A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

SUNSHINE (2007)
Danny Boyle

Par Jean-François Vandeuren

Les deux premières collaborations entre Danny Boyle et le scénariste Alex Garland ne nous présentaient pas toujours le genre humain sous son jour le plus attrayant. Les efforts du duo faisaient plutôt état d’un monde à la dérive dans lequel l’homme, déshumanisé, était désormais incapable d’assurer la survie de ses idéaux (The Beach), et devait faire face aux conséquences catastrophiques de sa constante témérité face à la science et mère nature (28 Days Later). Les deux cinéastes ne changent aucunement de cap avec Sunshine et augmentent même les enchères en confrontant cette fois-ci l’humanité toute entière à sa propre extinction. Le soleil est sur le point de mourir, plongeant peu à peu la planète bleue dans une nouvelle ère glacière qui pourrait bien être la dernière de sa courte histoire. Une mission spatiale bizarrement baptisée Icarus-1 est alors envoyée en direction de l’astre en question afin d’y provoquer la naissance d’une nouvelle étoile. Lorsque le contact est rompu avec l’immense engin, Icarus-2 prend son envol, emportant avec lui l’ultime espoir d’une civilisation qui n’aura vraisemblablement pas d’autre chance d’éviter la grande noirceur. Tout se déroulera comme prévu à bord du vaisseau jusqu’au jour où l’équipage interceptera un signal de détresse provenant de la première expédition. Au terme d’une décision fort controversée, l’embarcation mettra le cap sur Icarus-1 afin de venir en aide aux derniers survivants et d’obtenir une chance supplémentaire de mener la mission à terme. Mais une erreur de calcul survenue lors de la modification de la trajectoire de l’appareil provoquera une série d’incidents qui compromettront grandement le succès de la mission en plus de causer la perte de plusieurs membres de l’équipage.

Sunshine est évidemment tributaire des concepts et préoccupations auxquels les deux cinéastes avaient déjà tenté de nous sensibiliser lors de leurs deux premières rencontres. À la manière du surprenant 28 Days Later, le présent effort s’alimente d’un profond sentiment de désespoir et d’urgence d’agir tout en méditant sur la valeur d’une seule vie humaine face au bien de toute une collectivité. Une mise en situation qui fut évidemment apprêtée à toutes les sauces possibles et inimaginables au cinéma, mais que le scénariste britannique renouvelle malgré tout de belle façon en privilégiant une approche beaucoup plus rationnelle qu’émotive et dramatique. Le tout à l’intérieur d’un cadre narratif particulièrement étroit qui n’est pas sans rappeler le microcosme soi-disant paradisiaque dans lequel évoluaient les personnages de The Beach. Mais bien qu’Alex Garland récite ici un discours qu’il connaît visiblement sur le bout des doigts, ce dernier parvient néanmoins à lui donner un second souffle en accordant énormément d’importance à l’évolution psychologique de ses protagonistes qu’il confronte constamment à un sens du devoir pour le moins ambiguë dans un contexte où la mort leur semblera de plus en plus inévitable. Il faut dire que le scénariste traite également ces idées d’une façon plus posée, et par conséquent plus significative, en opposant habilement préoccupations d’ordre politique, écologique et social à une nature humaine passablement meurtrie que Garland présente à tout coup comme la plus grande force et la plus grande faiblesse de ses sujets.

Garland accorde aussi une importance particulière à cette force imprévisible, et surtout incontrôlable, que représente la nature, traitant le soleil comme une source de pouvoir qui fascinera au plus haut point les uns et corrompra complètement les autres. Le Britannique utilisera d’ailleurs superbement cette image pour rehausser ses écrits d’une touche d’horreur à teneur mystico-biblique particulièrement sentie dont le développement narratif et la valeur symbolique rappelleront à plusieurs égards ceux du monumental Alien de Ridley Scott. Heureusement, cette initiative ne semblera jamais déplacée dans un effort reprenant avec autant de grâce l’élégance et la sérénité ayant caractérisé certains des plus grands classiques de la science-fiction tels le 2001 : A Space Odyssey de Stanley Kubrick et les lectures respectives d’Andreï Tarkovski et de Steven Soderbergh du Solaris de Stanislaw Lem. S’il est vrai que la prémisse de Sunshine peut paraître quelque peu rudimentaire au premier abord, son approche à la fois modeste et grandiose révèle progressivement les traits d’une production tout ce qu’il y a de plus ambitieuse, autant sur papier que sur pellicule. Délaissant complètement les traits beaucoup plus bruts de son 28 Days Later, Danny Boyle signe ici sa réalisation la plus soignée à ce jour, laquelle est merveilleusement photographiée par Alwin H. Kuchler qui avait déjà mis ses talents au service d’une autre œuvre phare du cinéma de science-fiction des années 2000, soit le fabuleux Code 46 de Michael Winterbottom. Le cinéaste britannique se prévaut également de quelques effets de style fort bien orchestrés qu’il utilise principalement pour donner le ton aux passages plus mouvementés et horrifiants du scénario d’Alex Garland.

Tout comme le cinéma de Michael Winterbottom et Frank Cottrell Boyce, l’œuvre de Danny Boyle et Alex Garland est de plus en plus marquée d’une fascination pour le moins réjouissante pour diverses formes de cinéma par rapport auxquelles les deux principaux intéressés affichent à tout coup une compréhension exceptionnelle des codes et des mécanismes narratifs les caractérisant. Le duo signe ainsi avec Sunshine une œuvre magnifique, mais excessivement tourmentée, s’inspirant autant de la mythologie grec que de la bible pour imager un récit fantastique dont les bases demeurent pourtant profondément réalistes et scientifiques. Danny Boyle joue également ses cartes d’une main de maître sur le plan dramatique en confinant ses personnages, et le spectateur par la même occasion, à l’intérieur d’une série de lieux dont l’étroitesse s’avèrera souvent étouffante tout en berçant ses élans aux rythmes d’atmosphères envoutantes que la superbe trame sonore signée Underworld et John Murphy n’aurait pu mieux appuyer. Les deux cinéastes impressionnent également de par la façon dont ils dirigent toute notre attention sur la mission en cours, ses enjeux et ses multiples dérapages, résumant l’urgence de leur mise en situation avec une retenue pour le moins exemplaire qui donnera éventuellement le ton à une séquence finale d’une beauté et d’une simplicité tout simplement sidérantes. Car même s’ils rapprochent toujours un peu plus l’humanité d’un certain point de non-retour, Garland et Boyle demeurent au fond de grands optimistes qui continueront de saluer le courage et la détermination de certains tout en refusant obstinément de jeter la serviette de façon définitive.




Version française : Les Derniers rayons du soleil
Scénario : Alex Garland
Distribution : Cillian Murphy, Michelle Yeoh, Chris Evans, Rose Byrne
Durée : 107 minutes
Origine : Royaume-Uni, États-Unis

Publiée le : 15 Septembre 2007