TRUE CRIME (1999)
Clint Eastwood
Par Alexandre Fontaine Rousseau
La peine capitale demeure une technique punitive fortement contestée
à travers le monde. Chaque année, des centaines d'Américains
sont mis à mort pour les crimes qu'ils ont commis. Il s'agit
pour la plupart de membres des communautés ethniques visibles,
en particulier d'hispanophones et d'afro-américains. Or, il fut
prouvé à plusieurs reprises que des individus condamnés
à être exécutés s'avéraient être
de pauvres innocents injustement accusés d'avoir commis des actes
dont ils n'étaient aucunement responsables suite à une
enquête bâclée. Dans certains cas plus terribles,
des hommes ont même été tués avant que leur
innocence ne soit prouvée.
On a beau l'associer règle générale à des
durs de durs tel que Dirty Harry, Clint Eastwood s'avère en fait
être un végétarien aux méthodes beaucoup
moins expéditives que ce célèbre personnage. En
fait, c'est un grand respect pour la vie humaine qui a poussé
Eastwood à se lancer dans l'aventure de la réalisation.
Écoeuré par l'idée de ne pas avoir le contrôle
des idées dont il devenait le véhicule, l'acteur assumera
très vite dans sa carrière les rôles de producteur
et de réalisateur d'une bonne partie de ses projets afin de ne
plus être le porte-étendard de valeurs de droite auxquelles
il s'opposait à titre personnel. C'est à partir de ce
moment qu'il deviendra l'une des figures les plus respectables du paysage
hollywoodien. Enfin, un artisan de ce milieu mercantile acceptait d'assumer
les responsabilités socio-politiques inhérentes au vedettariat.
À partir de ce moment précis, les choix qu'Eastwood fera
au niveau scénario deviendront représentatifs de positions
sociales et politiques précises. Ainsi, True Crime sera
son manifeste contre la peine de mort servi au grand public américain
sous forme de thriller policier dramatique et tendu. Le cas sur lequel
se penche le scénario de ce vingt-et-unième film d'Eastwood
frôle le franc cliché afin de soulever certaines idées:
un pauvre noir innocent, mal desservi par un système judiciaire
favorisant sans équivoque les mieux nantis, est condamné
à mourir par injection létale dans moins d'un jour. Mais
un journaliste sur le déclin au sixième sens bien aiguisé
demeure convaincu que le jeune père de famille n'a pas commis
le meurtre d'une pauvre caissière enceinte pour lequel on s'apprête
à l'assassiner. S'ensuivra une course serrée contre la
montre pour dénicher une preuve solide de la non-culpabilité
de l'homme en question.
Déjà, les plus sarcastiques d'entre vous auront accusé
Eastwood de sombrer dans le manichéisme de bas-étage avec
ce thriller livré dans les règles de l'art. Ce serait
mal comprendre Clint Eastwood l'idéaliste, incarnant le dernier
représentant vivant d'une certaine conception de la justice et
des valeurs de l'Amérique d'antan. True Crime s'appuie
en ce sens sur notre perception préétablie de son personnage
de l'homme valeureux qui croit encore en l'existence de la vérité
en ce bas-monde, et sur sentiment viscéral qu'il est impossible
de remettre en question ce concept.
En cette ère où le cynisme est roi, un tel héros
à la fibre morale inaltérable devient un sympathique anachronisme.
Heureusement, True Crime n'est pas qu'un ramassis de bonnes
intentions mal foutues livrées sur le mode de la fable morale.
En fait, Eastwood se permet encore une fois de livrer un thriller franchement
sustentant, au rythme assuré, dont les idées sous-jacentes
sont véritablement valables. Qui plus est, le vénérable
acteur trouve en la personne de James Wood un équivalent charismatique
avec lequel il partage plusieurs scènes carrément truculentes.
Bien sûr, le vieux Clint se permet quelques monologues intenses
avec lesquels il confirme hors de tout doute sa foi en la vérité
et la justice. Mais il faut bien admettre qu'il livre ce genre de déclarations
pleines de convictions avec un panache assez inégalable. Avec
ce rôle de journaliste expérimenté mais encore passionné,
Eastwood se positionne encore une fois comme le dernier héros
américain authentique. C'est un rôle qu'il joue à
merveille malgré la déchéance idéologique
de son pays, malgré l'échec populaire de l'idéalisme.
Avec True Crime, cette figure foncièrement américaine
nous livre encore une fois un commentaire senti sur un sujet d'actualité
sensible. On pourrait l'accuser de se répéter. Mais il
serait inacceptable de nier l'intérêt de ce divertissement
populaire bien ficelé qui a le courage d'affirmer ses opinions.
Version française : Jugé coupable
Scénario : Larry Gross, Paul Brickman, Stephen Schiff,
Andrew Klavan (roman)
Distribution : Clint Eastwood, Isaiah Washington, Lisa Gay Hamilton,
James Woods
Durée : 127 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 29 Novembre 2005
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