TRAILER PARK OF TERROR (2008)
Steven Goldmann
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Le « film de minuit » est un genre en soi, entraînant
son lot d'attentes spécifiques et ses propres critères
de qualité pour le moins particuliers; son public de jeunes carnivores
espère que le sang giclera généreusement et que
les coups voleront bas. Ici, un scénario trop fignolé
pourrait détourner le film de sa mission première qui
est d'offrir au public un spectacle de mauvais goût, à
la limite dégradant. Entrer dans la salle implique que l'on abandonne,
l'instant d'un film, l'état de créature civilisée
pour redevenir une bête assoiffée d'immoralité.
Certains classiques de l'horreur étonnent parce qu'ils surpassent
ces attentes d'arène romaine - que ce soit par leurs relents
de critique sociale (Dawn of the Dead) ou par leur sous-texte
freudien explicite (Dead Alive); mais ce sont des exceptions
qui confirment la règle. La meute de spectateurs payant pour
voir un film gore bien con espère surtout que ses plus bas instincts
seront comblés. Or, malgré son titre prometteur, Trailer
Park of Terror déçoit l'animal en quête d'un
festin de minuit riche en boyaux tranchés et en blagues politiquement
incorrectes sur l'Amérique profonde. Trop timide pour décoiffer
l'habitué, mais trop mauvais pour être pris au sérieux,
le film de Steven Goldmann occupe l'espace ingrat entre le royaume du
culte et le « bon » cinéma. Plutôt que d'exalter
le plaisir dégénéré, il suscite l'ennui
le plus profond qui soit.
Adaptation d'une bande dessinée publiée par Imperium Comics,
Trailer Park of Terror débute en 1981 dans un trou à
rats que la belle Norma (Nichole Hiltz) s'apprête à quitter
en compagnie de son fiancé. Mais ses exécrables voisins,
en cherchant à l'intimider, tuent accidentellement le nouveau
venu. Dévastée, Norma prend la fuite et croise sur la
route un homme mystérieux, tout de noir vêtu, qui l'incite
à se venger et place entre ses mains un fusil qu'elle s'empresse
d'aller décharger... Une fois le crime accompli, la jeune femme
éplorée met fin à ses jours - ou, du moins, c'est
ce qu'elle croit. Mais les années passent et les disparitions
se multiplient dans les environs. La petite communauté recluse
s'est transformée en colonie de goules n'ayant rien perdus des
mauvaises habitudes qu'ils avaient de leur vivant; et, par chance, un
autobus bondé de chaire fraîche vient d'avoir un accident
aux abords de leur patelin malfamé.
Alors qu'il devrait choquer et insulter, Trailer Park of Terror
déçoit plutôt par le chemin très convenu
- et sécuritaire de surcroît - qu'il choisit en fin de
compte d'emprunter. Le scénario multiplie les promesses que l'exécution,
lâche et ronflante, n'arrive jamais à tenir. On envoie
en pâture à notre bande de zombies rednecks de
jeunes pécheurs rejetés d'un camp de vacance chrétien
et leur bien-pensant moniteur. Mais cette formidable mine d'or de farces
décapantes n'est aucunement exploitée par l'écriture
de Timothy Dolan, qui manque franchement de mordant ; ses personnages
humains sont d'insupportables clichés, fades et mal campés,
tandis que les caricaturaux habitants du fameux « parc à
roulottes de la terreur » sont désagréables et insalubres
à souhait mais dépourvus de cette saveur caractéristique
du Sud qui épiçait par exemple The Devil's Rejects
de Rob Zombie. Goldmann s'aventure en plein coeur d'un paysage culturel
déjà bien prospecté, sans perspicacité particulière.
Ni dérisoire, ni authentique, le ton est confus, jamais assumé,
à la fois bassement condescendant et bêtement glorificateur.
Par conséquent, les personnalités soi-disant charismatiques
de la troupe de mort-vivants, sur lesquelles capitalise essentiellement
le film, tournent à vide: Roach, le rockabilly pourrissant, sent
le succédané cool à plein nez et Stank le boucher
pornographe se contente d'être un énergumène stupide
même lorsqu'il transforme ses victimes en beef jerky.
Cette famille reconstituée de ratés a beau brandir le
drapeau confédéré, rouler en pick-up et s'approprier
l'accent coloré du fond du rang, mais elle dégage l'impression
d'une mauvaise imitation en panne d'inspiration. Ses membres sont des
contrefaçons, à l'instar de cette production qui derrière
ses fières allures de gros film trash et méchant cache
un médiocre petit avorton d'horreur qui ne s'assume jamais vraiment
- et où la caméra se sauve plus souvent qu'autrement lorsque
les choses se gâtent réellement. D'emblée, Trailer
Park of Terror commet l'erreur fatale de s'appuyer sur les conventions
du slasher adolescent générique sans les remettre en question
ou les tourner en dérision ; il les applique scrupuleusement
et sans férocité.
Bref, le même vieux mélange de moralisme conservateur et
d'hormones adolescentes est au rendez-vous derrière un voile
de rébellion tendancieuse mais sans conséquences. Bien
entendu, l'ensemble est vulgaire et violent ; mais il l'est tout en
respectant les normes, d'une manière complaisante donc plus dégoûtante
d'opportunisme qu'enthousiasmante. Trailer Park of Terror,
au-delà du concept, ne livre jamais la marchandise ; il escamote
les moments vraiment horribles, manque de générosité
quand vient le temps de verser du sang et ne pousse jamais ses blagues
assez loin pour être vraiment excessif. Issu du monde du vidéoclip
country, Goldmann signe une réalisation masquant ses failles
derrière un montage tapageur qui devient vite lassant. Lourdaud,
son film s'essouffle - à court de trouvailles et de surprises
- mais s'étire. Ne soyons pas indulgents. Il existe déjà
de bons films dans le créneau du cinéma ordurier, vicieusement
ingénieux et véritablement obscènes ; celui-ci
sent plutôt les égouts. Pourquoi se contenter des restes
alors que la table est pleine?
Version française : -
Scénario :
Timothy Dolan
Distribution :
Nichole Hiltz, Trace Adkins, Priscilla Barnes,
Stefanie Black
Durée :
91 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
22 Juillet 2008