TERMINATOR SALVATION (2009)
McG
Par Jean-François Vandeuren
Qu’il ait fallu douze ans pour qu’une suite au fameux Terminator
2 : Judgment Day de James Cameron voit le jour laissait présager
que le principal intéressé avait déjà suffisamment
bien bouclé la boucle pour que l’ajout d’un troisième
épisode ne soit réellement nécessaire, ou même
justifiable. Et à voir ce qu’il advint de la série
sous la tutelle de Jonathan Mostow (Rise of the Machines),
nous pouvions également nous demander si l’équipe
en charge possédait simplement assez de verve et de bonnes idées
pour poursuivre le travail entamé par Cameron d’une manière
moindrement intéressante. Mais malgré l’échec
d’un troisième volet qui s’avéra tout ce qu’il
y a de plus risible, certaines personnes à Hollywood semblent
toujours croire au potentiel commercial - et artistique - de la franchise.
Si bien que nous avons droit aujourd’hui à Terminator
Salvation. Projet qui, après s’être retrouvé
entre les mains d’une pléthore de cinéastes, aboutit
finalement entre celles du réalisateur McG (Charlie’s
Angels) et des scénaristes John D. Brancato et Michael Ferris
- à qui nous devons autant les écrits de l’excellent
The Game de David Fincher que ceux du répugnant Catwoman
de Pitof. Quelques éléments nous laissaient tout de même
croire que la franchise réussirait peut-être ici à
retrouver son lustre d’antan. On pense évidemment à
l’implication d’acteurs de renom tels Christian Bale et
Bryce Dallas Howard, mais aussi à celle du scénariste
Jonathan Nolan (Memento, The Dark Knight) qui participa
à l’une des nombreuses séances de réécriture.
Malheureusement, le résultat final se rapproche davantage de
la production opportuniste tant redoutée que de l’opus
un peu plus raffiné qui aurait pu ramener cette intrigue dans
le droit chemin plutôt que de nous faire de nouveau regretter
qu’elle n’ait pas pris fin il y a maintenant près
de vingt ans.
Un tel dérapage n’est pourtant pas dû ici à
un manque de volonté ou même d’ambition de la part
de l’équipe responsable de ce quatrième chapitre.
Loin de là. Le problème se situe plutôt au niveau
de l’exécution. Le duo Brancato-Ferris cherche bien à
s’éloigner de la ronflante poursuite de deux heures qu’il
avait concoctée six ans plus tôt pour concilier étude
de personnage et déploiement massif d’effets visuels d’une
façon un peu plus consistante. Le hic, c’est que les deux
scénaristes n’arrivent jamais à doser ces deux extrêmes
d’une manière suffisamment soutenue pour donner une réelle
raison d’être à leurs séquences de guerre
post-apocalyptique et ainsi combler les attentes des spectateurs en
quête d’une intrigue futuriste bien ficelée tout
comme celles de ceux carburant uniquement à l’adrénaline.
Nous nous retrouvons ainsi face à un divertissement peu engageant
nous amenant continuellement en terrain connu et dont la profondeur
s’avère finalement bien illusoire, accordant une certaine
importance à énormément d’idées sans
jamais vraiment chercher à aller au bout de celles-ci. Les personnages
secondaires abondent sans que ne ressorte de réel protagoniste,
chacun alimentant sa propre petite histoire sans que l’ensemble
n’atteigne jamais un niveau un peu plus substantiel. Il faut dire
que le présent effort ne se contente en soi que de falsifier
la recette que Cameron avait mise sur pied en 1984 et recopiée
en 1991, le concept du voyage temporel en moins. Les machines chercheront
donc ici à mettre la main sur un individu - Kyle Reese (Anton
Yelchin), le futur père de John Connor (Christian Bale) - dont
l’assassinat pourrait bien sceller le sort de l’humanité.
Du côté de la résistance, Connor devra de nouveau
faire confiance à un Terminator plus humain que mécanique
(Sam Worthington) pour sortir la race humaine de cette fâcheuse
position.
