VANILLA SKY (2001)
Cameron Crowe
Par Frédéric Rochefort-Allie
En 2001, un jeune réalisateur espagnol du nom de Alejandro Amenábar
se fit voler. En effet, pas moins de quatre ans plus tôt, il sorti
un film acclamé par les critiques et qui remporta bon nombre
de prix. Les américains, toujours à la recherche d'idées
«originales» l'écrasèrent, l'expulsant de
sa propre oeuvre . Ainsi, Abre Los Ojos, petit film espagnol
intello, devint en quelques changements Vanilla Sky, gros canon
du divertissement d'un hiver chez Paramount. Chez la version 1.2 de
Cameron Crowe, le film nous présente l'importance du neuf, sous
toutes ses formes.
David Ames (Tom Cruise), un jeune riche arrogant, se retrouve impliqué
dans un «accident» avec une amie (Cameron Diaz), jalouse
de la toute récente relation amoureuse de son copain avec la
jolie Sofia (Peneloppe Cruz). David devra donc tenter de retrouver le
fil des événements, car on l'accuse de meurtre.
Dur dur d'être réalisateur! Cameron Crowe s'est certainement
arraché les cheveux pendant des nuits lors de la conception de
ses storyboards. Sa réalisation est si «recherchée»
que pratiquement chaque plan est calqué au moindre détail.
Parfois c'est aussi des références plutôt évidentes
au film Jules et Jim. En effet, peu de différences entre
regarder Abre Los Ojos et Vanilla Sky. Bien sûr,
qui dit Hollywood implique nécessairement une équipe disposant
d'un peu plus d'argent. Il est donc d'une évidence même
que le point de vue esthétique y est plus poussé. Décors
plus flamboyants, direction photo soignée et costumes plus in,
l'univers visuel y est nettement plus captivant, ceci reste un fait.
Ce qui est plutôt intéressant de Cameron Crowe le réalisateur,
c'est son ajout de détails qui vont ajouter de la profondeur
au scénario. En effet, Amenábar s'était plus tôt
concentré sur la solidité de son intrigue plutôt
que justement tout ce qui est externe au récit. Comme pour justifier
sa présence, Cameron Crowe insert diverses phrases cachées
pour que même le plus avide spectateur puisse lui justifier que
oui, c'était bien l'homme de la situation car il est capable
d'insérer des phrases cachées sans qu'on le remarque.
Bien que cet habile exercice soit en effet plutôt amusant en analyse,
il ne s'arrête pas là. Les spectateurs attentifs aux moindres
détails remarqueront que la structure du film n'est pas exactement
comme le suggère le réalisateur à son premier degré.
Les indices, les références cachées sur des radiographies
et dans le symbolisme vont apporter à Vanilla Sky une
brise de fraicheur, mais pas assez pour qu'on acclame le réalisateur
comme étant quelqu'un de pleinement original.
Cameron Crowe n'étant pas qu'expert au calque stylisé,
fut aussi journaliste chez le magasine Rolling Stone. Ceci a des répercutions
directes sur son choix musical au niveau de la bande sonore. À
l'exception d'environ deux titres, la majorité des chansons sont
agréables au niveau de l'écoute. De belles apparitions
de Paul McCartney, de Radiohead et même un caméo musical
de Cameron Diaz elle-même viennent se greffer aux images léchées.
Le problème est que peut-être Crowe accorde-t-il un peu
trop d'importance à la musique, omniprésente dans chaque
scène. Dans Almost Famous, ça lui donnait un
charme, cette fois c'est un poids de plus. Néanmoins, l'ambiance
créée par l'univers sonore est fascinante. La pièce
Elevator Beat de son épouse Nancy Wilson agit ici comme
une sorte de thème exprimant toute la tristesse et l'état
d'esprit du personnage, bref on souhaiterait que Crowe ait porté
autant d'attention au son qu'à l'image.
Pour ce qui est de Tom Cruise et compagnie, le terme décevant
colle parfaitement à la situation. Ce cher Tom, ayant moindrement
évolué suite au tournage d'Eyes Wide Shut et
appris de ses erreurs de M:I 2, ne s'investit pas entièrement
dans son personnage. Une couche de l'acteur demeure identique. D'un
coté son interprétation est justifiée par l'histoire
et les nombreuses référence de la culture pop, Cruise
en étant une lui-même. Mais le comparant à Eduardo
Noriega, Cruise ne fait que bien pâle figure. Fele Martinez, dans
le rôle de l'Ami est lui aussi nettement plus attachant et réaliste
que l'interprétation de Jason Lee. Mais Lee, n'étant pas
mauvais, joue avec la carte du charisme et de l'humour pour que son
personnage ait un peu plus de chair. La plus vide d'entre tous est malheureusement
l'une des plus intéressantes de la version originale, Penelope
Cruz. Peut-être est-ce le changement de millieu ou tout simplement
un désinteressement par rapport au scénario. Il n'en reste
pas moins que ce changement est choquant et profondément décevant.
Pourquoi l'avoir conservée alors? Pour avoir un point de repère
avec le film espagnol? Heureusement, la présence de Cameron Diaz
est un peu plus agréable. L'actrice y joue avec plus de franchise
que la froide Najwa Nimri de l'original. Donc, l'original l'emporte
une fois de plus même si ce ne sont pas de véritables mauvais
acteurs pour autant.
Bref, la leçon est qu'on ne s'attaque pas à un remake
à moins d'innover, ce que Crowe fait faiblement. Bien sur, le
film est plus beau, possède une trame sonore agréable
et fait réfléchir, mais malheureusement, face au charme
de l'original, Vanilla Sky a peine à se trouver sa propre
identité. Portez attention aux petits détails c'est bien,
quoique moins complexe que du David Lynch, mais insuffisant. Un bon
film très intéressant, mais d'une réalisation paresseuse.
Version française :
Un Ciel couleur vanille
Scénario :
Cameron Crowe, Alejandro Amenabar & Mateo
Gil (Abre Los Ojos)
Distribution :
Tom Cruise, Penélope Cruz, Cameron Diaz,
Jason Lee
Durée :
135 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
9 Juin 2004