TRANSFORMERS (2007)
Michael Bay
Par Louis Filiatrault
Transformers est un film idiot, grossier, de franc mauvais
goût. C'est un produit indéfendable sur le plan intellectuel,
interminable, incohérent, et plein d'autres qualificatifs en
« in » (sauf peut-être « invisible »).
C'est aussi un divertissement anormalement sympathique, d'une part par
sa totale puérilité, et de l'autre, bien sûr, par
la technique déchaînée du réalisateur Michael
Bay. Car tenons-nous le pour dit: encore aujourd'hui, peu de gens savent
mieux filmer des soldats en action (et autres trucs mobiles) que le
cinéaste du classique The Rock. Oubliez les robots numériques
géants de cette production de 150 millions de dollars: ce qu'on
retient vraiment de ce Transformers bourré de longueurs
et de scènes inutiles, ce sont ces images d'hommes costauds,
couverts de sueur, s'agitant dans un désert ou parmi les débris
d'une ville en pleine destruction. C'est à leur honneur que s'érige
ce glorieux titan. Et quel hommage...
Pour faire simple, Transformers raconte l'histoire de Dieu
(Optimus Prime et ses Autobots) descendant du ciel pour confirmer la
vertu de l'humanité (l'armée américaine) dans sa
lutte contre le Mal (Megatron et ses Decepticons). Question de nous
intégrer en douceur, il nous sert aussi, en prenant tout son
temps, le parcours du jeune Sam Witwicky, nouveau propriétaire
d'une voiture qui, surprise des surprises, s'avère appartenir
à cette même race de robots intergalactiques! Conquérant
le coeur de la plus belle fille du monde, se retrouvant plongé
au milieu d'événements hors de son contrôle, l'astucieux
garçon aura la chance de prouver sa valeur en récupérant
un cube cosmique dont on n'a rien à cirer, et ainsi d'être
consacré « bon soldat ». Fantaisie de « geek
» par excellence, la trame ridicule de Transformers devient
prétexte à tous les excès, et s'ouvre à
plusieurs moments de franc plaisir, voire d'anthologie.
Qu'est-ce qui, donc, distingue, parbleu, ceci de n'importe quelle autre
ordure institutionnelle? C'est peut-être le personnage attachant
de Sam, interprété par un Shia LaBeouf extrêmement
charismatique ; un rôle qui devrait faire décoller sa carrière.
Alternant candidement entre un spectaculaire débordant et un
ton bon enfant de comédie adolescente, Transformers
respire et prend graduellement de l'ampleur, se dépliant et se
repliant jusqu'à l'inévitable cataclysme final. Dans ce
jeu de contrastes un peu étonnant, Michael Bay et son équipe
trouvent la matière d'une véritable séquence de
virtuose: celle, lyrique et vraiment impressionnante, de l'atterrissage
des gentils robots à travers le pays. Une amusante séquence
de cache-cache autour de la maison familiale du jeune mène à
l'apparition réjouissante de John Turturro, le tout dans un mélange
intrigant des ingrédients graphiques et thématiques de
King Kong, Terminator 2 et... E.T. Mêlant
citations douteuses (pastiche de la musique d'American Beauty,
« emprunt » d'une musique de Kill Bill...) et photographie
affreusement criarde, nous avons affaire à un cocktail résolument
bordélique, mais étrangement divertissant.
Bien sûr, un film de Michael Bay se reconnaît à la
démesure de ses scènes d'action, et en ce sens Transformers
livre la marchandise, franchissant la ligne du ridicule plus souvent
qu'il ne la franchit pas. Le procédé relève évidemment
plus de la pornographie que d'une mise en scène rigoureuse ;
regarder Transformers sur écran géant finit par
engendrer un sentiment de lassitude face à une telle surenchère
(les consommateurs du DVD devraient pouvoir comprendre quand même).
Mais même dans ces moments, le film peut toujours compter sur
les figures de Sam et ses amis militaires pour se resserrer au ras du
sol, inspirant plusieurs images particulièrement spectaculaires,
et force est d'admettre que certains des rares retours à une
image d'ensemble sont spécialement efficaces, rappelant tout
le « génie » du réalisateur. D'une manière
plus générale, c'est le surprenant éclectisme de
Transformers qui prend de court. Ses scènes de comédie
sont un peu maladroites, jamais subtiles, mais dégagent une bonne
humeur qui se relaie dans l'« émerveillement » (ceci
est après tout une production Spielberg) suscité par certains
moments plus tardifs. C'est un déchet très long, trop
long, propice à faire décrocher certains spectateurs,
mais qui demeure mille fois plus satisfaisant qu'une grande part de
ce que les tablettes de vidéoclubs ont offert récemment
en matière de superproductions d'action. Gonflé, taré,
recyclé, il a le seul (et suffisant) mérite de ne pas
laisser indifférent.
Version française : Transformers
Scénario : Roberto Orci, Alex Kurtzman, John Rogers
Distribution : Shia LaBeouf, Megan Fox, Josh Duhamel, Tyrese Gibson
Durée : 144 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 7 Janvier 2008
|