UNLEASHED (2005)
Louis Leterrier
Par Jean-François Vandeuren
Difficile de cerner ce qui s’est subitement passé dans
la tête de Luc Besson. Ayant signé des films aussi prisés
qu’accessibles comme Le Grand Bleu, Léon,
ou The Fifth Element, le cinéaste français s’est
adonné au tournant du siècle à la production et
l’écriture d’une multitude de films d’action
comiques et simplets jouant entre autre sur la vitesse (la série
Taxi) et les arts martiaux (une première collaboration
avec Jet Li qui permit un très moyen Kiss of the Dragon),
cherchant de toute évidence à encourager une facette plus
hollywoodienne du cinéma français. Besson renoue donc
ici avec la vedette asiatique, mais aussi avec un thème qu’il
connait bien et qu’il avait admirablement bien exploité
durant ses jours glorieux, soit l’humanisation d’un tueur
sanguinaire. Dans le présent film, Danny (Li), l’esclave
et chien de garde dressé d’un mafieux assoiffé de
pouvoir se retrouvera, suite à des évènements hasardeux,
sous la tutelle d’un pianiste aveugle et de sa fille qui tenteront
de faire ressortir en lui, grâce à l’amour de la
musique, l’homme derrière la bête.
L’univers de Besson a souvent tendance à ne faire aucun
compromis et Unleashed n’y échappe pas. Comme
dans plusieurs films du genre, il y a d’un côté le
mal et de l’autre, le bien. Le milieu corrompu des gangsters où
la vie aura toujours moins de valeur que l’argent, et la générosité
outrancière de ces gens ordinaires marchant dans le droit chemin.
Et au centre, un personnage principal qui voudrait bien aller vers la
lumière, mais qui ne pourra pas tourner le dos à son passé
du jour au lendemain. Une formule connue qui ne va pas plus loin que
ce qu’on a déjà vu dans le passé, mais étonnamment,
Besson est parvenu à l’écriture de son scénario
à tellement pousser l’écart entre ces deux extrêmes
jusqu’à une caricature de bon gout, que le tout se dévoile
comme un effort très convenable en son genre. Unleashed
se veut évidemment beaucoup plus efficace pour ses scènes
d’action que ses moments à tendance humaniste valsant sur
les limites du cliché, lesquels sont par contre fort bien récupérés
par une trame sonore signée Massive Attack et RZA qui leur apportent
une dimension plus atmosphérique.
De son côté, le réalisateur Louis Leterrier fait
également part d’un talent assez bien exploité d’un
point de vue visuel qui n’est pas sans rappeler à certaines
occasions le Guy Ritchie de la belle époque de Lock, Stock
and Two Smoking Barrels. Le cinéaste français se
révèle pour son premier film particulièrement adroit
et efficace pour la construction de ses scènes de combats, qu’il
réussit à filmer avec énormément de vigueur,
leur conférant ainsi une brutalité qui en devient même
palpable. Les chorégraphies mélangeant arts martiaux traditionnels
à une forme de combat plus instinctive et animale sont d’ailleurs
le fruit de la légende vivante Yuen Woo-Ping qui avait fait part
de son génie dans le passé pour des films comme Kill
Bill, Crouching Tiger, Hidden Dragon et The Matrix.
Mais Leterrier parvient également à se montrer sous un
jour plus maniéré lors des moments plus dramatiques de
son effort, apportant ainsi à des scènes pas forcément
très convaincantes sur papier un développement esthétique
qui en surprendra plus d’un.
Unleashed apparait donc comme un des scénarios les mieux
sentis de Luc Besson depuis fort longtemps. On n’y retrouve peut-être
pas l’authenticité de son incomparable Léon,
mais Besson fait tout de même un usage relevé d’une
formule de plus en plus usée, à laquelle Leterrier réussit
à transmettre une sincérité se dévoilant
par une distribution solide menée par un Bob Hoskins s’amusant
à jouer les gangsters excentriques. Le seul problème relatif
au scénario qui n’aura pu être sauver par des éléments
techniques demeure la composition du personnage interprété
par Jet Li, dont le développement paraitra parfois trop superficiel
ou hasardeux, vu l’image unilatéralement bestiale que le
film de Leterrier nous en fait au départ.
Version française : Enchainé
Scénario : Luc Besson
Distribution : Jet Li, Morgan Freeman, Bob Hoskins, Kerry Condon
Durée : 103 minutes
Origine : France, États-Unis, Angleterre
Publiée le : 23 Mai 2005
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