THE TWILIGHT SAGA: NEW MOON (2009)
Chris Weitz
Par Laurence H. Collin
« You’re my only reason to stay alive… If that’s
what I am. »
Avant même d’aborder la question de la qualité de
ce second volet cinématographique adapté des romans de
l’ultrapopulaire quadrilogie Twilight de Stephenie Meyer,
il serait indispensable d’établir tel fait saillant : votre
impression de la citation ci-haut représentera infailliblement
le rapport que vous entretiendrez avec The Twilight Saga : New Moon.
Si la connaissance de ces faramineuses recettes aux caisses enregistreuses
fait témoigner de la main haute des enthousiastes par rapport
aux blasés en ce qui concerne l’engouement (l’hystérie!)
entourant ladite série, le visionnement de New Moon
propose quant à lui une réflexion sur l’écart
effarant se retrouvant fréquemment entre la notoriété
d’un produit et sa valeur intrinsèque. Trait symptomatique
de notre approche postmoderne face à la culture populaire, cette
tendance à rendre les vertus d’une oeuvre d’art totalement
immatérielles en défendant sa simple condition d’objet
culturel comme gage de « qualité », la série
Twilight sollicite une estime presque obligatoirement subjective,
rendant la dissection de telle concoction assez laborieuse. Il ne m’inspire
absolument aucun mépris pour les fanas subjugués par la
prose juvénile et le romantisme adolescent édulcoré
de Stephenie Meyer (ainsi que sa transposition apparemment très
académique au grand écran); comme on le dit, à
chacun son bonbon. Il est cependant difficile de ne pas exprimer mon
mépris envers cette piètre production en soi, projet bâclé
à peine investi à enjoliver sa propre étroitesse,
et frappant même en-dessous du minimum d’attrait que son
volet précédent parvenait à arborer.
Le titrage de ce deuxième épisode étant à
présent bonifié du préfixe « saga »
a tout pour laisser perplexe : mais où se trouve donc cette urgence,
ce souffle épique motivant quatre longs chapitres dans cette
histoire d’amour unissant une simple mortelle à un vampire?
Si le manque de développements narratifs substantiels s’avérait
recevable dans le cadre de l’introduction à cette intrigue
fantastique, la minceur du scénario et des enjeux émotifs
de sa suite s’étalant sur 130 minutes est tout à
fait déplorable. La dernière fois, donc, que nous avions
vu Bella Swan (Kristen Stewart), celle-ci était prête à
vivre une longue vie heureuse aux côté de son amoureux
vampire, le taciturne, mais fougueux, Edward Cullen (Robert Pattinson).
Mais ah, les choses ne sont pas si simples lorsque l’on fréquente
un buveur d’hémoglobine et que l’on côtoie
sa famille : ce sera lors de son dix-huitième anniversaire, suite
à une petite coupure au doigt, que la soif de sang du clan Cullen
se manifestera (excluant Edward et le chef de file, Carlisle), menant
l’un d’entre eux à bondir vers la pauvre Bella, celle-ci
sauvée de justesse par son bien-aimé. Craignant ainsi
que leur relation ne mette la vie de sa douce en danger, Edward et sa
famille quitteront la ville de Forks, laissant Bella sombrer dans un
affaissement quasi-comateux qui durera plusieurs mois. Le seul être
de son entourage parvenant à la sortir de sa torpeur émotive
sera Jacob Black (Taylor Lautner), ami autochtone d’un an son
cadet lui allouant tout son temps, et toute son affection. Quand Bella
se retrouvera à nouveau la proie de deux vampires malintentionnés,
soit Laurent (Edi Gathegi) et Victoria (la montréalaise Rachelle
Lefevre, pratiquement invisible), Jacob révélera sa véritable
nature, soit celle d’un féroce loup-garou résigné
à sa meute et à leurs règles, afin de la protéger.
Soyons clairs : perçue comme telle, cette trame narrative diablement
vacante n’est pas ce qui rend ce New Moon particulièrement
affligeant de bêtise aux yeux du spectateur n’étant
pas gagné d’emblée. D’un point de vue conceptuel,
il serait même tentant de louanger celui-ci comme l’un de
ces rares blockbusters aux éléments fantastiques
primant les rapports humains sur la surenchère d’effets
spéciaux. Si seulement ces liaisons étaient dépeintes
avec ne serait-ce qu’un tant soit peu de complexité ou
de finesse d’observation… Le scénario de Melissa
Rosenberg ne transcende jamais les schémas dressés par
l’écriture de Meyer, n’insufflant aucune vie intérieure
ni couleur aux principaux joueurs, forçant pratiquement les incrédules
à se demander quel triangle amoureux enflammé pourrait
possiblement naître parmi des figures aussi vides. Point d’accès
cristallin pour un auditoire bien évidemment féminin,
le personnage de Bella se retrouve ici paralysé par son état
léthargique - ce qui semblerait être, certes, l’idéal
pour une histoire explorant le tourment d’une adolescente en peine
d’amour inconsolable, mais qui transige une héroïne
bien tiède finalement.
