SUICIDE CLUB (2002)
Sion Sono
Par Jean-François Vandeuren
Voici un autre excellent exemple de cette éternelle série
de films proposant un discours tordu sur une des réalités
sociales d’aujourd’hui qui semble particulièrement
attrayant sur papier, mais dont la crédibilité se voit
malheureusement ternie par une mise en scène indécise
entre un attrait pour le réalisme et un gout trop prononcé
pour les effets chocs. Pour tout ceux qui espéraient enfin voir
un long-métrage révéler au grand jour le lien potentiel
entre la culture pop et ces groupes absurdes de jeunes filles se trémoussant
sur un fond musical insupportable et un évènement particulièrement
sanglant où 54 jeunes écolières se jetèrent
subitement devant un train arrivant en gare, donnant le ton à
une vague de suicide sans précédent au Japon, Suicide
Club semblait l’excuse rêvée pour offrir une
critique forcée, mais à tout le moins ingénieuse,
de l’influence que peut avoir le star system sur nos
vies. Malheureusement, l’effort de Sion Sono ne se contente que
de créer un fouillis faussement profond qui arpente les traces
d’un film policier mélangées aux rouages habituels
des films d’horreur asiatiques, où les nouvelles victimes
de ce fléau apparaissent sous la forme d’un point rouge
ou blanc, dépendamment du sexe, sur un mystérieux site
internet avant même qu’elles ne mettent leur plan à
exécution. La police tentera évidemment de résoudre
cette énigme le plus rapidement possible tout en essayant d’étouffer
l’affaire et ainsi éviter l’hystérie collective.
L’effort de Sion Sono tente donc en vain de dresser un portrait
jamais vraiment subtil, autant dans ce qui est présenté
à l’écran que ce qui est laissé à
notre propre interprétation, d’une société
dormante en quête continuelle d’indications et d’une
marche à suivre qu’elle croit pouvoir retrouver dans la
culture pop et ses fausses idoles souvent adulée comme de nouveaux
prophètes. Suicide Club s’attarde aussi de manière
assez brève au cas d’une jeunesse influençable qui
agit trop souvent sur des coups de tête. Le tout prend position
dans un scénario totalement décousu qui semble parfois
complètement oublier certaines de ses idées pour subitement
les ramener à la vie de façon tardive, nous lançant
sur quelques fausses pistes qui, comme tout le reste, font rarement
du sens dans une tentative où ne se développe pas le moindre
mystère et un niveau de tension peu convaincant.
Pour ce qui est de la facture visuelle de l’essai, Sion Sono semble
étouffé sensiblement par le même dilemme qui déboussola
son scénario, pris comme bien d’autres films du genre entre
le gout pour une entreprise plus modeste et réaliste, et une
esquisse à gros traits pouvant être tout aussi à
propos. Évidemment, Sono ne fait aucunement dans la subtilité,
mais même dans un récit aussi improbable, le réalisateur
japonais propose une violence graphique qui détonne complètement
des intentions de base qui ne s’avèrent jamais criardes
à ce point. C’est à se demander si ces abus servent
vraiment le scénario de Sion Sono ou si ce n’est pas plutôt
celui-ci qui forme un stratagème de convenance à cette
surexposition d’hémoglobine. Suicide Club se tire
d’ailleurs beaucoup mieux d’affaire en tant que film policier
que film d’horreur. Le problème par contre est que dans
cette enquête peu originale, Sono garnit son effort de symboles
qu’il laisse à l’interprétation du spectateur
où, comme pour les deux derniers volet de la série Matrix,
certains y trouveront une richesse cinématographique, voire même
philosophique, absolument époustouflante, alors que d’autres
n’y verront qu’un emballage qui tente de faire paraitre
un scénario peu inspiré beaucoup plus profond qu'il ne
l’est réellement. Dans ce cas-ci, la deuxième option
apparait de loin comme étant la plus plausible.
Mais derrière cette série de mauvaises décisions
et de situations invraisemblables prenant place sous une forme aux ambitions
trop décalées se terre néanmoins un film qui aurait
pu réellement soulever un tel débat d’une manière
intelligente et ce, sans nécessairement faire abstraction de
sa forme plutôt extrême. Cependant, la bêtise parfois
risible d’un scénario où Sion Sono tente beaucoup
plus de choquer son public par des scènes de violence et d’extorsion
qui atteignent rarement la cible, plutôt que de cerner adéquatement
son sujet dont le potentiel justifiait amplement la mise en chantier,
finit par faire de Suicide Club une autre bizarrerie suivant
un récit aux tournures beaucoup trop convenues et une réalisation
qui, même si assez bien élaborée, finit par copier
cette formule typique de l’univers fantastique asiatique.
Version française : -
Version originale :
Jisatsu saakuru
Scénario :
Sion Sono
Distribution :
Ryo Ishibashi, Akaji Maro, Masatoshi Nagase, Saya
Hagiwara
Durée :
99 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
10 Septembre 2005