SUPER SIZE ME (2004)
Morgan Spurlock
Par Jean-François Vandeuren
Il est plus qu’évident que la société états-uniennes
actuelle souffre d’un problème assez lourd. En effet, l’obésité
est bien loin d’être un simple cas isolé et c’est
d’ailleurs un mal qui semble s’amplifier de jour en jour.
La cible de choix pour expliquer la dégradation de la santé
des Américains demeure l’abondance des fast-foods, et quand
on dit fast-foods, on pense inévitablement à McDonald’s.
Ne faisant pas exception à la règle, ce fut également
le cas pour l’instigateur de ce projet. Ce dernier cherche à
dénoncer avec Super Size Me cette partie de la nouvelle
équation visant à engraisser et abrutir une population
qui réalise trop souvent lorsque le sort en est jeté que
la marmite n’était jamais bien loin.
Afin de démontrer les effets néfastes causés par
toute cette nourriture bien loin d’être saine, le réalisateur
Morgan Spurlock se proposa comme cobaye de sa propre expérience
en se soumettant pendant un mois complet à un régime alimentaire
composé exclusivement de nourriture provenant de la chaine de
restaurants McDonald’s. Les résultats dévastateurs
sur la santé de ce dernier jetèrent au tapis même
les spécialistes de la santé engagés pour faire
un suivi du projet. Ceux-ci ne s’attendaient vraisemblablement
pas à voir un corps humain devenir aussi mal en point par la
seule faute du fast-food. Ronald a de quoi rire jaune.
Super Size Me arrive à point dans le début de
la vague de documentaires à saveur pop découlant de l’immense
succès connu par Michael Moore au cours des dernières
années. Sans offrir énormément d’éléments
nouveaux concernant cette polémique, Morgan Spurlock fait néanmoins
entrer son reportage choc à merveille dans ce moule en réussissant
à soutenir suffisamment bien sa problématique par le biais
de faits concrets et de statistiques assez révélatrices
sur les pratiques de ces chaines de restaurants et l’ampleur impressionnante
du problème à l’heure où les États-Unis
comptent désormais la population la plus obèse du monde.
On lui pardonnera donc un certains manque d’effort au niveau de
la présentation puisque de toute façon, l’esthétique
est plutôt secondaire dans un film documentaire. Il présente
d’une façon tout aussi percutante les effets secondaires
désastreux de cette initiative sur sa condition physique et psychologique
se traduisant par un sentiment de fatigue, des maux de ventre continus,
des maux de tête, un taux de cholestérol et une pression
artérielle devenus dangereusement élevés, un sentiment
de déprime émanant d’aucune cause, etc. Le rythme
du film suit d’autant plus efficacement cette progression partant
d’une touche d’humour satirique bien prononcée vers
un ton beaucoup plus sérieux et lourd en fin de parcours.
Mais le point soulevé apparaissant comme étant le plus
digne d’intérêt demeure le principal public cible
de ces restaurants: les enfants. Les McDonald’s, Burger King et
cie savent très bien que les parents sont plus souvent qu’autrement
impuissants face aux caprices d’un enfant apercevant au loin un
« M » jaune géant et qui salive déjà
à l’idée de frites et de cheeseburgers. McDonald’s
offre même des parcs d’amusement dans quelques villes américaines
s’avérant être le seul centre d’amusement pour
ces jeunes. Il s’assure ainsi de plus grande chance d’accrocher
ces futurs consommateurs pour le restant de leurs jours. Une autre idée
intéressante est le soulèvement de la comparaison entre
les chaines de fast-food et l’industrie du tabac, l’obésité
et la cigarette étant respectivement la première et la
deuxième cause de décès aux États-Unis.
On revient en même temps à l’idée de l’accoutumance
des enfants qui revient finalement à développer chez ces
derniers une dépendance marquée envers cette nourriture.
Dans le même ordre d’idées, Spurlock présente
un parallèle intéressant entre le fast-food et la consommation
en général en soulevant le fait que les portions format
géant offertes par ces restaurants offrent beaucoup plus de nourriture
qu’un être humain normalement constitué a besoin.
Cela revient à consommer encore et toujours dans le seul et unique
but de consommer, pour le sentiment de réconfort venant des choses
ou d’un bon et juteux hamburger qui n’a rien à voir
avec la photo dans la vitrine du restaurant, les frites déjà
amplement salées qu’on ne peut s’empêcher de
saler davantage, d’une boisson gazeuse ridiculement grosse, du
p’tit jouet en extra pour les enfants, pour combler un faux besoin
découlant d’une dépendance mécanique qui
revient par la même occasion à la comparaison avec le tabac.
Toujours plus, c’est mieux… Du moins, pour ces compagnies
en tout cas! Il est bien évident que contrairement à leurs
dires, la santé du consommateur restera toujours bien loin du
portefeuille de ce dernier dans l’ordre de leurs priorités
immédiates.
Il s’agit donc d’une satire bien faite dans l’ensemble,
mais qui nous laisse malheureusement sur notre faim (c’est le
cas de le dire). Certains détails demeurent malencontreusement
nébuleux où n’ont pas été menés
à bon terme, ce qui est un peu dommage vu tout le potentiel de
l’idée de base. Super Size Me atteint néanmoins
son but de susciter une vive réaction chez son auditoire qui
redoutera désormais le traditionnel BigMac et chez qui se formera
également l’inévitable désir de changer les
choses. Mais comme pour n’importe quel régime, reste à
savoir si cette volonté persistera.
Version française :
Super Size Me : Malbouffe à
l'américaine
Scénario :
Morgan Spurlock
Distribution :
Morgan Spurlock, Daryl Isaacs, Lisa Ganjhu, Stephen
Siegel
Durée :
96 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
5 Juin 2004