TOKYO ZOMBIE (2005)
Sakichi Satô
Par Jean-François Vandeuren
Après avoir pris d’assaut l’Amérique et le
Royaume-Uni, les zombies débarquent finalement au pays du soleil
levant pour semer la terreur dans les rues de Tokyo. D’où
sortent-ils cette fois-ci? Des ordures, évidemment! Car voyez-vous,
dans l’univers du film de Sakichi Satô, un immense volcan
au repos surplombant la ville de Tokyo sert de dépotoir à
la population nipponne qui peut ainsi disposer de ses déchets,
et même de ses cadavres (un accident est si vite arrivé),
comme bon lui semble. Mais ce qui devait arriver arriva : tous ces défunts
à moitié enterrés finirent par revenir à
la vie… encore. Tokyo Zombie a évidemment beaucoup
plus de points en commun avec le monumental Shaun of the Dead
d’Edgar Wright que les films de George A. Romero, même si
le quatrième épisode de la saga du cinéaste américain
servit visiblement d’inspiration aux artisans du présent
effort. La savoureuse intelligence du film de Wright fut toutefois remplacée
par une bouffonnerie démesurée qui ne tombe fort heureusement
jamais dans l’imbécillité. Nous suivons alors les
péripéties de deux employés d’une fabrique
d’extincteurs dont la principale préoccupation dans la
vie est de perpétuer la grande tradition du Jiu-Jitsu. Les zombies
et les capacités intellectuelles plutôt limitées
des deux principaux personnages seront par contre des obstacles de taille
dans leur quête.
Nos deux héros mettent donc le cap sur la Russie pour y suivre
un entraînement vigoureux. Malheureusement, ces derniers s’égareront
en chemin suite à des difficultés d’ordre géographique.
Tokyo Zombie propose dès lors un récit dont l’absurdité
ne dépaysera pas les fans de Stephen Chow. Sakichi Satô
délaisse par contre la finesse caractérisant l’approche
du réalisateur chinois et base plutôt ses élans
comiques sur la stupidité de ses deux protagonistes, voire de
l’ensemble des personnages de son film, en plus de culminer sur
un humour ne s’élevant rarement plus haut que la ceinture.
Ce point occasionne d’ailleurs quelques faux pas plutôt
gênants, en particulier lorsque cette adaptation du manga de Yûsaku
Hanakuma tente de s’afficher sous un jour naïvement vulgaire
par le biais de certaines scènes de très mauvais goût
où il est question, notamment, d’homosexualité et
de pédophilie. Autrement, l'humour de Tokyo Zombie se
veut majoritairement visuel. Comme c’est souvent le cas pour ce
genre de comédie originaire d’Asie, Sakichi Satô
était visiblement conscient des possibilités plutôt
limitées de son film autant au niveau des effets spéciaux
que de la mise en scène. Le cinéaste derrière les
scénarios de Gozu et Ichi the Killer parvint
fort heureusement à tourner cette contrainte à son avantage,
enchaînant sans retenue les séquences volontairement mal
fichues auxquelles il ajouta un look de bande dessinée digne
des films de Chow pour en arriver à un résultat souvent
délirant.
Mais aussi éclaté puisse-t-il être, Tokyo Zombie
n’échappe jamais complètement à cette étrange
impression de déjà vu. Les influences de Sakichi Satô
sont évidentes au point où ce dernier ne semble avoir
aucune idée nouvelle à partager. Le cinéaste japonais
doit évidemment beaucoup à Shaun of the Dead,
duquel il tente d'extirper l’efficacité remarquable de
son mélange de comédie et d’horreur et le génie
de sa structure dramatique. Le cinéaste japonais recréé
d’ailleurs une évolution similaire, débutant sur
un ton plutôt comique pour aboutir à une seconde moitié
beaucoup plus dramatique, laquelle récupère pour sa part
la prémisse du Land of the Dead de George A. Romero.
Nous sommes du coup enfermés à l’intérieur
d’une cité complètement barricadée pour tenir
les zombies à l’écart et dans laquelle les plus
démunis devinrent les esclaves des plus fortunés. Ce changement
de ton s’effectue par contre d'une façon beaucoup moins
habile que dans le film d’Edgar Wright. Même s’il
garde en réserve quelques élans comiques jusqu’à
la toute fin, Tokyo Zombie effectue soudainement un virage
à 180 degrés plutôt que de suivre une progression
continuelle.
Malgré ses quelques maladresses, Tokyo Zombie forme
un pastiche amusant duquel il ne faut pas espérer retirer plus
que ce qui est mis en évidence à l’écran.
Contrairement aux films auxquels il fait référence, l’effort
de Sakichi Satô ne véhicule aucun véritable propos
et n’a pour but que de divertir son public d’une manière
aussi absurde qu’improbable et réussit généralement
bien dans cette optique. Le film est d'autant plus appuyé par
l’enjouement palpable de sa distribution. Les stars Tadanobu Asano
et Sho Aikawa campent avec un plaisir bon enfant les deux personnages
principaux sans jamais sombrer dans le cabotinage. Tokyo Zombie
profite ainsi du renouveau que connaît le genre en occident depuis
le début des années 2000 pour tirer son épingle
du jeu. On imagine toutefois mal l’existence du film de Sakachi
Satô si ce dernier n’avait jamais eu lieu.
Version française : -
Version originale :
Tôkyô zonbi
Scénario :
Sakichi Satô, Yûsaku Hanakuma (manga)
Distribution :
Sho Aikawa, Tadanobu Asano, Arata Furuta, Satoshi
Hashimoto
Durée :
103 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
19 Juillet 2006