A TALE OF TWO SISTERS (2003)
Kim Ji-Woon
Par Jean-François Vandeuren
Ce n’est pas tant le cinéma d’horreur qui semble
être désorienté en ce début de siècle
plus que nous qui ne regardons pas nécessairement dans la bonne
direction pour étancher notre soif persistante pour un spectacle
macabre de bon gout. Même si les cinéastes occidentaux
réussissent encore à tirer leur épingle du jeu,
de manière populaire, l’horreur et le fantastique semblent
de plus en plus perdre leurs moyens de ce côté-ci de l’Atlantique
face à un public toujours plus exigeant, et donc souvent déçu.
Ce n’est pourtant pas le nombre de productions de qualité
qui manquent. La région phare en ce moment pour ce cinéma
est évidemment l’Asie, d’où émergent
des cinéastes ayant enfin compris que ce qui explique en majeur
partie l’efficacité, et souvent même la renommé,
d’un film de ce genre, c’est avant tout l’atmosphère
qui s’en dégage. A Tale of Two Sisters du réalisateur
sud-coréen Kim Ji-Woon est un très bon exemple de ce phénomène.
Une réussite qui exige toutefois de faire certaines concessions.
Ce drame d’horreur débute donc avec le retour de deux sœurs
à la résidence familiale après un séjour
dans une institution psychiatrique qui devait régler un traumatisme
provoqué par la mort de leur mère. Mais tout n’est
pas encore au beau fixe avec leur belle-mère, la plus vieille
des deux sœurs la voyant comme une menace pour la plus jeune, visiblement
effrayée de leur nouvelle figure maternelle. Mais il y a autre
chose qui ne tourne pas rond. Les deux jeunes filles commencent alors
à être témoins d’évènements
bizarres dont elles croient leur nouvelle mère responsable. Le
problème cependant est qu’elle aussi semble être
la cible de ces étranges manifestations.
A Tale of Two Sisters parvient d’entrée de jeu
à ne pas tomber dans le piège si souvent exploité
par les films d’horreur populaires, c’est-à-dire
tenter de créer de grandes scènes à suspense par
le biais de passages propices qu’à une simple frousse momentanée
qui ne cherche aucunement par la suite à soutenir cette ambiance,
question d’alimenter autant l’imagination que le facteur
de stress du public. Kim Ji-Woon ne plonge certes pas continuellement
son film dans un climat d’effroi, mais ce dernier construit par
contre si efficacement sa mise en scène et ses thématiques
aux alentours que cette idée perdure. Le cinéaste a su
concocter en ce sens un stratagème surprenant alimentant bien
la teneur plus psychologique, voire parfois tragique, de son scénario
à sa touche fantastique. Récit qui réussit d’ailleurs
à prouver l’efficacité mis en doute de certains
rouages de longue date du genre qui fonctionne pourtant très
bien dans ce cas-ci, utilisant des bases classiques telle celle de la
maison hantée avec simplicité, mais en misant avec une
précision phénoménale sur les points forts de ces
concepts.
Le rythme occupe évidemment une place prédominante au
cœur de A Tale of Two Sisters. Rythme on ne peut plus
minutieux qui soutient avec justesse une ambiance angoissante non pas
acheminée par un montage tapageur, mais plutôt par la lenteur
élaborée avec finesse du côté dramatique
du film, utilisé tout aussi adéquatement comme tremplin
vers les moments un peu plus frénétiques de l’autre
facette de l’essai. Le cinéaste ne lâche pas non
plus prise face à son contexte tenant à rendre un peu
plus étrange une situation déjà fort inconfortable
en soi par des revirements que ce dernier parvient même à
confondre entre eux. Une recette qui s’assemble méticuleusement
au fil du récit grâce aux qualités de metteur en
scène de Kim Ji-Woon qui révèle ici une superbe
maitrise autant au niveau de l’image que des effets sonores, en
plus de diriger un solide ensemble d’interprètes.
A Tale of Two Sisters se veut donc un drame d’horreur
qui se joue bien de ses thèmes à saveur plus psychologiques
pour nous embrouiller davantage dans son casse-tête où
la tension y est palpable. Réussissant là où bien
des productions du genre à l’hollywoodienne échouent,
expliquant peut-être l’engouement démesuré
des grands studios américains envers le cinéma fantastique
asiatique, le présent film n’échappera d’ailleurs
pas à cette vague puisqu’un remake serait déjà
en préparation, l’opus de Kim Ji-Woon ne révolutionne
peut-être rien d’un point de vue scénaristique, mais
il parvient néanmoins à faire un usage surprenant de ce
moule maintes fois trafiqués, souvent sans succès. Même
si elle n’échappe pas à quelques fautes incohérentes,
cette histoire demeure tout de même habilement montée par
le réalisateur sud-coréen qui suit une logique qu’on
ne retrouve pas toujours dans ce genre de scénario, surtout si
l’on considère la finale.
Version française : -
Version originale :
Janghwa, Hongryeon
Scénario :
Kim Ji-Woon
Distribution :
Kim Kap-su, Yum Jung-ah, Lim Su-jeong, Mun Geun-yeong
Durée :
115 minutes
Origine :
Corée du Sud
Publiée le :
24 Mars 2005