TIGERLAND (2000)
Joel Schumacher
Par Jean-François Vandeuren
Je sais, vous avez surement lu le nom de Joel Schumacher sous le titre
du film et vous pensez que je réserve à Tigerland
le même traitement que je donnerais à un fiasco du genre
Batman & Robin ou Bad Company par exemple. Mais
il ne faut tout de même pas oublier que Schumacher est aussi responsable
d’un certain thriller bien ficelé du nom de Phone Booth.
Je dois dire que j’ai été très agréablement
surpris dans le cas de Tigerland. La réputation du film
était déjà enviable, mais je demeurais sceptique.
Imaginez un film de guerre sans guerre où le personnage mis à
l’avant plan est un soldat qui ne voit pas l’utilité
dans un conflit armé et vous avez Tigerland. Ce film
marquait par la même occasion le lancement d’une des vedettes
les plus talentueuses d’Hollywood en la personne de Colin Farrell.
Proprement dit, il faudrait définir ce long-métrage comme
étant un film de soldats plutôt qu’un film de guerre,
car même si situé durant les dernières années
de la guerre du Viêt-Nam, on n’en voit jamais le territoire.
Le film se concentre plutôt sur l’entrainement d’un
groupe de soldats à quelques semaines près de se retrouver
en pleine jungle et parmi ceux-ci, un trouble-fête (Farrell) qui
s’efforcera de faire réaliser la gravité et le ridicule
de la situation à ses acolytes et même d’en amener
certains à se sortir du piège pour pouvoir retourner à
une vie normale.
C’est donc le propos sur lequel le film gravite entièrement.
On nous fait un portrait de jeunes âmes perdues qui se sont enrôlées
par rapport à une illusion de souci du devoir envers la nation
ou tout simplement par fuite de la réalité. Le personnage
de Farrell entre en action afin de soutenir l’approche réaliste,
bien manipulée d’ailleurs, par rapport à cette problématique.
Il servira de point de repère et fera réaliser à
ces jeunes hommes et peut-être même à ses supérieurs
qu’ils ne sont pas des machines et que le sort qui les attend
n’est probablement rien de moins qu’une mort certaine. Les
scénaristes ont d’ailleurs réussi à accomplir
un travail exemplaire en se servant du développement des différents
personnages avec le bagage nécessaire pour en faire une synthèse
des caractéristiques de la société américaine
de l’époque. On nous présente un système
entêté et impulsif qui ne prend pas nécessairement
le temps de réfléchir et de peser le pour et le contre
de leurs actions avant de les commettre (est-ce que cela a vraiment
changé?). Le tout est appuyé par d’impressionnantes
performances de la part des acteurs. Colin Farrell vole littéralement
la vedette en faisant ce qu’il sait faire de mieux: interpréter
un personnage très charismatique doté d’une incroyable
présence à l’écran.
Un parallèle inévitable serait avec la première
partie du Full Metal Jacket de Kubrick Cependant, dans le cas
de Tigerland, Joel Schumacher réussira à convaincre
plusieurs cinéphiles alors que ce dernier ne force absolument
pas l’essai sur une note expressive et surréaliste, mais
y va plutôt avec une approche directe. Son traitement visuel de
manière générale se rapproche du documentaire où
il utilise également une texture d’image granuleuse rappelant
les effets du numérique au niveau de la photographie, donnant
une allure plutôt sale à l’œuvre, de façon
à faire entrer le spectateur de plein fouet dans le contexte.
Donc, un film de guerre qui se tient admirablement bien debout. Schumacher
prouve que malgré ses mésaventures douteuses dans l’industrie
hollywoodienne, il a tout de même une bonne dose de talent et
d’idées à offrir au public. Dommage qu’il
ne le démontre pas assez souvent. Chaque aspect est traité
avec intelligence et une profondeur admirable en son genre. Dans la
lignée des films de guerre à la The Thin Red Line
où le réalisme remplace l’accent poétique
dans le cas présent. Une œuvre qui passa malheureusement
inaperçue et qui vaut franchement la peine d’être
découverte. Une très belle surprise.
Version française :
Tigerland
Scénario :
Ross Klavan, Michael McGruther
Distribution :
Colin Farrell, Matthew Davis, Clifton Collins Jr.,
Tom Guiry
Durée :
100 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
19 Octobre 2003