STORM (2005)
Mans Marlind
Björn Stein
Par Jean-François Vandeuren
Dans une séquence d’ouverture nous ramenant sans escale
à celle du premier épisode de la série The
Matrix, dans laquelle Trinity tentait d’échapper à
une horde d’agents cherchant à lui faire la peau, Storm
prend son envol alors qu’une jeune femme est poursuivie par un
groupe de soldats au service d’un type bien fringué et
visiblement maléfique. La raison de tout ce brouhaha est un petit
cube en argent que la jeune femme et sa clique viennent tout juste de
dérober à leurs rivaux. Malheureusement, l’héroïne
et ses acolytes subirent de lourdes pertes lors de cet assaut qui prit
rapidement les allures d’un abominable bain de sang. Mais voilà
qu’entre en scène un jeune journaliste se la coulant douce
depuis beaucoup trop longtemps. Ce dernier sera évidemment mêlé
malgré lui à toute cette affaire. Mais ce soudain chambardement
dans l'existence du jeune homme est-il vraiment le fruit du hasard?
Les enjeux d’une telle prémisse sont bien connus : le protagoniste
doit découvrir pourquoi toute cette histoire lui est arrivée
alors que, parallèlement, le spectateur s’efforce de découvrir
à quoi peut bien servir le précieux objet dont il est
question depuis le début. Pour ne pas qu’il y ait de jaloux,
toutes les réponses seront dévoilées lors de la
même séquence à la toute fin du film. Il ne manque
plus alors qu’une intrigue moindrement soutenue et originale pour
tenir le spectateur en haleine jusqu’à ce moment fatidique.
Malheureusement, Storm tombe bêtement dans tous les pièges
propre à ce genre de récit et ne semble pas s’en
soucier le moins du monde. Les cinéastes suédois Mans
Marlind et Björn Stein poursuivent ainsi aveuglément leur
chemin pour finir par se casser la gueule de nouveau quelques scènes
plus loin. Pourtant, visuellement parlant, on ne peut pas reprocher
grand chose à Storm, si ce n’est quelques bavures
stylistiques dont on aurait pu facilement se passer. Autrement, Marlind
et Stein signent une mise en scène au goût du jour. Cette
approche on ne peut plus léchée et développée
dans un cadre particulièrement rigide est fort heureusement atténuée
par la nonchalance d’un personnage principal que les deux cinéastes
utilisent pour apporter une touche d’humour qui ne pouvait certainement
pas faire de tort au film. C’est du moins le cas en début
de parcours…
Le problème est que l’on se rend vite compte que Marlind
et Stein n’ont aucune idée originale en banque et leur
film finit par sentir le réchauffé à plein nez.
En ce sens, le duo adore visiblement trois choses : les films des frères
Wachowski, les bandes dessinées et les jeux vidéos. Ce
n’est évidemment pas la première fois que de jeunes
cinéastes s’inspirent de telles sources, mais la manière
dont les deux réalisateurs copient ici à outrance les
grandes lignes de ces trois éléments devient vite navrante.
Entre un chapitre falsifiant autant l’allure que le symbolisme
émotionnel et psychologique de Silent Hill et une séquence
ridicule où notre journaliste branché joue les oracles
en lisant une bande dessinée, Marlind et Stein entraînent
leur personnage dans une quête entretenant certaines similarités
avec diverses histoires de nature religieuse. Ce dernier sera ainsi
confronté à plusieurs fantômes du passé qui
lui révéleront sa vraie nature. Il devra alors choisir
d’écouter le démon sur son épaule droite
l’incitant à laisser le passé là où
il est et poursuivre sa vie de débauche, ou se tourner vers la
figure angélique prête à tout pour lui apporter
la paix intérieure.
À la base, l’intrigue de Storm est loin d’être
bête, mais elle se réfère à des événements
qu’aucun être humain normalement constitué ne pourrait
complètement oublier (du moins, pas tant à la fois) que
le tout ne passe tout simplement pas en bout de ligne. L’autre
problème majeur de l’effort est que Mans Marlind et Björn
Stein se retrouvent avec deux récits de nature foncièrement
différente qu’ils ne réussissent aucunement à
croiser de façon cohérente, voire tout simplement satisfaisante.
Le duo tente bien ici et là de nous préparer à
l’éventuelle résolution de toute cette histoire
sans queue ni tête en en présentant quelques bribes d’une
fraction de seconde de manière disparate. Mais au final, plutôt
que d’essayer de réparer un minimum de pots cassés,
les deux réalisateurs finissent par célébrer leur
propre niaiserie. Le tout donne l’impression d’un scénario
écrit en quatrième vitesse que l’auteur n’a
même pas pris la peine de relire avant que ne débute le
tournage du film, nous laissant avec un débordement d’idées
introduites n’importe comment et parmi lesquelles le duo aurait
dû se faire un devoir d’effectuer de nombreuses coupures.
À trop vouloir suivre les dernières tendances en matière
de cinéma fantastique, Storm finit par perdre toute
forme de personnalité et ne peut alors plus qu’essayer
de faire du sens à partir d’éléments extérieurs
sans se soucier de leur appartenance à son propre récit.
Quel gâchis!
Version française : -
Scénario :
Mans Marlind
Distribution :
Sasha Becker, Lina Englund, Peter Engman, Eric
Ericson
Durée :
110 minutes
Origine :
Suède
Publiée le :
31 Août 2006