode de vie chez
Schlomo quand celui-ci passe ses premiers jours avec sa nouvelle famille.
Malheureusement, tout se gâche dans les dernières minutes,
où le développement du film prend un chemin fortement
cliché et prévisible : un retour aux terres natales en
Éthiopie, dans un but un peu trop évident de retrouvailles
avec la véritable mère. Ce climax, bien que touchant,
ne fait que terminer le film sur une note plus sentimentale plutôt
que de laisser le spectateur sur certaines interrogations nécessaires
à propos de la crise d'identité de Schlomo. Malgré
cela, Va, vis et deviens est une oeuvre qui mérite tout
l'honneur et les acclamations qu'il a reçu lors du Festival du
film de l'Outaouais et surtout aux Césars. Il s'agit d'un film
merveilleux qui en surpasse bon nombre produits depuis les dernières
années. Il fait preuve d'une grande intelligence!
Version française : -
Scénario : Alain-Michel Blanc, Radu Mihaileanu
Distribution : Yaël Abecassis, Roschdy Zem, Moshe Agazai,
Moshe Abebe
Durée : 140 minutes
Origine : France, Belgique, Israël, Italie
Publiée le : 1er Avril 2006
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