THE THING WITH TWO HEADS (1972)
Lee Frost
Par Frédéric Rochefort-Allie
Imaginez le drame: un grand chirurgien (Ray Milland) reconnu comme étant
raciste se voit obligé, vu sa maladie, de faire greffer sa tête
sur le corps d'une autre personne, un homme noir, criminel (Roosevelt
Grier)! Heureusement, même si la logique de la science ne pourrait
expliquer une telle opération, ce fameux chirurgien réussit
à greffer une seconde tête à son gorille domestique,
prouvant ainsi la réussite de ce type d'opération. Le
petit hiatus dans tout ça, outre le fait qu'il se soit retrouvé
sur un homme d'une autre race, demeure dans le fait que quand le criminel
apprend que sa deuxième tête le condamne, lui, à
mourir (la logique veut quand même qu'une seule tête ne
peut survivre), il se décidera alors à tout faire pour
demeurer en vie. D'où le titre The Thing With Two Heads.
Mélangé entre le série B et le blacksploitation,
le scénario du film n'a absolument aucune logique, niet, nada!
C'est justement ce qui fait son charme, car il semblerait bien qu'outre
certains petits gags faciles, le film se prend très au sérieux
pour son message antiracisme. Mais comment arriver à trouver
une certaine crédibilité quand le film débute avec
un gorille (à deux têtes et qui n'est visiblement qu'un
homme dans un costume) qui s'enfuit dans une épicerie, je vous
le demande? Déjà simplement avec un titre si ridicule,
il y a de quoi se poser de sérieuses questions. Ce qui est étonnant
dans ce navet de premier ordre, c'est qu'on tente de créer un
film qui permettra aux jeunes Noirs d'avoir un sentiment de vengeance
sur les Blancs. Sauf que quand le Noir est aussi stéréotypé
que le Blanc, il y a un sérieux problème. D'autant plus
qu'avec des dialogues tels: «Do you have two of anything else?»,
le scénario semble avoir été écrit en l'espace
d'une soirée, avec quelques bières dans le corps.
Une fois la transplantation terminée, c'est alors que commence
une poursuite «infernale» pour arrêter le dangereux
criminel. À ceux qui se demandent comment deux acteurs peuvent
être sur le même corps à motocyclette, la réponse
est simple: un acteur à l'avant et l'autre à l'arrière,
la tête accotée sur l'épaule du premier et leur
tête unie par un pseudo bandage, s'expliquant par la récente
opération. De quoi faire de sérieux rapprochements avec
les effets spéciaux des Chick N Swell! Ce qui est d'autant plus
ridicule, c'est que l'ensemble du film se base sur cette fameuse poursuite,
et que contrairement à celle de The Great Escape, on
y trouve absolument aucun plaisir, si ce n'est que de voir son exécution
tout à fait minable. Alors que le film semble avoir touché
le fond du baril, il se termine sur un happy end plus que révoltant
où tout se passe merveilleusement bien, chantant tous sur Oh
Happy Days, pitié!
L'étrange duo est formé d'acteurs de formation carrément
différentes qui sont carrément incompatibles. L'un, Roosevelt
Grier est un joueur de football par formation qui joue à la façon
soul cinema donc plus humoristique (blacksploitation)
tandis que l'autre, Ray Milland est l'ancien récipiendaire d'un
Oscar et d'un César pour un drame. La fascination envers cette
créature qu'ils forment provient donc beaucoup moins du fait
qu'ils ont deux têtes que de celui qu'ils n'adoptent pas du tout
la même intonation.
Finalement, en son genre, The Thing With Two Heads est un film
remarquable pour la nullité légendaire qui entoure la
totalité de sa production. Cependant, il n'est à recommander
qu'aux grands amateurs de série-b car le film est bien moins
amusant qu'une production d'Ed Wood et qu'en terme de série b,
même si le film est ridicule, on peut y trouver beaucoup plus
divertissant.
Version française : -
Scénario :
Wes Bishop, Lee Frost
Distribution :
Ray Milland, Roosevelt Grier, Don Marshall, Roger
Perry
Durée :
93 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
8 Juillet 2005