THE TRUMAN SHOW (1998)
Peter Weir
Par Frédéric Rochefort-Allie
Parfois, la réalité rejoint la fiction. En quelques années
seulement, le regard que l'on pose sur la télévision ce
sera métamorphosé en voyeurisme, pour enfin donner naissance
à ce monstre que l'on nomme télé-réalité
et qui a littéralement transformé l'univers des médias
en général. Bien qu'on doive à Louis 19
le mérite d'avoir été pratiquement le premier film
à véritablement se questionner sur le sujet, Truman
Show prit la même idée et l'amena dans une toute autre
direction.
Alors que Louis 19 se penche sur les effets néfastes
de l'invasion de la vie privée et de la célébrité,
le scénario d'Andrew Niccol (à qui l'on doit Gattaca)
préféra nous décrire un monde entièrement
artificiel où réside une star à son insu de la
télé réalité, le seul qui ne joue pas la
comédie: Truman Burbank. Remarquez ici les références
: True Man et Burbank, la ville où sont situés la plus
part des studios de cinéma. Ce gigantesque studio, où
se déroule une incessante sitcom, deviendra vite suffocant pour
Truman quand celui-ci réalise qu'il habite dans une édition
vieillotte du Life magazine. C'est pourquoi il rêvera de quitter
cette vie aussi monotone que minutieusement calculée pour retrouver
un amour de jeunesse, une figurante qui lui tomba dans l'oeil pour être
bien vite éliminée de la distribution.
L'histoire semble peut-être originale, mais en réalité,
les lauriers reviennent de droit à ce bon vieux Philip K. Dick,
qui songea à une histoire similaire de pure paranoïa. A
la différence qu'à l'extérieur de sa ville parfaite
se cachait une Terre ravagée par une guerre nucléaire
provoquée par la colonisation de la lune... un détail.
Faut-il spécifier que l'auteur était à l'époque
sous l'influence de drogues particulièrement fortes? Il n'en
demeure pas moins que tout le génie de ce concept repose sur
le portrait grinçant que Truman Show trace d'une Amérique
voyeuriste au point de s'approprier injustement la vie d'un individu
et de faire des profits en vendant des produits dérivés
à son effigie. L'humour noir d'Andrew Niccol s'amuse particulièrement
à parodier l'univers télévisuel des années
50 et l'american dream en général, et c'est cette
petite touche critique qui crée tout l'intérêt d'un
tel film.
Autrement, Peter Weir et sa bande tombent bien entendu dans les normes
de tout film Hollywoodien, avec ses moments mélodramatiques et
son histoire d'amour impossible. Cependant, il faut comprendre que tous
ces clichés sont inévitables car ils reflètent
précisément ce que demandent les spectateurs du Truman
Show. Le réalisateur aura tout de même prit une bonne part
de risques avec ce projet; il laisse le rôle principal entre les
mains de celui qui paraissait autrefois n'être qu'un simple bouffon,
Jim Carrey! Le comédien surprend par le sérieux de son
interprétation et le dosage qu'il y apporte. Loin d'Ace Ventura,
il s'impose comme digne descendant des plus grands comiques tels Chaplin.
C'est d'ailleurs suite à son rôle de Truman Burbank qu'il
gagna enfin sa crédibilité en tant qu'acteur, et avec
raison.
The Truman Show trouvera donc sa place dans l'histoire du cinéma
comme étant un film particulièrement pertinent pour représenter
notre époque. Bien qu'il soit un peu trop moulé à
l'Hollywoodienne, le film de Peter Weir s'avère la figure de
proue de sa filmographie et rappelle l'âge d'or capraesque du
bon vieux cinéma, avec autant de coeur mais un esprit cette fois
un peu plus amer.
Version française :
Le Show Truman
Scénario :
Andrew Niccol
Distribution :
Jim Carrey, Laura Linney, Noah Emmerich, Natascha
McElhone
Durée :
103 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
21 Septembre 2006