TAXI DRIVER (1976)
Martin Scorsese
Par Frédéric Rochefort-Allie
Les années 1970, période sombre de l'histoire des États-Unis,
furent plutôt mouvementées côté cinématographique.
Il fut un courant, dans le cinéma américain de cette époque,
qui pris sa source du cinéma italien et de la nouvelle vague
française pour venir porter un nouveau souffle à un cinéma
qui se mourait et un pays désillusionné par une guerre
dévastatrice. C'est à cette époque que Scorsese,
jeune cinéaste italo-américain, réalisa Taxi
Driver, un film qui allait révolutionner le cinéma.
Même aujourd'hui, rares sont les films qui marquent profondément
une génération, voire une nation.
Chauffeur de taxi paumé et solitaire, Travis Bickle (Robert De
Niro) se sent ignoré, dégouté et aliéné
par cette société dont il voit chaque jour les bas-fonds.
Lorsqu'une femme (Cybill Shepherd) refuse de sortir avec lui, une haine
saisit Travis et il décide de faire sa propre justice.
Scorsese, ce nom résonne par son importance. Dès les premières
minutes du film, on saisit immédiatement le talent du cinéaste.
Expérimentant des mouvements jusqu'alors impensables avec ses
caméras, il nous propose un regard très subjectif sur
l'Amérique. Adoptant une réalisation près du documentaire,
Travis Bickle prend vie et quitte le statut de personnage de fiction,
pour devenir aux yeux du spectateur un réel individu. Scorsese
manipule le spectateur en intensifiant de façon très subtile
l'identification à ce personnage mythique au cours de la progression
du récit. Par exemple, il utilise la narration en voix off pour
projeter le spectateur dans l'esprit même de Bickle tandis qu'il
écrit un journal intime et pour le faire accéder à
ses souvenirs de façon plus intime. Cette stratégie est
d'une efficacité sans pareil.
Le film déstabilise et prend des dimensions presque irréelles.
«You talkin' to me?» nous lance un Robert De Niro
à son meilleur. Il imprègne si bien son personnage qu'il
en devient monstrueux. À la fois humain et terrifiant, De Niro
nous marque et absorbe nos regards. On comprend vite la fascination
qui porta John F. Hincley Jr à tenter un assasinat du président
Reagan pour imiter son idole. Jodie Foster, quant à elle, s'avère
à devenir une véritable icône pour le spectateur,
il n'est pas surprenant que ce même criminel ait été
amoureux de la jeune fille. La pureté de son jeu ne fait qu'ajouter
au paradoxe qu'elle incarne, une prostituée.
Au film s'ajoute une musique composée par l'illustre Bernard
Herrmann (compositeur de Citizen Kane, Psycho et Vertigo)
qui exprime magnifiquement la solitude de Travis. Contrairement à
sa trame sonore de Psycho, la musique de Taxi Driver
est subtile afin de mieux saisir l'essence du personnage Travis Bickle.
C'est aussi avec admiration qu'on peut regarder le travail du scénariste
Paul Schrader. Ses dialogues gardent un ton naturel qui jouent aussi
beaucoup sur le réalisme du film. Tout au long du scénario,
il semble vouloir traiter de la fragilité. Le personnage de Travis
recherche de la stabilité et de l'attention par la violence et
la jeune prostituée par le sexe. Chaque chose qu'entreprend Travis
échoue, c'est probablement ce qui rend le personnage si humain.
Paul Schrader exploite son potentiel maximal et signe un scénario
de béton qui est encore, près de 30 ans plus tard, une
référence en la matière.
Dérangeant, violent, Taxi Driver nous propose un voyage
intimiste dans la tête d'un homme qui ressemble à une parcelle
de chacun de nous. La violence n'est jamais gratuite, toujours justifiée,
et représente parfaitement l'Amérique des années
1970. Au bout du compte, le spectateur fait une rétrospection
sur lui-même et la société qui l'entoure. Scorsese
prouve avec cette oeuvre qu'il est l'un des rois du cinéma américain
et que nul ne peut l'ignorer. Un film marquant.
Version française :
Le Chauffeur de taxi
Scénario :
Paul Schrader
Distribution :
Robert De Niro, Cybill Shepherd, Jodie Foster,
Harvey Keitel
Durée :
113 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
22 Septembre 2003