LES TRIPLETTES DE BELLEVILLE (2003)
Sylvain Chomet
Par Chamsi Dib
D’abord passionné par la bande dessinée, le réalisateur
français Sylvain Chomet, installé à Montréal
depuis peu, est diplômé en art plastique et en BD et nous
offre Les Triplettes de Belleville, son premier long métrage.
Il met en scène, dans un décor inspiré des années
60, un jeune cycliste, sa grand-mère, les triplettes ainsi que
la mafia française. Champion, un enfant isolé, n’a
que pour ami son chien Bruno et sa nouvelle bicyclette. Au fil des ans,
il s’entraine dans les rues de la ville et est motivé par
sa persévérante grand-mère. Champion participe
au Tour de France et se fait enlever par deux hommes en noir. S’en
suit une aventure loufoque où Madame Souza (sa grand-mère)
et Bruno tentent de trouver Champion, sur le nouveau continent, et ils
seront aidés par les fameuses et farfelues triplettes, anciennes
étoiles de la chanson des années 30.
Le peu de dialogues dans ce film d’animation laisse une place
entière au son, décors et surtout aux personnages. Une
sorte d’étude psychologique se transmet dans la forme des
personnages, c’est-à-dire que chaque psychologie des personnages
est représentée par sa physionomie. Le meilleur exemple
est celui des hommes en noirs. Ils sont grands et leurs épaules
sont en forme de carré, cela représente donc leur psychologie,
voire leur caricature. C’est en fait l’esprit général
qui se dégage de ceux-ci. Ils sont exagérés sans
être clichés et caricaturés sans être ridiculisés.
Les personnages sont comme des acteurs, mais des acteurs comiques et
burlesques où leurs jeux physiques prédominent, un peu
comme les mimes. Un jeu rythmé, donc, souvent dicté par
la musique et les sons. Composée par Benoît Charest (on
lui doit aussi celle de Matroni et moi d'Alexis Martin), la
musique s’inspire du jazz et du swing. Un travail énorme
de la conception sonore fut aussi de mise. Le bruitage des scènes
est vraisemblable, drôle et même obsessif. Tous les détails
sonores sont très impressionnants et parfois ils se vautrent
à l’harmonie. À la manière de Tati (Chomet
ne se gêne pas en indiquant son amour pour lui avec des citations
visuelles en employant un extrait de Jour de Fête de
Jacques Tati) les sons donnent souvent des rythmes et pour la plupart.
Ce sont des objets de tous les jours: roue de bicyclette, théière,
cuillère, aspirateur, réfrigérateur, journaux,
etc. qui se qualifie en tant que «jazz domestique», un peu
comme dans le film Delicatessen du réalisateur belge
Jean-Pierre Jeunet.
Les couleurs aussi peuvent ressembler à ce film où les
tons jaunâtres, verdâtres et brunâtres prédominent.
Les Triplettes de Belleville est hyper stylisé. Une
recherche des décors, couleurs, formes et dessins donne à
ce film une ambiance d’une époque révolue, mais
qui s’adapte bien aux temps modernes. Le sens des détails
révèle parfois une certaine critique de la société
de consommation. En fait, Belleville est un mélange des villes
de Montréal, Québec et New York. Les figurants sont obèses,
la ville est cacophonique et chaotique, la statue de la liberté
tient un hambourgeois à la place d’une flamme, etc, etc,
etc.
Madame Souza réussit à trouver son fils grâce à
une astuce des triplettes et s’en suit une poursuite où
la mafia française tentera de rattraper cette bande de petits
futés. Les Triplettes de Belleville est touchant, malgré
son grand humour dérisoire. Champion, sans dire un mot, communique
son isolement et sa nostalgie. Madame Souza, par ses actions, démontre
l’acharnement qui mène à un succès et les
triplettes font rire par leur coquetterie et leur accent québécois.
Un film remarquable et talentueux qui allie très bien l’animation
traditionnelle et 3D où l’humour est au centre de l’intrigue.
À voir une seconde fois!
Version française : -
Scénario :
Sylvain Chomet
Distribution :
Michèle Caucheteux, Jean-Claude Donda, Michel
Robin
Durée :
78 minutes
Origine :
France, Belgique, Québec
Publiée le :
10 Décembre 2003