TEAM AMERICA : WORLD POLICE (2004)
Trey Parker
Par Jean-François Vandeuren
Depuis ses débuts à la télévision il y a
de cela maintenant presque dix ans, la série animée culte
South Park de Trey Parker et Matt Stone a vite su susciter
la controverse et par la même occasion rejoindre des cibles de
choix telles la violence exubérante présente dans les
jeux vidéos et les gros films d’action à l’hollywoodienne,
afin que toute bonne mère américaine vaillante et attentionnée
puisse se tourner vers un élément extérieur du
domicile familial pour expliquer les comportements bizarres de leur
progéniture. Mais dans un monde ou même penser peut être
réprimandé, n’était-ce pas plutôt l’audace
et l’intelligence évidente du propos critique de l’«American
way of life» se cachant derrière cette humour absurde
et crue qui fut véritablement perçue comme une menace
puissante? Soit, comme un nombre assez impressionnant de cinéastes
avant eux cette année, Parker et Stone viennent profiter de l’absurdité
de la guerre au terrorisme et de la situation chaotique en Irak pour
nous offrir un tout nouveau long-métrage où ils tirent
allègrement les ficelles sur une satire où tout le monde
à gauche comme à droite en prend pour son rhume.
Team America se situe à mi-chemin entre une obèse
production signée Jerry Bruckheimer où les questions se
posent après que tout ait été détruit et
les vieilles séries mettant en scène des marionnettes
comme les incontournables Sentinelles de l’Air. Au fil
de ce récit se permettant plusieurs références
hilarantes à Kill Bill, The Matrix, Star
Wars et aux vieux James Bond pour ne nommer que ceux-ci,
nous suivons la Team America, une escouade agissant à titre de
police du monde et qui tente d’enrayer la menace terroriste. Mais
voilà que le tout se complique lorsque la Film Actor’s
Guild (F.A.G.), une association regroupant les gros noms du paysage
hollywoodien, dénonce les effets destructeurs de Team America
sur le reste du monde et que le dictateur nord-coréen Kim Jong
Il prépare méticuleusement à l’insu de tous
une attaque tel que le monde n’en a encore jamais connue.
Trey Parker et Matt Stone n’ont jamais fait dans la dentelle auparavant
et ce n’est certainement pas par cet essai qu’ils vont témoigner
un désir sincère de s’assagir. Ce qu’ils ont
toujours su faire avec justesse par contre c’est de ne jamais
adopter unilatéralement un parti pris pour un envers de la médaille.
Avec Team America, autant les fanatiques militaires convaincus
que la ferveur des combattants pacifistes sont tournés en dérision.
Dans le même ordre d’idées qu’il se fait désormais
de la propagande pour redorer l’image de la paix, les deux cinéastes
réussissent à complètement inverser les rôles
où ceux qui applaudiront inévitablement l’effort
de création de l’équipe derrière Team
America se retrouveront malgré eux à prendre parti
à bien des égards pour ce qui se trouve à l’opposée
de leurs convictions. C’est de cette manière que Parker
et Stone font briller leur plaidoirie dénonçant une époque
politiquement et socialement ingrate où tous se doivent d’avoir
une opinion et d’être cataloguer dans un où l’autre
des deux camps desquels émanent respectivement un lot assez massif
de conneries. Il faut dire que depuis l’adaptation cinématographique
de leur série télé, le ton observateur et l’intelligence
du propos n’a fait que croître avec le temps. On retrouve
évidemment dans Team America l’humour gras, violent
et vulgaire auxquels ils nous ont habitué au fil des années,
mais du même coup la brillance de la critique de ce nouveau long-métrage
vient se positionner parallèlement au moment où South
Park a véritablement atteint son paroxysme en terme de créativité
et de raisonnement.
Impossible également de passer sous silence les techniques d’animation.
Même si le film joue la carte de la parodie en se moquant à
répétition des limites de l’utilisation de marionnettes,
il n’en ressort pas moins un travail absolument colossal qui fait
ses preuves surtout dans la façon conventionnel dont le film
fut filmé, usant de longs mouvements de caméra pour dévoiler
un monde en miniature qui prend vie aux côtés des décors
prodigieusement créés. L’équipe de production
s’est même permis de faire appel aux services du directeur
photo Bill Pope qui avait fait part de son talent par le passé
pour des productions comme Spider-Man 2 et The Matrix.
Et comme pour South Park: Bigger, Longer and Uncut, Parker
et Stone ont su sortir une trame sonore qui vient souvent voler la vedette
avec une suite de chansons cultes ridiculisant le patriotisme et les
clichés les plus flagrants du cinéma américain.
Il serait facilement reprochable aux deux cinéastes d’user
d’un manque flagrant de subtilité dans la façon
dont ils livrent leur message, mais du même coup, Team America
est la claque en pleine face qu’il nous fallait et que tous espéraient.
Aussi intelligent que vulgaire, probablement le film le plus imprévisible
à voir le jour depuis un bon moment et face auquel il est impossible
de rester de glace. F*ck Yeah!
Version française : Escouade américaine : Police
du monde
Scénario : Trey Parker, Matt Stone, Pam Brady
Distribution : Trey Parker, Matt Stone, Kristen Miller, Daran
Norris
Durée : 105 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 22 Octobre 2004
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