Et bien que la nomination de McG à titre de réalisateur
ait pu soulever autant d’inquiétudes que lorsque les commandes
de la franchise X-Men se sont retrouvées entre les mains
de Brett Ratner, nous devons bien reconnaître que l’Américain
a su s’adapter au défi qui lui a été proposé
- à défaut de réussir à le relever entièrement.
Ce dernier met ainsi en images ce monde dévasté par la
guerre d’une manière tout à fait convenable, utilisant
une palette de couleurs dominée par les teintes de brun et de
gris avec laquelle tout amateur de jeux vidéo sera immédiatement
familier. Il faut dire que sans révolutionner quoi que ce soit,
McG aura au moins su s’imprégner du bon état d’esprit
pour pouvoir rendre son univers crédible et fonctionnel tout
en prenant soin de ne pas répéter les mêmes abus
de style qu’il s’était si souvent permis pour ses
navrants Charlie’s Angels. Le cinéaste orchestre
d’ailleurs quelques moments de mise en scène particulièrement
inspirés et inspirants, concentrant davantage ses énergies
ici sur les mouvements à l’intérieur de ses cadres
plutôt que de faire à nouveau virevolter sa caméra
dans tous les sens. Le seul problème, c’est qu’à
l’image de ses antagonistes, Terminator Salvation semble
tout simplement dénué de toute âme. Les séquences
d’explosion et de combat vibrant au rythme d’une trame sonore
tout ce qu’il y a de plus musclée sont exécutés
avec tout le professionnalisme auquel nous pouvions nous attendre d’une
telle production, mais le tout s’avère encore là
bien routinier et n’arrive pas à faire transparaître
l’aura mythique, voire même philosophique, qui habitait
autrefois la série. L’artillerie déployé
est, certes, imposante en apparence, mais se révèle particulièrement
déficiente lorsque vient le temps de générer ne
serait-ce qu’un tant soit peu de suspense ou de réflexion.
Comme toute bonne machine hollywoodienne qui se respecte, la série
Terminator démarra en trombe et réussit à
conserver sa fougue et sa popularité assez longtemps pour motiver
la fabrication d’un second modèle plus sophistiqué
et plus performant. Mais le temps finit par faire son oeuvre et après
un troisième tour de piste qui s’avéra tout sauf
concluant, le puissant bolide imaginé par Cameron aurait normalement
dû être complètement redessiné - ou simplement
remisé. Mais McG et son équipe préférèrent
jouer les mécaniciens plutôt que les ingénieurs,
se contentant de modifier la peinture et d’éliminer quelques
traces de rouille au lieu de s’attaquer aux pièces de l’engin
qui aurait dû être mieux huilées, ou même carrément
remplacées. Le potentiel du présent effort est pourtant
visible du début à la fin, que l’on pense à
l’histoire de cet ancien prisonnier du couloir de la mort qui
profitera de sa résurrection pour rebâtir sa conscience
ou aux déboires d’un John Connor encore peu à l’aise
dans son rôle de sauveur de l’humanité. Ces deux
pistes dramatiques sont d’autant plus appuyées par de bonnes
performances de la part de Bale et Worthington, et ce, malgré
les nombreuses failles dans le développement de leur personnage
respectif. Mais le tout demeure malheureusement à l’image
d’un film qui semble prendre l’héritage de Cameron
un peu trop pour acquis et qui se contente de camoufler ses diverses
carences créatives par le biais de références trop
évidentes à des films comme The Matrix et The
Road Warrior. Même l’inévitable affrontement
final dans un grand centre industriel se révélera un hommage
- pour ne pas dire une copie conforme - à la conclusion d’un
autre film de James Cameron : Aliens. Terminator Salvation
marque bien une progression par rapport à son prédécesseur
direct, mais encore là, cela ne veut pas dire grand-chose.
Version française :
Terminator Rédemption
Scénario :
John D. Brancato, Michael Ferris
Distribution :
Christian Bale, Sam Worthington, Bryce Dallas Howard,
Moon Bloodgood
Durée :
115 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
29 Juin 2009