Quoi qu’il en soit, New Moon n’explore aucun sentiment
humain véritable, ne laisse circuler aucune passion authentique
entre ses engrenages réglés au quart de tour : les séquences
d’action surgissent comme si une minuterie sonnait chaque demi-heure
pour leur venue, déchirant la toile mélodramatique qu’est
l’ensemble pour ultimement se faire engloutir par les dialogues
savonneux par la suite. Le relai de la réalisation passant de
Catherine Hardwicke à Chris Weitz, donc d’une main plus
expérimentale à un vétéran des superproductions
aux compositions anonymes, l’entreprise perd le peu d’empoigne
qu’elle possédait auparavant sur la réalité
adolescente afin de favoriser un chic vernis hollywoodien ne faisant
transparaître aucune personnalité. Déjà sans
grande portée cinématographique, la longue histoire racontée
par Meyer ne se réduit qu’à un enchaînement
de champs-contrechamps rapprochés tout ce qu’il y a de
plus soporifiques aux commandes de son nouveau réalisateur, ces
échanges se retrouvant presque toujours empesés par les
airs très Glassiens d’Alexandre Desplat. Captant la jolie
falaise, la prairie bourgeonnée ou la scène de pluie ici
et là avec une économie d’imagination certaine,
la caméra de Weitz ne menace de prendre vie que lors du dernier
tiers, où une scène de foule haletante en Italie lui donne
matière à instaurer un certain momentum, élan fortuit
ne faisant évidemment pas longue route.
Il est tout aussi désappointant de devoir rapporter que le clou
final est enfoncé par l’interprétation rarement
plus qu’indolente des trois têtes d’affiche, à
qui l’on aurait pourtant pu prédire une croissance engageante
dans ces mêmes rôles vu le travail somme toute recevable
dont ceux-ci s’était acquittés lors du premier tour
de piste. Bien que des performances aussi désoeuvrées
ne soient habituellement pas en mesure d’inciter grande réflexion,
leur langueur étendue au coeur d’un récit qui requiert
au moins de robustes présences pour être tout juste fonctionnel
demande à élaborer sur leurs fautes dommageables. Ayant
déjà prouvé être en mesure d’exercer
une sensibilité vibrante sans amoindrir son charisme avéré
dans d’autres (et, incidemment, plus intéressants) projets,
Kristen Stewart ne bâtit ici rien d’autre sur les fondations
qu’elle a pu ériger dans Twilight, livrant presque
exactement le même numéro de maussade ingénue sans
une fois s’approprier l’écran lorsque son texte inspire
une vraie tête forte. Son invariante fadeur la place pourtant
bien au-devant de ses comparses masculins, tous deux inadéquats
à leur façon, et avec qui elle ne partage pas de chimie
réellement transcendante. Sexualisé comme nul autre jeune
acteur de 17 ans ne devrait l’être, Taylor Lautner offre
un jeu plus éveillé que Robert Pattinson, mais néanmoins
foisonnant de réparties boiteuses, alors que ce dernier, éteint
dès sa première parmi d’abondantes apparitions au
ralenti, hérite des répliques les plus risibles et y succombe
sur-le-champ. Le seul membre de la distribution mordant à belles
dents dans son personnage s'avère Michael Sheen en pompeux chef
du clan des Volturi, s'amusant manifesement beaucoup sur la frontière
arbitrant la théâtralité et la bouffonerie, et du
coup subtilisant chaque précieuse seconde de son temps d'écran.
Il est concevable de s’imaginer l’échappatoire gothico-romantique
riche en calories, mais efficient, que l’entreprise Twilight
aurait possiblement pu représenter sur l’écran d’argent
si les romans de Stephenie Meyer avaient été approchés
par un cinéaste dûment expressif, un scénariste
au sens de l’humour affilé et des comédiens considérablement
plus animés. Ou encore, si le projet avait été
pris en charge par une équipe saisissant bel et bien les versants
allégoriques de la chose vers les anxiétés d’une
adolescente face à la perte de son pucelage - la polémique
positionnant l’oeuvre de Meyer comme texte mormon crypté
étant d’ailleurs renflée par l’affiliation
théologique de celle-ci, et plus active que jamais sur le web
depuis la sortie du film. Mais The Twilight Saga : New Moon
confirme l’assertion de poncif impersonnel vers lequel son prédécesseur
s’inclinait déjà trop, et cet arrière-goût
de boîte de conserve se fait ici ressentir plus que jamais. La
sortie du chapitre suivant (dont le dilemme sentimental constitutif
se fait augurer par la finale simplette) étant déjà
annoncée pour l’été 2010 certifie presque
infailliblement un produit expédié en quatrième
vitesse pour flotter au sommet de la vague publicitaire. Rendu à
ce point, aucun faux pas ne pourrait être en mesure d’arrêter
les rentrées d’argent titanesques de la toute dernière
comète filmique façonnée à partir d’un
oeuvre de fiction fantaisiste fort engouée. On pourrait presque,
à la limite, excuser la paresse sentie des artistes investis
dans l'entreprise - ce doit être singulièrement démoralisant
de travailler sur un projet de la sorte. Il est certainement démoralisant
de contempler les résultats.
Version française :
La Saga Twilight: Tentation
Scénario :
Melissa Rosenberg, Stephanie Meyer (roman)
Distribution :
Kristen Stewart, Taylor Lautner, Robert Pattinson,
Billy Burke
Durée :
130 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
9 Décembre 2009