UP (2009)
Pete Docter
Bob Peterson
Par Mathieu Li-Goyette
Avec la sortie de Wall-E l’an dernier, Pixar reconfirmait
en quelque sorte son hégémonie dans le monde de l’animation
3D. Devant faire face à Dreamworks, quelques projets éparses
de Zemeckis et l’animation étrangère trop peu exportée,
le havre de création conçu par John Lasseter semble aligner
les productions de haut calibre depuis une quinzaine d’années
tout en redorant le blason de Disney par la force des choses (ou du
portefeuille). Une première bande-annonce mystérieuse
lancée avec la sortie de Wall-E, l’histoire d’un
vieil homme et d’une maison volante, l’histoire autour de
Up n’a pour ainsi dire jamais été le fer
de lance de sa campagne publicitaire. Axée sur le Disney 3D et
sur ces ballons multicolores qu’on aurait bien aimé voir
sortir un peu de l’écran, le verdict final rappelle certains
problèmes que mon collègue Louis abordait dans son essai
« Dompter la machine » en abordant le cas de Watchmen
et de la bande-dessinée et rejoint enfin ce que j’écrivais
sur la cinéphilie technocratique dans « Bleu désir
»: le 3D, il va falloir s’y faire qu’on le veuille
ou non.
Car Disney a depuis annoncé que tous ses films seront distribués
en 3D, et car entre autres Lucas travaille en ce moment à remasteriser
encore une fois ses trilogies pour y incorporer de petites lunettes.
Bien que cette technologie soit prometteuse en vertu des films d’animation
et sur l’augmentation d’un certain degré de réalisme
chez un auditoire de bas âge (en ce sens qu’il a le mandat
de rehausser l’intérêt d’un film), l’intérêt
de « vivre » une profondeur de champ apparaît en général
assez peu pertinent en plus d’être une tentative malhonnête
d’atteindre une hybridité entre le cinéma et le
jeu vidéo. Lorsque cette dernière industrie roule au coût
des technologies et des avancées graphiques, le cinéma
devrait en principe se décharger rapidement du gadget à
réalité virtuelle bien qu’encore une fois, c’est
en partie sur ce point que Pixar réussit une fois de plus à
tirer son épingle du jeu (ou du film).
Né de la pellicule dans une salle de cinéma, le jeune
Carl est obsédé par l’impression qu’une voisine
lui fait subir après la découverte de leur intérêt
commun pour l'aviation. Pour avoir partager le rêve d'installer
une maison au haut d'une chute perdue d'Amazonie, Carl subit les foudres
de la vie avec sa parfaite compagne. Heureux jusqu'aux derniers jours
de celle-ci, le Carl qu'on entend finalement parler est misanthrope,
cerné par un chantier de construction détenue par une
vilaine corporation. Sa vie a déjà découlé
devant nos yeux alors que, comme dans Wall-E, la majorité
du premier acte est muet en jouant cette fois-ci la carte du burlesque
et d’effets de montage en surimpressions; d’un endroit à
l’autre Carl est le centre du cadre, il est son drame, son comique,
sa solitude vécue en vignette où l’espace se dissout
pour laisser sa place à un second théâtre d’opérations.
Un jour, il est cependant temps de remplir ses promesses, de quitter
la rengaine et de se remettre à la recherche du bonheur. Le vieil
homme déterre le livre de souvenirs de sa défunte femme
et met le cap sur les terres tropicales à bord de cette maison
volante et le jeune boyscout asiatique qui s'y cachait.
Moins maîtrisé au niveau de la mise en scène que
son prédécesseur visionnaire, Up offre encore
une fois un premier acte renversant dans lequel Carl est la suite logique
du robot vidangeur. Du recyclage de la nostalgie à la fabrication
de celle-ci, Docter, qui signait l'idée originale de Wall-E,
façonne une épopée où les références
à l'univers de Jules Verne et aux grands récits du cinéma
sont à Up ce que le 2001 de Kubrick était
au film précédent. Avions de chasses pilotés par
des chiens dans une bataille aérienne rappelant le temps de quelques
dialogues celle de l'Étoile Noire de Star Wars, introduction
qui rappelle celle de la mort de Charles Foster Kane relatée
par « News on the March » ou encore l'anthropomorphisation
des chiens qui (à un degré certainement plus frappant
que dans Ratatouille ou Cars) repique les personnalités
aux classiques de la compagnie mère Disney, Up extrapole
le goût de Pixar pour le référentiel. Grand amalgame
de gags à première vue, la somme de cet humour à
deuxième degré n'est cependant jamais suffisante pour
faire décoller le récit vers les cieux dont Carl rêve
pour nous faire oublier la morale Disney trop mal ciblée: il
n'est jamais trop tard pour accomplir ses rêves.
Personnage attachant, soit, Carl transpire le vétéran,
l'homme détaché au coeur de pierre pour qui sa femme représentait
la seule faille et attire ainsi peu l'attention du jeune spectateur
que la présentation juvénile du protagoniste, les couleurs
contrastées et les premiers gags ne parviendront probablement
pas à captiver au-delà de la première demi-heure.
Pour ceux qui y survivront (comptons-nous de la partie), le restant
de Up est un délice pour les yeux et pour l'esprit le
moindrement attentif qui y découvrira une certaine fable sur
la vieillesse (évidemment), mais surtout et paradoxalement sur
l'intemporalité de notre coeur d'enfant transfiguré dans
un des plus beaux personnages qu'ait créés Pixar. Jusqu'à
cet ennemi xénophobe, caricature du capitaine Nemo et de son
Nautilus, en passant par l'idée originale du Tour du monde
en 80 jours, le mélange des récits verniens fondateurs
du feuilleton d'aventure fonctionne à merveille avec en fond
le spectre de King Kong et de ces explorateurs longtemps perdus
à la recherche de la huitième merveille du monde. Au risque
d'être un film pour enfants qui relate des préoccupations
adultes, Up a le mérite de justement apposer à
cette vieillesse le discours innocent dont elle a le plus besoin; le
vieux, le jeune, l'oiseau et le chien, aussi bien parler d'une nouvelle
fable de La Fontaine passée dans le malaxeur techno-pop du numérique.
Version française :
Là-haut
Scénario :
Pete Docter, Bob Peterson
Distribution :
Edward Asner, Christopher Plummer, Jordan Nagai,
Bob Peterson
Durée :
96 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
29 Juin 2009